La lecture et moi

Je vous avais parlé dans le billet précédent de mon nouveau jouet, un lecteur de e-books. À cette occasion, j'ai regardé de plus près ma liste de lecture, et j'ai trouvé un écart assez impressionnant entre l'impression qu'elle donne et mon rapport réel (pour autant que je puisse juger) avec la lecture. J'ai donc voulu écrire un billet pour rétablir la vérité (ou du moins ce que je considère comme tel).

J'avais prévu de mettre cet article dans la section natologie, mais je n'ai pas réussi à structurer mes idées suffisamment pour en faire un article permanent. J'en ai donc fait ce billet « jetable » (enfin de weblog, quoi), et j'espère que le lectorat accru dans cette section aidera à arriver à des idées assez claires et structurées pour en faire un article définitif.

Je lis beaucoup

J'imagine que la première remarque qui vient à l'esprit en voyant ma liste de lecture est à quel point elle est légère. Par exemple, par rapport à l'homme qui m'en a inspiré l'idée, Laurent Fousse, dont la liste de lecture ridiculise la mienne.

Et pourtant, je passe presque toutes mes journées à lire.

Mais pas des livres, évidemment. Déjà, je vis l'informatique en mode texte, et pour interagir avec quoique ce soit en mode texte, en ben il faut lire. Le courrier électronique dans mutt, la messagerie instantanée par IRC, les flux dans newsbeuter, comp.lang.ada par Usenet, etc. Il est très rare que j'interagisse avec un ordinateur sans ne faire pratiquement que lire (la principale exception étant probablement les jeux vidéos qui ne représentent qu'une part minoritaire de mon temps informatisé).

Il y a quand même une nette différence entre toutes ces activités et la lecture de livres, qui est finalement la seule sorte de lecture reflétée par ma liste de lecture. J'ai du mal à cerner exactement en quoi consiste cette différence, mais elle me semble bien en aval de tout ce que l'on peut désigner par le verbe « lire ». Qu'il s'agisse de déchiffrer des caractères pour trouver les mots qu'ils constituent, ou à plus haut niveau de comprendre un texte, ce processus est, pour autant que je puisse juger, exactement le même dans mes activité quotidiennes que dans la lecture d'un livre.

Je lis lentement

Je suis très lente, sans toutefois (il me semble) arriver dans le domaine pathologique. De mémoire je me situe vers 150-180 mots/minute. À peine plus que quelqu'un qui parle très vite.

J'ai rencontré plusieurs personnes qui ont attribué ça au manque d'entraînement, j'imagine que le point précédent est un contre-argument suffisant.

Je me souviens de cette formation à la lecture rapide où la formatrice a immédiatement reconnu le problème : la subvocalisation. J'ai bien envie de dire « fail » mais en toute honnêteté je n'ai pas la certitude absolue que ce ne soit pas le cas. En tout cas, je n'ai pas l'impression que ce soit le cas.

J'ai plutôt l'impression que je me suis coincée dans le Slow Reading, une « lecture exhaustive » mais encore plus exhaustive que ce que les adeptes de la lecture rapide désignent par cette expression.

Je suis pleinement consciente de non seulement lire chaque mot de chaque phrase, mais en plus je pondère leur place au sens de la phrase, ce que ça veut dire en détail, et ensuite j'assemble ces informations à une construction mentale, pour faire les liens avec le reste du contexte et en déduire rapidement des choses simples.

C'est parfois embêtant d'être coincée dans ce mode là, parce que parfois je suis confrontée à des documents dont je dois prendre connaissance mais que je peux me permettre de survoler. Bon il est souvent arrivé que la lecture exhaustive approfondie à ce stade se révèle utile bien plus tard, mais quand même.

Du coup, même si je n'ai pas le choix, j'ai quand même tous les avantages du Slow Reading, notamment de pouvoir apprécier un livre pendant beaucoup plus longtemps que la plupart des gens.

En contrepartie, je mémorise une part tellement importante du livre que je n'arrive plus à trouver d'intérêt à le relire, et je ne l'apprécie qu'une fois.

Je suis accro' à la lecture de livre

Alors ça, j'imagine que c'est encore moins crédible, vu ma liste de lecture.

En fait, j'arrive facilement à me passer de livre, et à ne pas en toucher un pendant plusieurs mois de suite. Exactement comme pour les fraises tagada ou les dragibus, d'ailleurs, j'arrive très bien à résister à l'envie d'entamer un paquet.

Le problème, c'est d'arrêter une fois le paquet ou le livre commencé.

Dans le domaine cinématographique, un film atteint le summum de mon appréciation lorsque je suis projetée dans le monde décrit par le film, et incapable de revenir à la réalité, à tel point qu'une fois le film fini je ne peux m'empêcher de le re-regarder immédiatement (si le support le permet).

Ça n'arrive que très rarement, Final Fantasy et Memento font partie de ces rares films (et je n'arrive pas à en trouver d'autre là comme ça).

C'est beaucoup plus fréquent avec les romans que je lis. Mais comme un livre me tient beaucoup plus longtemps qu'un film, je suis souvent arrêtée par l'épuisement, juste parce que rien d'autre n'arrive à m'arrêter.

Et je me demande dans quelle mesure ce ne serait pas la raison principale à la légèreté de ma liste de lecture : je n'ai rien contre l'évasion vers un monde imaginaire, comme je pratique régulièrement avec des séries télévisées ou des jeux vidéos ; mais une évasion tellement profonde que je n'ai pas la volonté pour en revenir, ça me semble un petit peu malsain.

C'est pour ça que j'ai souvent deux livres en cours, de front, comme en ce moment le cycle de l'assassin royal et Pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ? : le premier pour l'évasion, quand la réalité est vraiment méchante avec moi, et le second pour une lecture plus « loisir », dont je peux facilement sortir. J'ai ajouté en parallèle Arsène Lupin uniquement pour des raisons techniques (il s'agit d'un e-book qui du coup tient dans mon sac à main).

D'ailleurs ma liste de lecture quelque part reflète indirectement la qualité de ma vie : 2009 est l'année avec le plus d'entrées, dont presque toutes sont dans le premier semestre, parce que le premier semestre 2009 était tristement marqué par une rupture terrible.

Et même si je suis encore loin d'être dans le même genre d'état qu'au premier semestre 2009, ça n'est en ce moment pas une période très facile, et j'ai augmenté mon recours à la « drogue littéraire », après un néant de plus d'un an partagé entre 2010 et 2011.

J'ai d'ailleurs l'impression d'y avoir un peu trop recours par rapport à mon besoin d'évasion. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'une évasion imaginaire beaucoup moins violente suffirait. Mais d'un autre côté, même si je me dis que c'est malsain, ce n'est que de la lecture, ça ne peut pas faire de mal.

N'est-ce pas ?

Commentaires

1. Le jeudi 31 mai 2012 à 20:50, par Balise :

Marrant, parce que j'ai fait un billet, bien plus court, il y a quelques jours sur mes habitudes de lecture à moi, et que c'est à peu près diamétralement opposé :) Je lis vite, je retiens rien, je relis beaucoup, et je suis affreusement pas picky (probablement pas assez) sur ce que je lis.
Quant au "problème" de l'évasion, le pire qui me soit arrivé ça a été de rater mon arrêt de transport, mais j'ai déjà aussi fait ça pendant que je réfléchissais à un exo de maths, alors... j'ai pas trop d'opinion :)

2. Le mardi 5 juin 2012 à 13:15, par Natacha :

La brièveté n'est pas vraiment mon point fort, et j'imagine que tout ce site le démontre cruellement. Si tu jettes un œil sur mes critiques de livres [http://instinctive.eu/critiques/] tu verras là encore, j'écris beaucoup plus longuement. La quantité, à défaut d'avoir la qualité…

Quant au diamétralement opposé, je suis d'accord sur tous les points à l'exception du dernier : je n'ai pas vraiment l'impression d'être spécialement exigeante, et je m'imagine même plutôt bon public. Comme je l'ai dit dans ce billet, ce que je ressens de plus agréable face à une œuvre artistique est super fréquent quand je suis face à un roman. Et parmi les livres que je n'ai pas adoré à ce point, je les ai tous beaucoup aimés, à l'exception de quelques livres imposés par les cours de français (dont c'était peut-être le seul défaut, mais ô combien rédhibitoire) et de Mademoiselle M [http://livre.fnac.com/a1141619/Anonyme-Mademoiselle-M] parce que je me projette trop dans l'histoire et les personnages pour apprécier le SM et les viols plus que dans la Vraie Vie.

Cela dit, on pourrait objecter que le fait que le fait que je lise si peu de livres impose une sélection drastique avant d'envisager la lecture, et qu'à force de remplir par des recommandations il y a un biais significatif. Je répondrai à cette objection par mon ancien abonnement France Loisirs, qui m'a fait choisir sans plus d'informations que les quelques lignes avantageuses dans le catalogue. Donc à moins qu'il y ait ce même biais dans la sélection de France Loisirs, l'ensemble formé par Dreamcatcher, Eternalis, Troublantes coïncidences, le Razoir d'OOckham et Mademoiselle M forment un échantillon intéressant ce à quoi on peut être confrontée au hasard. Et il faudra y ajouter, une fois que je les aurai lus, Un jour, des choses terribles…, L'homme à l'envers, Un lieu incertain et La cicatrice du diable, pour affiner la mesure.

Peut-être que mes bonnes résolutions et mon nouveau jouet vont accélérer le rythme, et permettre de juger plus clairement. Et au pire, si je deviens indubitablement compulsive pour fuir un malaise professionnel, au moins la réponse à cette question deviendra limpide.

Enfin pour ce qui est du « problème » de l'évasion, même si tu ne sembles pas y être sujette, tu as peut-être quand même un avis, intéressant justement par son extériorité, sur la question ?

3. Le jeudi 7 juin 2012 à 21:08, par Balise :

Je suis pas très balaise sur le fait d'avoir des avis, de manière générale :P Et encore moins pour porter un jugement sur ce qui est bien, pas bien, normal, pas normal et tout ce genre de choses.
Mon intuition est que si ça n'a pas d'impact sur ce que j'appellerais ton "fonctionnement social" (essentiellement, si tu sèches pas le boulot pour rester le nez dans un bouquin, quoi :P Et autres situations du même acabit.), si la situation te satisfait et si personne ne s'en plaint... ya pas de problème.
Si c'est pas le cas, c'est pas non plus FORCÉMENT un problème, mais faut ptêt se poser la question un peu plus profondément.
Et, comme d'habitude, je suis d'une inutilité crasse :D

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  • Publié le 31 mai 2012 à 19h03
  • État de bête : emmurée dans du papier
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