Ricing

En 2023 les vents du changement soufflent en tempête sur l'utilisation de mes outils informatiques. Dans ce billet je parlerai de l'environnement graphique devant lequel je passe mon temps professionnel comme personnel. Et pour mettre en perspective les changements récents, je vais retracer toute mon histoire (du moins ce dont je me souviens).

Ce billet va donc être intégralement constitué de geekeries (d'où son tag Geek), et mon éventuel lectorat qui n'est pas versé dans la technique informatique (par exemple sans avoir la moindre idée de ce que peut être un « environnement graphique ») peut se passer de la lecture du reste de billet.

Mais comme j'ai encore choisi un titre à la con pour ce billet, il faut bien que je commence par l'expliquer.

Le ricing est visiblement un terme emprunté au tuning de voitures, où il désigne les modifications purement esthétiques. Il est largement utilisé sur le subreddit r/unixporn pour désigner l'amélioration esthétique d'un environnement graphique dans les systèmes d'exploitations unixoïdes.

Et quelque part, c'est ce que j'ai fait, sauf qu'avec mon sens très « particulier » de l'esthétique, les arguments pratiques sont beaucoup plus faciles à défendre (ou au moins expliquer).

Donc ne vous attendez pas à trouver des captures d'écran aussi élaborées que sur r/unixporn, ou même aussi esthétiques, à moins que votre esthétique soit autant portée sur le minimalisme et l'efficacité que la mienne. Il y en aura quand même un peu plus loin dans ce billet.

Mes débuts sous Linux

En des temps (littéralement) immémoriaux, c'est-à-dire vers 2001 à 2003, j'ai découvert Linux, le système graphique X11, et donc les gestionnaires de fenêtres (window managers). Je crois que c'était bien avant l'émergence du concept d'environnement de bureau (desktop environment).

J'ai essayé moult gestionnaires de fenêtres, au point de ne plus avoir les idées très claires sur mes goûts de l'époque. J'ai probablement commencé par le truc par défaut, mais je n'ai aucune idée de ce que c'était. J'ai de vagues souvenirs d'avoir utilisé Blackbox, XFCE, WindowMaker pendant cette période d'instabilité.

Je crois que me souvenir que le premier gestionnaire de fenêtres sur lequel je me suis arrêtée était Enlightenment, en version 16. Je me souviens avoir attendu le fameux « E17 » qui était sur le point de sortir dans vraiment pas longtemps (en réalité fin 2012, autant dire que j'aurais attendu très longtemps).

Je me souviens que j'étais émerveillée par la quantité de fonctionnalités flashy d'Enlightenment. C'est dommage que je ne ressente plus du tout ce genre d'enthousiasme et que je doive me contenter d'un émerveillement technologique beaucoup plus terne, mais c'est la vie.

Je ne me souviens plus du tout combien de temps je suis restée sur Enlightenment. Au bout d'un moment j'en ai eu marre d'attendre E17 et je me suis lassée des trucs flashy. J'ai peur que ce soit une réinterprétation de l'histoire avec des concepts que j'ai développés plus tard, mais j'ai envie de croire que c'est à cette occasion que j'ai compris que les trucs flashy perdent vite leur caractère impressionnant, et que les trucs plus sobres et efficaces se prêtent mieux à l'assimilation. Ou alors c'est peut-être tout simplement que PWM m'a apporté une killer feature (c'est-à-dire une fonctionnalité tellement importante que ne pas l'avoir devient irrémédiablement rédhibitoire) que je vais vous détailler plus loin.

Je ne mets pas de lien vers PWM, parce que j'ai l'impression qu'il a été complètement rayé d'internet. On en retrouve une trace sur la page wikipédia d'Ion dont il est le prédécesseur par le même auteur.

La stabilisation sous PWM

La particularité de PWM, qui est sa killer feature à mes yeux, est d'offrir un niveau d'organisation en dessous des fenêtres, au moyen d'onglets.

Ce sera peut-être plus clair en voyant une des captures d'écran ci-dessous, mais dans l'idée, une fenêtre peut être partagée entre plusieurs « clients » dans le même rectangle, comme les onglets des navigateurs modernes.

Donc le même rectangle peut être déplacé ou redimensionné ou envoyé vers un autre bureau, et tous les clients qui le composent sont déplacés ou redimensionnés ou envoyés en même temps.

Je crois que c'était autour de 2003 ou 2004 ou vers cette époque que j'ai basculé dans PWM, et j'y suis restée encore longtemps après sa fin de vie. Je me souviens être restée sur le PWM original, sans aller voir les réécritures qu'étaient PWM 2.0 et PWM 3.0, basées sur Ion 2 ou Ion 3, parce que ces nouvelles moutures me semblaient déjà inutilement complexes et fragiles.

Je me souviens avoir vu passer Ion relativement tôt (je suis presque sûre que c'était avant Ion 2), et avoir conclu que je n'étais pas du tout prête à laisser le contrôle de la taille et du placement des fenêtres à un gestionnaire de fenêtre. J'étais donc déjà exposée au concept de tiling window manager, avant même d'en connaître le nom, et je l'avais rejeté après lui avoir donné une chance honnête.

La transition indolore vers PekWM

Ce n'est pas de gaité de cœur que je me suis accrochée à PWM 1, je n'ai juste pas pu trouver d'alternative supportable. J'étais suffisamment néophyte quand je suis passée PWM pour que ma façon de penser l'informatique (au moins dans un contexte Unix) se structure autour de la hiérarchie bureau, fenêtre, client, fenêtre de screen ou tmux. Et j'y ai passé suffisamment de temps pour ne plus pouvoir m'organiser sereinement avec moins de niveaux hiérarchiques.

Il y avait bien Fluxbox, mais je n'ai jamais pu supporter la redondance d'avoir à la fois une barre de titre et des onglets, et je crois que les raccourcis clavier manquaient de fonctions que j'utilisais au quotidien.

Je ne sais pas trop comment j'ai raté PekWM pendant tout ce temps, et je ne me souviens plus du tout comment je l'ai découvert, ni même si c'est moi qui l'ai découvert.

Je me souviens juste que j'ai résisté un moment parce que ça me faisait gravement ch*er de refaire une configuration à partir de rien, sans avoir la garantie que toutes les fonctions dont j'ai besoin seront disponibles. J'imagine que j'ai été échaudée par trop de tentatives de passer à Fluxbox.

Je ne suis passée à PekWM que grâce aux efforts de _FrnchFrgg_, que je ne remercierai jamais assez, parce qu'il a pris sur lui de fabriquer une configuration clé-en-main, que j'avais juste à recopier chez moi, pour me retrouver avec un PekWM parfaitement équivalent au PWM précédent.

Je n'ai aucun souvenir de quand ce passage s'est passé, comme je n'en retrouve aucune trace j'imagine que ça date d'avant ma dernière grosse perte de données, en juin 2008.

Et début 2023, j'étais encore sous PekWM, avec la même configuration. De quoi amortir les efforts qui ont été investis dans sa mise au point !

Dans l'intervalle, j'ai eu le temps de voir l'auteur disparaitre, me lamenter que PekWM suivait le même chemin que PWM, le retour de l'auteur, et le retour des doutes sur la vivacité du projet.

Les petites évolutions du bureau historique

Maintenant que j'ai bien raconté l'histoire, il est temps de sortir les screenshots !

Capture d'écran de 2008

Voici ci-contre la plus ancienne capture d'écran que j'ai pu retrouver, fin juin 2008, qui était censée illustrer un problème de lenteur de DNS : le ping de gauche commence immédiatement, alors que celui de droite fait d'abord la résolution DNS, qui a visiblement pris environ 44 secondes.

On retrouve les éléments perpétuels de mon travail sur écran : des terminaux de taille fixe, alignés dans le coin supérieur gauche, et la zone à droite et en dessous laissée plus ou moins vide.

J'ai pendant très très longtemps utilisé rxvt-unicode en fausse semi-transparence (c'est-à-dire qu'il n'est pas vraiment transparent, il reprend juste le fond d'écran, donc une fenêtre derrière le terminal serait quand même masquée complètement), avec un fond d'écran en image de synthèse, attrapée sur DeviantArt (qui a bien changé depuis).

J'ai aussi utilisé pendant longtemps une horloge et un top empruntés à WindowMaker, qu'on peut voir déjà sur cette capture.

Capture d'écran de mai 2009

Près d'un an plus tard (fin mai 2009), j'ai fait sur ma machine professionnelle la capture d'écran ci-contre, qui doit être assez représentative de mon quotidien. J'ai entretemps remplacé mon bash par un zsh (ça c'était en janvier 2009), avec une configuration que j'utilise encore aujourd'hui, et la police bitmap 7×14 historique par un DejaVu Sans Mono que j'utilisais encore en janvier 2023.

Cette capture est une bonne illustration du système hiérarchique dont je parlais. On ne voit pas les autres bureaux, mais il y avait typiquement un bureau rempli par un navigateur, parfois un bureau avec gimp ou d'autres visualisations, et le bureau de terminaux que l'on voit sur cette capture.

Les fenêtres principales, de 80×56 caractères, correspondent à des machines, ici Spartacus à gauche et Sigil à droite.

On voit sur la fenêtre de gauche quatre onglets, qui correspondent à quatre terminaux différents. Chaque terminal contient une session de screen ou de tmux (je ne sais plus exactement quand j'ai fait cette bascule), et le nom de la session se trouve dans le titre, après le préfixe qui rappelle la machine.

Vu le titre, j'avais probablement pris cette capture d'écran pour illustrer la mauvaise gestion UTF-8 d'elinks, qui motivait mon utilisation habituelle de w3m (ou peut-être pas si habituelle vu ce que j'en disais six mois plus tard).

Capture d'écran de fin 2009

Capture d'écran de fin 2021

Cette capture d'écran de mai 2009 est plutôt représentative de mon interface jusque début 2023, il y a eu moins d'évolutions dans cette période qu'entre 2008 et 2009. Vous pouvez voir ci-contre la capture d'écran que j'ai dû présenter pour rentrer sur #gcu fin 2009, avec un deuxième écran que j'ai obtenu entretemps et un conky dans la zone libre ; et une autre capture de fin 2021, juste après mon passage à PekWM 0.2.0, alors sans conky ni fond d'écran.

Les vents du changement se lèvent

Si j'ai gardé à peu de choses près le même environnement informatique pendant plus de 15 ans, pourquoi changer en 2023 ?

L'insatisfaction est en fait montée progressivement. Les terminaux rangés comme sur ces captures d'écran, ça marche très bien, il n'y a aucun problème. Les bureaux avec une seule fenêtre, que ce soit un navigateur ou un logiciel de dessin ou une machine virtuelle ou autre chose, peu importe, il n'y a pas grand-chose à gérer, et ça marche très bien aussi. Et le reste est tellement mineur qu'on peut le négliger… Sauf qu'à force de négliger, l'insatisfaction s'accumule.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c'est (encore une fois) Firefox. Depuis un bon bout de temps, mais encore une fois j'ai complètement oublié à partir de quand (je crois avant 2016), je me suis mise à utiliser différents profils Firefox pour différentes activités. L'idée était avant tout d'isoler les cookies de session (pour plus de sécurité) et les historiques (pour plus de facilité de recherches documentaires), et puis j'ai commencé à utiliser une session auto-destructive pour le reste, le tout encapsulé dans un petit script.

Au fil du temps, je me suis retrouvée régulièrement avec plus d'une dizaine de sessions en même temps. Avec une fenêtre pour contenir le terminal dans lequel s'exécute le script, et au moins une fenêtre de Firefox, ça commence à faire beaucoup de fenêtres.

Et ce qui empire la situation, c'est que ce sont des fenêtres (relativement) éphémères. Les fenêtres de terminaux placés aux petits ognons à chaque redémarrage de la machine, c'est assez rare pour ne pas me déranger, alors que ranger manuellement chaque nouvelle fenêtre de navigateur et chaque nouveau terminal de chaque nouveau profil, c'est rapidement saoulant.

L'idée qu'un tiling window manager serait plus approprié, pour automatiser cette gestion de fenêtres, a commencé à faire son chemin.

Comme je l'avais écrit plus haut, après mon essai d'Ion j'étais convaincue que ce type d'environnement n'est pas pour moi, parce que je n'aime pas du tout qu'une machine croie mieux savoir que moi ce dont j'ai besoin et se trompe. Or je veux que mes terminaux principaux soient toujours au même endroit et toujours avec la même taille de 80×56 caractères, et ça c'est un peu antithétique du tiling.

Alors je suis peut-être obstinée pour de mauvaises raisons. Ma motivation principale, c'est le nombre d'applications en mode texte qui supportent très mal le redimensionnement (surtout dans un screen lui-même dans un ssh), mais objectivement on peut supposer que ce problème se pose moins en 2023 qu'en 2004. Il reste cependant que la plupart des affichages non-curses encaissent assez mal les redimensionnements, et que j'ai tendance à mémoriser l'endroit où j'ai vu l'information que je cherche, donc je suis particulièrement sensible aux changements de mise en page. Peut-être que je m'adoucirai dans les années qui viennent, mais maintenir en l'état le système existant qui marche bien pour moi était une condition sine qua non au changement de gestionnaire de fenêtres.

Essais de tiling

Capture d'écran mon bureau sous i3

J'ai déjà oublié pourquoi j'ai commencé par i3, je crois que c'est juste parce que j'en avais entendu du bien sur #gcu. La capture d'écran ci-contre est la première configuration stable avec laquelle j'ai essayé de vivre.

J'ai été un peu contrariée de ne pas pouvoir dimensionner comme je veux mes terminaux, mais pas vraiment surprise. J'ai compté sur la sauvegarde d'agencement pour faire une seule fois l'effort de tout bien placer à mon goût.

C'était de ce point de vue plutôt une réussite, même si ça impose une taille fixe d'écran (ça tombe bien, ces jours-ci je n'ai que des 1920×1080). On peut voir sur la capture d'écran mes deux terminaux 80×56, avec le w3m dans l'espace restant à droite, et le dessous géré dynamiquement comme la tradition tiling le prescrit. J'avais aussi une variante avec trois terminaux de taille fixe et une petite colonne à droite, mais j'ai beaucoup aimé avoir le w3m sur le bureau principal au lieu de le garder dans un bureau dédié à moitié vide.

En revanche j'ai rapidement été contrariée par l'arborescence cachée dans cet agencement. Elle est trop bien cachée pour que mon intuition s'y fasse, mais pas assez bien cachée pour ne pas causer de surprises désagréables. i3 m'a aussi démontré que je suis complètement incapable d'utiliser une navigation directionnelle au clavier, pour le même genre de raisons : mon intuition ne s'y fait juste pas, et si je ne peux pas prédire quel sera l'effet de l'appui sur un raccourci, je ne peux pas l'assimiler.

Je crois qu'à la fin ce sont les bugs dans le système d'onglets et la fragilité de l'agencement dès que je tape le mauvais raccourci clavier qui m'ont fait aller voir ailleurs.

Capture d'écran mon bureau sous Xmonad

Je suis ensuite passée à Xmonad (capture d'écran ci-contre), parce qu'Awesome ne m'inspirait pas plus que ça et je n'ai pas trouvé facilement comment faire mieux qu'i3 pour mes terminaux fixes.

C'est assez pénible de devoir écrire une configuration en Haskell quand on ne connaît rien à ce langage, et c'est assez frustrant de devoir installer 1.5 Go de compilateur et bibliothèques pour juste un gestionnaire de fenêtres « minimaliste », mais j'ai été très contente du résultat.

Le système LayoutN permet d'avoir exactement les fenêtres que je veux fixées au pixel près, et le reste géré suivant un paradigme de tiling approprié. Le rangement des fenêtres dans une bête liste linéaire, sans arbre binaire ni directions dans le plan, convient parfaitement à mon modèle mental, et la configuration du bureau revient juste à choisir l'agencement à l'écran de cette liste linéaire.

Capture d'écran mon bureau sous dwm

Pendant toute cette exploration de tiling window managers, dwm est resté dans un coin de ma tête, jusqu'à le mettre en production avec le résultat ci-contre.

D'un côté, je suis très fan en général de suckless, je suis beaucoup plus à l'aise en C qu'en Haskell, et l'outillage C est déjà tellement partout qu'il a un coût marginal nul, contrairement à l'outillage Haskell que je n'ai que pour Xmonad. Et puis son j'étais curieuse de découvrir son système de tags si particulier.

De l'autre côté, j'ai l'impression de trahir l'esprit de dwm en lui ajoutant un si grand nombre de patchs, et il a fallu mettre pas mal d'efforts (au demeurant très intéressants) dans la compréhension du code original pour arriver à ce que je voulais. Et pendant tout ce temps, j'avais toujours un doute sur sa performance sur mes machines poussives, après avoir eu une très mauvaise expérience avec herbestluftwm qui était inutilisablement lent sur Tsuiraku en utilisant tout son CPU.

Finalement, comme la dernière capture d'écran le montre, je n'utilise plus que dwm ces jours-ci, et j'en suis super-contente. Je regrette un peu de n'utiliser les tags que comme des bureaux, et de ne finalement pas vraiment utiliser du vrai tiling, mais peut-être qu'au fil du temps je m'y ferai.

Je crois que je préfère quand même la gestion des moniteurs de Xmonad, mais elle demande des bureaux plutôt que des tags, je vais d'abord essayer de voir si j'arrive à faire quelque chose avec les tags de dwm. Et en attendant, le système très rigide de dwm me semble tout à fait supportable avec les deux primitives que je lui ai ajoutées.

J'ai mollement fait le tour des barres d'état, mais sans pousser plus loin que celui qui avec le gestionnaire de fenêtres (i3status avec i3, xmobar avec Xmonad, et slstatus avec dwm). Une fois bien installée dans dwm, j'ai pu décider qu'un slstatus à peine modifié me convient amplement.

Nouveau terminal

Quand les vents du changement soufflent, ils soufflent largement : je n'ai pas changé seulement de gestionnaire de fenêtres. J'ai aussi changé d'émulateur de terminal.

Je n'ai pas vraiment de grief contre rxvt-unicode, que j'ai dû utiliser pendant pas loin de vingt ans. Je le trouve un peu surdimensionné, voire presque bloaté pour mon utilisation, mais ce n'est au point que mes systèmes même limités en souffrent.

J'utilisais depuis quelques années st sur mon poste professionnel, surtout parce que j'aime bien l'esprit Suckless, mais c'est un acte de foi de croire quand ils disent que les autres émulateurs sont inutilement complexes. Au fil du temps j'ai beaucoup apprécié le raccourci pour inverser le contraste dans le patch solarized-both, mais pas au point d'en faire une killer feature.

En revanche, une killer feature de rxvt-unicode est la possibilité d'obtenir le code d'un caractère Unicode affiché, et la possibilité d'entrer un caractère Unicode connaissant son code (je n'y vois qu'une seule fonctionnalité dans deux sens différents), et j'ai du mal à la retrouver chez la concurrence.

Heureusement que st est hackable, je crois même que je suis directement responsable de l'existence du patch ISO-14755 qui fait la moitié de cette fonctionnalité, l'autre moitié étant assurée par un script python visible dans le terminal de gauche de ma capture d'écran i3.

Avant d'arriver sur st, j'ai quand même fait le tour des émulateurs de terminal prétendument rapides et modernes, comme Alacritty et Kitty, mais le caractère des développeurs principaux (qui n'aiment pas forcément ma façon d'utiliser leur soft) m'ont dissuadée d'y passer trop temps, surtout après avoir constaté que je n'ai pas besoin de plus de performance que st.

Nouvelle police de caractères

Tant qu'à tout remettre en question, pourquoi ne pas s'attaquer aussi au contenu de mes terminaux ?

Je ne me souviens plus exactement ce qui m'avait poussée à passer de 7×14 à DejaVu Sans Mono, probablement la couverture unicode, ou peut-être l'esthétique, mais après plus de quinze ans à voir DejaVu tous les jours je ne sais plus l'évaluer par rapport à 7×14. Ou peut-être juste la hype de DejaVu à l'époque ?

En tout cas je n'avais pas grand-chose à reprocher à DejaVu, en dehors des points (.) qui ressemblent beaucoup trop aux virgules (,). Cette confusion a été la motivation majeure pour me laisser porter par les vents du changement dans ce domaine.

En réalité, l'idée me tournait plus ou moins dans la tête depuis que j'ai entendu parler de la police Atkinson. Je ne sais pas trop où se situe DejaVu au niveau de l'hyper-lisibilité, mais comme j'arrive au moment dans ma vie où la vue baisse, il est temps de s'en occuper.

J'ai du coup découvert pléthore de polices spécialement marquetées envers les programmeurs, et à force de tomber sur des prétentions de lisibilité à consonance commerciale, j'ai complètement perdu foi dans ce critère.

En revanche, au cours de mes différentes recherches et essais, j'ai découvert que DejaVu Sans Mono est plutôt atypique en termes de densité verticale, et que c'est pour une killer feature dans mes terminaux.

Mes terminaux ont historiquement une cellule de 7×15 pixels, et la composition de mon bureau en dépend suffisamment pour que je ne veuille pas la remettre en question pour l'instant. Ça correspond au paramètre pixelsize=11 dans Xfont, et ça fait des minuscules de 7 pixels de haut et des jambages de 3 pixels au-dessus et en dessous.

Toutes les autres polices que j'ai essayées ont une hauteur d'x de 6 pixels ou moins s'ils rentrent dans une case de 15 pixels de haut, et réclament 16 ou 17 pixels de haut si je veux une hauteur d'x de 7 pixels. Et ça, visuellement je ne peux juste pas, ça fait des lettres trop petites pour lire confortablement, et je ne vois pas du tout l'intérêt d'un interligne aussi grand (je trouve que ça rend les séparations de paragraphes beaucoup moins claires, mais c'est peut-être juste une question d'habitude).

Heureusement, st a un paramètre chscale, qui permet de rogner sur la taille réclamée par Xfont, mais ça ne permet que des ajustements mineurs, parce que ça ne retire que des lignes du bas de la cellule. Et même avec un patch plus violent pour couper des deux côtés, la ponctuation n'a pas l'air d'aimer (ou mon patch était trop violent ou bogué), donc c'est manifestement vraiment le design de la police qui est comme ça, avec une relativement petite hauteur d'x.

Voici ce que donnent mes finalistes dans st : de gauche à droite, Deja Vu Sans Mono, Iosevka Fixed, Iosevka Fixed Curly Extended, et Source Code Pro.

Capture d'écran de st avec quatre polices différentes :
DejaVu Sans Mono, Iosevka, Iosevka Extended, et Source Code Pro

Iosevka a été la seule police de mes essais pour laquelle ma première impression était meilleure que mon habitude avec DejaVu, quoique pas de beaucoup. Sur les lettres générales j'ai une très très légère préférence pour Iosevka, mais c'est surtout sur la ponctuation que ma préférence est nette.

Je reste pour l'instant sur la version Extended, pour rester avec une densité horizontale dont j'ai l'habitude, et pour ne pas casser les emojis empruntés à une autre police (qui ont l'air d'être carrés sur deux cellules de large), mais je suis impressionnée par la lisibilité de la version non-Extended dans sa cellule de 6×16 (dont la dernière ligne est rognée). Je ferai peut-être des essais plus longs un de ces jours.

Les points fixes

Les vents du changement ont aussi soufflé sur quelques autres éléments de mon quotidien informatique, mais qui ont mieux tenu le coup.

Je reste sur le vim historique, son système modal reste trop profondément ancré dans ma façon de penser, il n'y aurait que neovim comme remplaçant potentiel mais j'utilise trop peu de plugins ou de fonctionnalités avancées pour y voir une différence majeure.

J'aime bien la palette de couleurs Solarized, j'avais déjà cherché des alternatives pour mon site, mais son niveau de contraste et ses tons me conviennent bien, au point de m'en servir aussi pour configurer mes nouveaux gestionnaires de fenêtres.

J'ai essayé de remplacer le shell POSIX par Chicken Scheme pour les p'tits scripts à la c*n, mais quand il y a plus spawn que de logique autant rester dans le shell POSIX. Je crois que son créneau serait plutôt au niveau de Python, mais je fais juste trop rarement des scripts de ce niveau de complexité.

J'aimerais beaucoup remplacer Firefox pour ma navigation avec javascript, parce que Tsuiraku est vraiment au bout de son CPU pour ça, mais je crois que c'est peine perdue. J'ai quand même un NetSurf qui traine sur mon disque dur, mais je crains qu'il n'y ait juste pas assez de sites qui en demandent trop pour w3m sans avoir besoin d'un Firefox complet.

J'ai aussi cherché des alternatives à w3m, notamment autour de la mouvance SmolWeb, mais aucun n'avait une interface aussi pratique (pour moi) que w3m.

J'aimerais bien aussi une alternative à feh qui m'affiche les SVG, pour l'instant je n'ai que display d'ImageMagick qui n'est pas confortable du tout, mais je cherche encore.

Mes autres outils du quotidien sont tmux, fdm, mutt, irssi, newsboat, mupdf, mplayer, et pass, mais tous ceux-là n'ont même pas été remis en question. Peut-être devrais-je le faire ?

Commentaires

1. Le vendredi 17 novembre 2023 à 16:50, par _FrnchFrgg_ :

Pour le visualisateur d'images j'ai longtemps utilisé `feh` (probablement conseillé par toi) mais je suis passé à Geeqie qui affiche les SVG même si cet affichage n'est pas une dinguerie. De mémoire c'est surtout pour la gestion des profils d'écran et d'image que j'avais changé à l'époque (j'ai un spectrophotomètre pour calibrer mon écran)

2. Le vendredi 17 novembre 2023 à 16:58, par _FrnchFrgg_ :

Ton paragraphe sur la police m'a fait me repencher là dessus. Mon .Xdefaults contient

URxvt.font:             xft:Liberation Mono:size=7
URxvt.letterSpace:      -1

mais ça fait tellement longtemps que je n'y ai pas touché que c'est probablement arbitraire et inertiel (le mtime est au 5 juin 2018 et probablement pas pour changer cette police).

Je vais essayer d'autres polices du coup

4. Le samedi 25 novembre 2023 à 9:41, par Natacha :

_FrnchFrgg_, ravie de te revoir par ici \o/

Pour les SVG, j'ai essayé pas mal de choses avec beaucoup de déception, le plus prometteur avait l'air d'être imv mais il est manifestement fâché avec mon ~/.xkb/rules/evdev. Finalement j'ai découvert l'option --conversion-timeout de feh, qui le fait utiliser ImageMagick pour la conversion et affiche le résultat avec son interface (qui me plaît beaucoup plus que celle de display).

Geeqie ne me tente pas du tout parce que je trouve son interface trop chargée, comme eog, je préfère la sobriété de feh et mupdf. Je ne serais cependant pas surprise que ces outils minimalistes soient colorimétriquement insatisfaisants.

Si tu fais une étude de marché de polices pour développer ou utiliser en terminal, ça m'intéresse beaucoup d'avoir ton point de vue sur les critères pertinents en termes de confort et d'esthétique. Et depuis ce billet j'ai vu passer Monaspace, dont le concept me semble intéressant mais que je soupçonne (à tort ?) d'être plus gadget que réellement utile, là aussi si tu as quelque chose à en conclure ça m'intéresse bigrement.

5. Le samedi 9 novembre 2024 à 11:30, par Damien :

Je n'avais pas pensé à répondre quand ce billet a été publié. J'ai fait beaucoup de recherches sur les polices "monospaced" et les deux qui se sont vraiment détachées sont :
- Bloomberg terminal (elle bat toutes les autres)
- TheMix Mono Condensed (j'aime bien aussi TheSans https://www.lucasfonts.com/fonts/the-sans mais TheMix a un "rythme" qui me semble encore meilleur)

"problèmes" : la première est uniquement utilisable (juridiquement, pas techniquement) avec les logiciels de Bloomberg et la seconde est payante (https://www.myfonts.com/collections/themix-font-lucasfonts)...

Pour plus de détails :
- https://news.ycombinator.com/item?id=11717275
- https://www.quora.com/What-font-is-used-in-Bloomberg-Terminal

6. Le samedi 16 novembre 2024 à 16:42, par Natacha :

Merci pour ces pointeurs, je regarderai peut-être de plus près un de ces jours.

Je ne suis pas très motivée pour le moment, j'aime bien l'idéologie libriste et le confort de pouvoir essayer sans contrainte ni engagement. Avec la quantité de déceptions que j'ai vécues, aussi bien celles que j'ai citées dans ce billet que d'autres que j'ai passées sous silence, je n'ai pas super-envie d'investir plus que du temps dans une nouvelle possibilité, à moins que quelqu'un puisse me donner un aperçu des métriques que j'ai évoquées, et peut-être un échantillon, pour se faire une idée plus claire a priori.

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  • Publié le 30 octobre 2023 à 14h02
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