L'oiseau bleu s'envole

J'ai arrêté d'utiliser Twitter, et ça a l'air parti pour être définitif. C'est donc le bon moment pour examiner l'impact que ça a eu dans ma vie, après avoir rappelé les épisodes précédents pour qui prendraient la série en route.

Le début et la fin

Je ne me souviens plus exactement quand j'ai créé mon compte Twitter, et le site ne donne pas plus de précisions que mai 2014.

Je ne me souviens plus exactement comment j'ai utilisé Twitter au début. Est-ce que j'ai vraiment donné une chance à l'interface web, ou est-ce que la possibilité de s'en servir par bitlbee a été déterminante dès mon inscription ?

Le fait est que mon log twitter dans bitlbee commence le 22 mai 2014, et le backlog automatique à la connexion ne remontait qu'au 21 mai vers 19h.

Mon utilisation de Twitter a donc pratiquement toujours été au travers de mon irssi branché sur bitlbee, c'est-à-dire en mode texte. Ça fait depuis très longtemps que je suis plus à l'aise dans les terminaux, quitte à ponctuellement sortir des outils graphiques lorsque c'est utile.

Capture d'écran de Twitter dans irssi par bitlbee

Voyez ci-contre une capture d'écran de mon quotidien dans Twitter pendant 9 ans : des messages qui défilent comme dans un canal IRC, avec un backlog que je peux rattraper de la même façon ; des liens vers des images ou des vidéos signalées par pic.twitter.com, et j'ai un raccourci clavier pour l'afficher dans feh ou mplayer après l'avoir sélectionné ; et des liens vers des articles que je peux ouvrir dans un w3m (après sélection) au moyen d'un autre raccourci clavier.

Je savais bien que l'entreprise Twitter n'y trouve pas son compte, mais ce n'est pas mon problème : ils proposent un service comme il est, et je l'utilise comme ça. Tant que je peux.

À un moment le Grand Chef de Twitter a décidé d'obliger ses vassaux utilisateurs à passer par l'interface web. Par acquit de conscience j'y ai refait un tour, pour confirmer la conclusion que ce serait sans moi.

Quelques mois plus tard, ça a été au tour de bitlbee de se faire révoquer ; j'ai eu un sursis supplémentaire grâce à une nouvelle clé, mais ça n'a fait que retarder l'inévitable.

Et c'est ainsi que je me suis retrouvée avec dans mon cœur un trou en forme de petit oiseau bleu.

Du partage de liens

Si je garde peu de souvenirs de mes débuts sur Twitter, j'ai un souvenir très clair de ce qui m'a poussée à y aller : l'enthousiasme d'iMil qui le décrivait comme un agrégateur RSS mais avec la sagesse collective qui en sélectionne le meilleur.

Et au cours de ces neuf années, ce n'est pratiquement que comme ça que je m'en suis servie. J'ai détaillé cette utilisation dans Internet et moi, au fil du temps, et tout ce que j'y ai écrit il y a cinq ans est encore d'actualité.

Twitter n'a jamais vraiment été un réseau social pour moi, comme Facebook avait pu l'être avant que je l'abandonne. S'il y a bien des gens que je sui(vai)s en raison du lien affectif entre eux et moi, Twitter ne m'a jamais apporté une quantité significative de nouvelles d'eux, j'en tirais surtout des informations intéressantes plus générales qu'ils partage(ai)nt.

En même temps, je n'ai jamais abandonné mon agrégateur RSS « idiot » (qui est un newsboat avec un thème très proche de mon irssi et de mon mutt), donc mon intérêt pour Twitter était surtout un complément. Les RSS que je suis pour les trucs que je cherche, et Twitter pour les trucs intéressants qu'il ne me viendrait pas à l'idée de chercher.

Dit autrement, Twitter s'est révélé être la moins mauvaise réponse à la question que je posais dans Vulgarisation et édification (à savoir, où trouver de quoi continuer mon édification personnelle maintenant que ma culture scientifique dépasse la grande majorité de la vulgarisation grand public ?)

L'appel aux copains

Je ne suis pas sûre que ce soit complètement une coïncidence, mais il se trouve qu'alors que j'étais en grave crise de manque de Twitter, iMil a eu l'idée de lancer #gcufeed, un canal IRC où un bot agrège des flux.

Ce bot est certes aussi idiot que mon newsboat, mais sa gestion collaborative permet quand même d'avoir un minimum de brassage d'informations. Par exemple, j'ai découvert Lobsters grâce à semarie et je suis encore émerveillée par le rapport intérêt/bruit que j'y trouve.

Et surtout, dans les journées plus chargées, je peux complètement zaper #gcufeed en sachant que j'aurai le best-of (d'après les copains) sur #gcu.

Cela dit, ça reste à mes yeux un pis-aller, parce que les liens que je trouve sur #gcu (ou #gcufeed) me semblent beaucoup plus étroits que ceux que je voyais sur Twitter. Je ne m'attends par exemple pas à y voir l'équivalent d'un Denis Colombi, d'un Projet Arcadie, ou d'un Kamil Galeev.

Et puis j'ai l'impression d'y perdre aussi en visibilité sur le zeitgeist d'une certaine partie du monde. Je ne vis pas si mal que ça d'être larguée dans les discussions de café au boulot sur l'actualité, mais si ça ne me coûte pas trop cher je préfèrerais ne pas l'être.

Que faire ?

Je suis quand même dans une nouvelle normalité, #gcufeed a paré au plus urgent, mais je continue de regarder comment je pourrais améliorer mon sort.

Il semble être de coutume de parler de Mastodon à chaque fois qu'il est question de trouver un remplacement à (une utilisation de) Twitter. Je n'y crois pas trop pour mon cas, justement à cause de la pauvreté du versant « social » de mon utilisation.

Mais c'est pire que ça, parce que j'ai plusieurs fois envisagé Mastodon, à différentes époques, et j'ai toujours fini mes recherches par un retentissant « non », de l'application misérable à auto-héberger à la modération douteuse, en passant par l'ergonomie de l'application web et par le prosélytisme lourd des fanboys.

Le plus convainquant était cependant un article que je suis très triste de ne pas retrouver, dont un point fort était que Mastodon est profondément vicié par la logique « Silicon Valley » reprise telle-quelle des modèles du capitalisme de surveillance, qui se manifeste par exemple par l'utilisation de la croissance comme une métrique pertinente.

J'ai aussi un certain scepticisme précautionneux envers l'ensemble du fédivers, mais sans rien de rationnel pour le justifier, c'est juste une intuition du fond des tripes qui trouve que y a un truc par là qui pue un peu.

Cela dit, je reconnais une certaine tentation à me confronter à ce fédivers, par curiosité aussi bien que pour remplacer cette intuition a priori par quelque chose plus solide.

Je penche de plus en plus vers l'idée de m'installer un honk, et je garde un œil sur azorius pour peut-être l'essayer lorsqu'il sera stabilisé, des fois que ce soit un meilleur modèle que le microblogging pour remplir mes attentes.

Je crois que depuis tout ce temps, les principales choses qui m'arrêtent, sont d'une part que je ne sais pas où trouver des sources potentiellement intéressantes pour commencer (j'avais commencé Twitter avec les gens que je connais, et ensuite suivi de proche en proche, mais là j'ai l'impression de n'avoir aucun lien existant avec des fédiverseurs actifs, si vous en êtes n'hésitez pas à me faire parvenir votre adresse), et d'autre part que ça a l'air parti pour être une tannée pour avoir quelque chose d'utilisable avec une interface façon irssi plutôt qu'avec une interface façon Chrome.

Et en vrai, j'oscille entre le pôle actif décrit dans les paragraphes ci-dessus et un pôle plus résigné qui a envie d'envoyer tout ça se faire f*utre, oublier tout le fédivers et #gcufeed et les flux à plusieurs articles par jour, et utiliser le temps ainsi libéré pour repartir de zéro sur la question de Vulgarisation et édification.

Mais un sage isolé vaut-il vraiment mieux qu'un rouage idiot de la machine collective qui ferait avancer l'Humanité dans le bon sens ?

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