Agentivité et pouvoir

Pour commencer, je vais souhaiter à tout mon lectorat de joyeuses fêtes de solstices et une bonne année 2021 (pour ceux qui liront ce texte à un moment où ces vœux sont appropriés).

Si vous ne venez que pour les vœux, vous pouvez vous arrêter là, parce que dans le reste du billet je vais me cuire la nouille sur la vie dans cette période particulière. Je ne vais pas particulièrement aborder la crise sanitaire elle-même, et les simagrées sanitaro-sécuritaires de ceux qui exercent le pouvoir ces jours-ci en France ne seront évoquées que rapidement, en tant que point causal de tout ça ; le fond de la réflexion est le voyage intérieur qui est entrepris en réaction. À vous de voir dans quelle mesure c'est safe par rapport à ce que vous pouvez encaisser.

Le point de départ est donc que j'ai mentalement déménagé en absurdistan autoritaire, ce qui revient moralement à une capitulation devant la montée de l'autoritarisme. Et je peine un peu à justifier cette capitulation, avec un « je n'avais pas le choix » qui rappelle furieusement une justification gouvernementale pas du tout à mon goût.

Parallèlement à ça, au cours de l'année 2020 je suis retombée sur le monologue de Buffy sur le pouvoir, et j'ai vécu plusieurs moments de high, que j'aurais presque envie de nommer en bon français « ivresse du pouvoir », lorsque j'ai soudainement pris conscience que je pouvais agir sur une situation alors que je croyais être condamnée à la subir.

Ça reste du pouvoir des situations ou des objets, toutes les émotions en rapport avec le pouvoir sur d'autres humains, qui semblent si courantes dans l'humanité, me restent encore complètement étrangères.

C'est peut-être plus proche de la satisfaction de résoudre un puzzle ou une énigme que du pouvoir sur les humains, mais la différence majeure entre les deux est qu'il y a un gain d'agentivité (mot à peu près français que je vais utiliser dans le sens de l'anglais agency qui a formé mon concept).

Car au fond, c'est cette « capacité à agir » qui relie tous ces points, que se soit par son absence, sa disparition, sa présence, ou son apparition.

Concrètement, une grande partie des bouleversements dans ma vie en 2020 auraient eu lieu même s'il n'y avait eu aucune contrainte gouvernementale ; il aurait suffi que les possibilités soient ouvertes (peut-être par gouvernement, notamment sur le télétravail) pour que je choisisse librement d'y recourir.

Il y a eu cependant quelque chose de malsain qui s'est passé dans ma tête lorsque ces choix m'ont été retirés. Même toutes autres choses égales par ailleurs la simple perte d'agentivité fait du mal.

Cela dit, ce mal reste bien moindre que celui causé par les autres bouleversements dans ma vie, qui se résument à devoir composer avec le théâtre sanitaire de l'Absurdistan.

Notez que j'ai bien conscience qu'il y a des traces d'aucun vrai Écossais cachées dans les trois paragraphes précédents : j'adhère complètement aux mesures que j'aurais prises volontiers pour moi-même en dehors de toute contrainte, et les mesures auxquelles je n'adhère pas le sont parce qu'elles m'ont l'air absurdes ou théâtrales. Ça ne me semble pas être un obstacle à la description de mes ressentis.

À l'inverse, découvrir une capacité à agir là où on ne s'attendait pas à en avoir fait son petit effet. Ce n'est pas un vase communiquant, et découvrir de la capacité à agir ne compense pas une perte d'agentivité par ailleurs, de la même façon qu'un petit plaisir ne peut pas compenser une douleur.

Ça ne devrait pas me surprendre, j'utilise souvent le jeu de go comme grille de lecture stratégique dans ma vie, et il y est clair qu'il y a un net avantage à jouer en sente plutôt qu'en gote, même s'il s'agit du même coup dans le même contexte. Je me souviens même avoir lu qu'il y a un avantage à forcer son adversaire à jouer un coup même s'il l'aurait fait de foute façon ou si ça semble bénéfique pour lui, mais je ne retrouve pas la source ni le contexte.

Où est-ce que je veux en venir avec tout ça ?

Je ne sais pas trop, et ça fait un peu tâche, mais à un moment il faut savoir accepter son imperfection. Je voulais juste, par ce billet, partager quelques révélations qui me sont venues récemment : l'application à mon vécu du concept d'agentivité, le lien entre ce concept et une forme de pouvoir et l'initiative au jeu de go, et son influence sur mon état émotionnel.

Vous y trouverez peut-être une meilleure conclusion que moi.

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