Livres écrits ou audio
Alors qu'on arrive à la toute fin de l'année 2024 et que je ne sais toujours pas faire les bilans ou rétrospectives traditionnelles de cette occasion, je vais tirer une conclusion provisoire d'une nouveauté de cette année : mon recours presque systématique aux livres audio plutôt qu'aux livres écrits.
Pour mettre quelques nombres sur cette situation, j'ai commencé le 17 février 2024, et depuis j'ai passé presque 191 heures à « écouter des livres ». Soit pas loin de huit jours en continu. Soit presque 2,5 % de mon temps, en comptant le sommeil. Soit 22 livres, à contraster avec les 5 de 2023, ou 11 de 2022, et il faut remonter à 2019 pour en trouver 18, et jusqu'à 2016 pour trouver mieux avec 24, comme on peut le voir sur ma liste de lecture.
En 2017, j'ai publié un billet intitulé L'écrit contre l'oral, après avoir écouté deux livres audio dans ma vie. Il est peut-être temps de revisiter ce sujet à l'aune de cette nouvelle expérience.
Réflexions passées
Pour résumer L'écrit contre l'oral, et ne pas me sentir obligée d'affubler le présent billet du tag « Suite », j'ai conclu que la différence principale entre ces formats est qu'à l'écrit, c'est le lecteur qui contrôle le rythme de transmission de l'information, par un effort constant mot après mot, alors qu'à l'oral c'est le locuteur qui le contrôle, et l'auditeur n'est actif que pour démarrer ou arrêter la transmission, ou éventuellement appliquer un facteur correctif au débit.
J'en tirais la conséquence qu'un lecteur a tout loisir de faire des micro-pauses pour saisir au vol une réflexion tangente potentiellement intéressante, alors qu'un auditeur doit consciemment mettre en pause, ce qui est un effort démesuré pour la plupart des tangentes, qui ne sont pas si intéressantes que ça, et qui fait perdre le fil d'une bonne partie de ces tangentes avant d'avoir pu les explorer.
Une autre conséquence, que j'ai moins réussi à développer, est que dans les passages émotionnellement intenses, j'ai beaucoup de mal à « savourer » le passage en tant que lectrice, alors que le rythme imposé par l'audio permet de la faire durer plus longtemps. À l'inverse, dans les passages plus chiants, la lecture est un risque perpétuel de « dérailler » définitivement, alors que l'écoute permet de reprendre naturellement une fois ce mauvais moment passé.
Enfin j'ai constaté que la lecture est, en ce qui me concerne, plus intense émotionnellement, et donc plus satisfaisante, comme si les informations lues étaient injectées plus profondément dans mon esprit que les informations entendues.
Aujourd'hui, avec mon expérience supplémentaire en livres audio, je confirme toutes ces conclusions sans aucun amendement.
Conditions de lecture
Je l'avais déjà évoqué quand j'ai donné mon avis sur Graphic Audio, mais je vais le répété ici : pourquoi m'être mise à ce point à la lecture audio alors que je sais et que je confirme que ça ne me satisfait pas tant que ça ?
C'est une bête question logistique d'organisation de mon temps.
D'un côté, j'ai beau savoir depuis que longtemps que j'ai besoin de fictions régulièrement, je suis toujours aussi mauvaise pour reconnaître l'origine de mon malaise quand je suis en manque.
De l'autre côté, la lecture n'est pas si haute que ça dans ma liste de priorités, et il n'est pas rare que j'arbitre en sa défaveur pendant de longues périodes de temps, comme ça a été le cas en 2023, jusqu'à ce que je finisse par identifier le manque.
Pour programmer des moments réguliers de lecture et de fiction, j'ai historiquement utilisé les trajets pendulaires. Les années dans lesquelles j'ai le plus lu, comme on peut le voir sur ma liste de lecture, sont celles où ma situation professionnelle me demander de passer le plus de temps dans les transports en commun, en bus en 2013 et en RER en 2016. Il n'y a qu'en 2014 que j'avais un temps de lecture relativement élevé sans trajets pendulaires, parce qu'ils étaient particulièrement courts et j'avais pu aménager dans ma vie des moments dédiés à la lecture.
Grâce la généralisation du télétravail permis par la Grande Pandémie, j'ai beaucoup moins de trajets pendulaires ces jours-ci. En plus, le vélo est devenu mon moyen de transport principal, et je suis encore beaucoup trop timorée pour dédier une part de mon attention à de la fiction quand je me déplace à vélo. La lecture est ainsi devenue une lutte perpétuelle pour trouver du temps à y consacrer parmi tous mes autres loisirs.
En 2023, j'ai complété mes exercices physiques de chez GMB.io avec de l'exercice en force plus idiot mais (beaucoup) plus intense. Mon cardiofréquencemètre de poignet prétend que je dépense entre 350 et 400 kcal par demi-heure, mais je le soupçonne d'embellir la vérité pour ferrer l'utilisateur gratuit. J'imagine que je peux faire confiance aux pointes au-dessus de 150 bpm qu'il enregistre, et je trouve ça déjà passablement impression en soi.
En 2024, j'ai commencé à m'ennuyer sévèrement pendant ces exercices, et quand je laissais gambader mon esprit librement pendant ce temps, il se retrouvait trop souvent dans des endroits pas joli-joli.
Alors j'ai ressorti mon casque à conduction osseuse, que j'avais acheté pour des raisons très proches. Mes 191 heures de livres audio correspondent à presque autant de temps en exercice intense et en retour au calme.
Dans l'ensemble, ce dispositif répond complètement à mes attentes. Les histoires sont assez prenantes pour canaliser mon esprit, et les exercices sont assez idiots pour qu'aucun des deux ne souffre de la parallélisation. J'arrive à mettre plus d'intensité quand je mets toute mon attention dans l'exercice, mais ce qu'il reste quand je suis dans l'histoire me semble largement suffisant.
Je n'ai pas vraiment besoin de la technologie de conduction osseuse quand je suis au calme chez moi, mais ce casque résiste à la transpiration et aux contraintes mécaniques de l'exercice, et je ne suis pas sûre de posséder un autre casque avec ces caractéristiques.
Je ne suis pas très satisfaite de mes arbitrages de 2024 entre les exercices en force idiots et GMB, et j'essayerai probablement de diminuer les premiers au profit des seconds. Je ne sais pas si j'arriverai à mettre de la lecture audio avec les exercices de GMB, qui sont beaucoup plus complexes, ou si je trouverai d'autres occasions d'écoute, ou si je réussirai à réaménager de la lecture visuelle.
Ressenti des livres audio
Le cadre étant posé, il est temps de décrire ce que j'ai trouvé dans cette année d'écoute de livres audio.
Graphic Audio
J'ai déjà longuement décrit ailleurs mon avis sur Graphic Audio, qui concerne les « adaptations dramatiques » faites par cette marque. En résumé, je suis très positivement impressionnée par la qualité du travail qui a été mis dedans, je leur souhaite beaucoup de succès, mais ce n'est juste pas un format qui marche bien sur moi. Je préfère largement les lectures à voix haute du texte original par un seul narrateur, ou à la limite deux narrateurs quand l'histoire elle-même alterne entre les points de vue, par exemple The 1000 Revolution.
L'implication émotionnelle
Comme je l'ai déjà écrit en 2017, je n'arrive pas à trouver la même implication émotionnelle dans une histoire que j'entends que dans une histoire que je lis, et cette implication émotionnelle est l'essence de ce que je cherche dans la lecture. J'ai donc clairement une expérience nettement moins agréable avec les livres audio qu'avec les livres écrits, et il n'y a guère que sur les passages particulièrement agréables que les livres audio sont compétitifs par le fait qu'ils me permettent de les savourer plus longtemps.
Cependant, après avoir exploré une gamme de livres audio plus large qu'en 2017, je trouve ce constat beaucoup moins marqué que dans le souvenir que j'ai de cette époque. La différence d'appréciation est nette, mais d'un degré beaucoup plus faible, au point que les avantages logistiques l'emportement largement sur l'inconvénient d'une expérience un peu plus terne. Dans des conditions parfaitement égales je préfèrerais l'écrit, mais comme ma vie est plutôt dominée par les contraintes logistiques, je fais avec ce qui est disponible.
Les sons contre les lettres
Un gros avantage de l'écrit au calme est la facilité de pouvoir prendre le temps qu'il faut pour comprendre, par exemple dans les tournures plus difficiles ou le vocabulaire plus recherche, éventuellement en faisant des recherches.
Par exemple j'ai pu lire sans problème Gideon the Ninth et The Last Wolf (je suis un peu surprise d'avoir négligé leur critique), mais je ne sais pas trop s'ils seraient à ma portée en audio pendant le sport.
Dans le même genre, j'ai été un peu surprise par ma relation aux noms propres.
Je savais depuis un moment que je ne me donne pas la peine d'imaginer les sons qui peuvent correspondre aux noms propres que je croise, et je prends juste le tas de lettre comme un identifiant amorphe.
Avec un peu d'effort j'arrive souvent à retrouver le tas de lettre quand j'en entends une prononciation, éventuellement avec l'aide du contexte, mais quand je découvre un nom à l'oral, je sens que j'ai beaucoup plus de mal à en faire quelque chose.
Autant j'arrive facilement à distinguer un tas de lettres d'un autre, autant j'ai beaucoup plus de mal à m'y retrouver entre plusieurs tas de phonèmes.
Je me suis retrouvée à suivre plus ou moins en parallèle le livre écrit et le livre audio. Mettre un tas de lettres sur les phonèmes m'aide beaucoup, et c'est particulièrement important dans les histoires de groupe, comme les Wayfarers dont je lis en ce moment le troisième roman.
Le texte offre aussi la possibilité de rechercher des passages passés pour me les remémorer, et cette possibilité me manque souvent dans les livres audio. D'autant plus que je ne peux pas confortablement mettre en pause l'exercice physique pour aller chercher la version écrite et faire mes recherches.
Heureusement les exercices en intensité sont plutôt courts, ce qui permet de faire les recherches après coup (si je n'oublie pas), et de recoller les morceaux ensuite. Ça reste moins confortable qu'une lecture dans un espace de temps dédiée, qui permet de faire les recherches dès que le besoin se fait sentir.
Les marchés des livres
J'ai été très agréablement surprise par les modalités pratiques d'acquisition des livres audio par rapport aux livres numériques.
À tel point que j'ai très envie de voter avec mon portefeuille pour l'écosystème audio au détriment de l'écosystème écrit.
Mes premiers livres audio viennent de Humble Bundle, mais une fois lancée j'ai basculé chez libro.fm, qui fonctionne sur un abonnement mensuel qui donne des « crédits », et les livres audio qui peuvent être achetés en payant en euros ou en crédits, sans taux de conversion clair entre les deux.
Jusqu'à présent tous mes livres audio coûtaient un crédit, quand l'achat direct allait de 60 % à 270 % de l'abonnement mensuel.
J'ai évidemment optimisé, en payant en euros les nouvelles moins chères qu'un mois d'abonnement, et en payant en crédits le reste.
Il y a un abonnement plus cher qui donne deux crédits par mois, et je suis tentée, mais j'attends de voir si j'y passe suffisamment de temps pour ne pas accumuler plus de crédits que je n'en dépense.
La partie qui m'a agréablement surprise, c'est qu'une fois acheté, le livre audio est une collection de fichiers MP3 ou un fichier M4B, sans aucune trace de DRM ou d'incompatibilité avec quelque système libre ou obscur que ce soit.
Par contraste, mes livres numériques viennent depuis quelques années de kobo.fr, fournisseur choisi pour la (relative) facilité de déplomber les livres, pour en assurer la pérennité (par des sauvegardes personnelles) et l'interopérabilité.
Chaque commande était un combat contre l'application propriétaire et les plugins de Calibre, et à chaque fois je me suis demandée si c'était ma première perte sèche, même si jusqu'à présent après une quantité indécente de temps et de frustration la réponse a toujours été « non ».
Le modèle de libro.fm (et pour autant que je puisse juger, DownPour a le même) me plaît tellement que j'ai très envie d'arrêter complètement l'achat de livres numériques. J'aurai arrêté sans hésiter si je n'étais pas aussi dépendante de l'écrit, suivi en parallèle de l'audio ; mais au prochain cassage j'aurai peut-être plus envie d'essayer d'installer un modèle de transcription, ou d'autres solutions moins avouables, que d'investir encore du temps pour faire fonctionner un écosystème hostile à l'utilisatrice que je suis.
Le plus gros point négatif que je vois dans l'écosystème des livres audio, est le catalogue beaucoup plus étroit. J'ai croisé un paquet de livres dont les résumés me semblent très tentants, mais qui n'ont pas l'air d'exister du tout en dehors du format texte.
Pour l'instant l'offre de livres audio est largement suffisante pour occuper tout le temps que j'ai à y consacrer, mais je me demande combien d'excellentes histoires je rate parce que personne ne les a lues à voix haute.
L'intelligence artificielle est un sujet compliqué ces jours-ci, et je n'ai aucune envie de voir les livres audio lus par des humains disparaître ou devenir des objets de luxe, mais je verrais d'un assez bon œil la possibilité d'avoir une lecture robotique d'une histoire dont personne ne fait de livre audio.
L'édification personnelle
J'ai encore beaucoup de mal à envisager la lecture sous l'angle purement divertissant, et à chaque fois qu'il est question de lecture je me pose la question de l'édification personnelle qu'elle peut procurer. Je pense que ça peut se voir dans la plupart de mes billets sous le tag Lecture.
Au passage, je continue de me demander sérieusement s'il peut y avoir de l'édification personnelle qui peut être extraite d'histoire. J'ai l'impression que ça a été mon cas dans Crossover, mais ça ressemble plus à une anomalie qu'à un exemple général.
Donc forcément, j'ai ajouté dans ma liste de lecture des « livres qui ne racontent pas une histoire », pour voir ce que j'arrive à en tirer :
- Networking for People Who Hate Networking, sorti un Humble Bundle, dont le résumé donne une impression typique du « développement personnel » ;
- A Hacker's Mind, parce que Bruce Schneier est quelqu'un que je respecte et dont j'apprécie les écrits plus courts ;
- The Scout Mindset, parce que j'en ai lu du bien chez Dan Luu.
Je dois reconnaître que les deux premiers ont été très loin que le bon exemple que j'avais évoqué en 2017, à savoir des conférences de Benjamin Bayart.
Entretemps j'ai écouté un certain nombre d'interviews de Thinkerview, et s'il y a beaucoup de reproches qu'on peut faire à cette chaîne, j'aime beaucoup le format qu'ils proposent, et beaucoup d'invités ont un discours qui m'intéresse beaucoup plus que la plupart des livres qui ne racontent pas d'histoire que j'ai pu lire ou écouter.
Dans l'ensemble, j'ai trouvé le discours de ces livres audio trop superficiel et trop répétitif pour tenir mon attention, dans les rares fois où une réflexion intéressante pourrait avoir lieu, le format audio qui avance tout seul et la chiantise de mettre en pause l'exercice pour mettre en pause l'audio tue complètement l'intérêt de la tangente.
Je n'ai pas encore essayé ThinkerView pendant l'exercice physique, mais je ne serais pas surprise qu'il n'arrive pas à atteindre un niveau d'intérêt suffisant pour éviter ce problème.
Je suis beaucoup plus réceptive aux textes, que je peux étudier à mon rythme, à l'audio pendant que je fais du travail intellectuel qui n'a pas besoin de mon attention continue, pour que je puisse faire varier la proportion d'attention entre le discours et mes tâches en cours.
Une exception notable a été The Scout Mindset, que j'ai trouvé intéressant et pendant lequel je ne me suis pas du tout ennuyée, même si l'investissement et l'intérêt restent inférieurs à ce que je peux éprouver pendant l'écoute une histoire. Je ne sais pas en quoi The Scout Mindset est différent, et je n'ai aucune idée de comment repérer a priori les livres audio qui pourraient être dans sa catégorie et pas dans celle des autres.
Le résultat, c'est que j'ai globalement abandonné l'idée de tirer d'un livre audio autre chose qu'une histoire, et je ne peux m'empêcher de trouver ça un peu triste.
Le versant positif de cette résignation, c'est que je n'ai pas à me poser la question de comment équilibrer l'édification personnelle sans histoire avec mon besoin de fiction.
Le jeu de narrateur
Il y a un autre point que je ne crois pas avoir encore abordé, qui est la partie de performance artistique qu'un narrateur peut mettre dans une histoire (ou dans un livre audio qui ne raconte pas une histoire).
Dans L'écrit contre l'oral j'avais dit tout le bien que je pense de James Marsters, qui est un acteur professionnel, même si le jeu d'acteur n'est pas tout à fait pareil que le jeu de doublage ou de narrateur.
Les différents livres audio m'ont donné des exemples de différentes voix, et ça m'a donné un aperçu de la palette d'essences artistiques qu'un humain peut mettre dans la lecture à voix haute d'un texte.
Je pense en particulier à Betrayal, dont je n'imagine pas pouvoir apprécier la lecture au même point que l'écoute du livre audio. Je n'arrive toujours pas à décrire comment ce résultat est possible, mais je suis forcée de constater que c'est le cas.
J'ai repéré certains narrateurs qui donnent des voix différentes aux discours directs de différents personnages, mais je ne serais pas surprise d'avoir raté un certain nombre de ces modulations. Je suis un peu mitigée envers cette pratique : d'un côté ça donne de la vie au récit, mais d'un autre côté je n'aime pas devoir faire l'effort de décoder cette information (et potentiellement mal la décoder ou la rater complètement).
De façon plus générale, j'ai regretté moult fois de perdre à l'audio des indications visuelles, en général dans la typographe.
Je n'en suis pas encore à sélectionner des livres audio sur leur narrateur, mais maintenant je peux imaginer que ça puisse être le cas un jour. Il y a de la vraie excellence qui est possible dans le domaine de la lecture à voix haute.
Conclusion
Je suis très contente de ne pas m'être arrêtée aux considérations de mon billet de 2017, et d'avoir trouvé une façon d'occuper mon esprit pendant que j'entretiens mon corps.
De la même façon que je préfère le contact des livres en papier, mais j'utilise des liseurs pour tous les autres avantages qu'ils procurent, je préfère lire des textes, mais j'utilise volontiers des livres audio pour la place que j'arrive à leur trouver dans la configuration actuelle de ma vie. Et j'ai eu quelques bonnes surprises au passage.
L'écosystème des livres audio me semble beaucoup plus sain que celui des livres numériques, et j'en suis presque triste d'être aussi dépendante du texte et de l'écosystème toxique auquel je dois contribuer pour voter avec mon portefeuille pour mes auteurs et autrices préférées.
J'espère que libro.fm, en plus de redistribuer à une librairie française, distribue suffisamment aux auteurs et aux narrateurs pour que cet écosystème continue d'exister.
Publié le 31 décembre 2024
Tags : Autoexploration Évènement Lecture
Réécrire l'histoire pour l'archiver
Je vais commencer par une petite note méta, qui explique le titre.
Je connais depuis le principe du « backup de Schrödinger », selon lequel une sauvegarde n'existe pas vraiment tant qu'on a pas essayé de la restaurer. Ou, dit autrement, il ne suffit pas de faire des actions qui sont censées sauvegarder, il faut essayer d'utiliser ces sauvegardes avant de considérer leur rôle comme rempli.
Je suis ces jours-ci en cours de découverte de la transposition de ce principe aux archives. Garder un tas d'informations, ce n'est pas vraiment une archive tant qu'on n'a pas vérifié qu'on peut effectivement utiliser ce tas d'information pour l'interroger et répondre à des questions sur le passé. Je sais depuis longtemps qu'archiviste c'est un vrai métier, je suis seulement en train d'en tirer toutes les conséquences.
J'imagine que c'est parce qu'au fil des années, le tas d'informations que je garde « au cas où » ne cesse de croître, et d'être donc plus difficile à exploiter, tandis que ma mémoire est de moins en moins apte à remplacer une organisation pertinente de ce tas d'information.
Dans l'exemple qui va occuper le reste de ce billet, je vais prendre le code que j'écris pour résoudre les exercices de l'Advent of Code.
Cet exemple est un peu nul par rapport aux réflexions ci-dessus, parce que j'utilise l'Advent of Code comme un prétexte pour assimiler un nouveau paradigme de programmation, ou à défaut de nouveaux concepts de programmation, ou à défaut un nouveau langage de programmation. Donc j'en tire plus un savoir-faire et une intuition que des choses qui sont vraiment utiles à revisiter.
En plus dans le reste ce billet, je ne vais pas développer ces considérations, je vais juste mettre les mains dans le cambouis en dessous de git. Mon lectorat non-technique peut donc sereinement arrêter la lecture de ce billet ici.
La fusion de dépôt
J'ai commencé à pratiquer l'Advent of Code en 2021, et l'année 2024 sera ma quatrième saison. En 2022, pour des raisons que j'ai complètement oubliées, j'ai choisi de faire un nouveau dépôt, complètement indépendant de ce que j'ai écrit en 2021. J'imagine que le fait d'avoir rempli le dépôt 2021 comme si c'était le seul Advent of Code que je ferais de ma vie a contribué à lancer cette structure d'un dépôt par an.
En 2023, je n'étais pas du tout satisfaite de ce choix, et c'est à reculons que j'ai créé un troisième dépôt.
Je crois que c'est 2024 que j'ai constaté le chaos pénible de ne plus savoir sur quels ordinateurs se trouvent quelles années, et j'ai eu la preuve par la pratique que ce n'est pas une « bonne » accumulation de données et qu'une « vraie » archive n'en a pas émergé.
Alors je me suis reprise en main, et j'ai décidé de préparer l'Advent of Code 2024 en construisant un nouveau dépôt, qui contient rétroactivement ce que j'ai fait dans le passé, et qui contiendra ce que je ferai dans le futur.
Comme j'imagine à quel point git permet de touiller l'historique dans tous les sens, et d'autant plus depuis que dans le cadre de pashage j'ai cherché comment modifier rétroactivement une clé cryptographique, je me suis dit : « Bah, ça ne doit pas être bien compliqué… »
Famous last words, comme on dit.
Plus concrètement, je cherche donc à construire un dépôt qui contient les
mêmes commits que mon dépôt de 2022 et que mon dépôt de
2023, chacune dans son sous-répertoire, et éventuellement en
enlevant les trucs qui n'ont plus d'intérêt dans le dépôt fusionné, comme
le fichier LICENSE
.
Je n'inclus pas le dépôt de 2021 parce qu'il est beaucoup trop fortement couplé à un outil propriétaire sur mon lieu de travail, et son intérêt me semble extrêmement douteux, aussi bien pour moi‐du‐futur que pour le reste du monde.
Le graphe orienté acyclique
C'est loin d'être évident pour tout le monde, mais je l'ai assimilé il y a tellement longtemps que je ne sais plus trop comment je le vivais avant, mais il me semble que pour utiliser efficacement git il faut le considérer comme un outil de manipulation d'un graphe orienté acyclique (ou DAG) dont les nœuds sont les commits.
Mon interprétation personnelle, mais je pèche peut-être par manque de charité, est que git est tellement mal foutu que c'est une abstraction pleine de fuites, au-dessus de cette structure de données.
Donc après un nettoyage basique de chacun des deux dépôts, l'opération principale va être une fusion de ces deux dépôts, qui va résulter en un graphe à deux composantes connexes indépendantes. L'opération suivante devra être la greffe de la racine du sous-graphe de 2023 sur la plus ancienne feuille du sous-graphe de 2022, pour revenir à un graphe connexe qui ressemble à un historique « normal » que l'on peut manipuler avec les commandes habituelles.
Sous le capot de git
Au risque de divulgâcher, la grande leçon que j'ai retenue de toute cette histoire, c'est que je n'étais pas rentré assez loin dans le détail de ce que sont exactement les commits qui servent de nœuds au graphe de git.
J'ai toujours considéré un commit comme étant intrinsèquement un changement, ou un patch, qui transforme l'état précédent du dépôt en l'état courant.
En réalité, quand on regarde de plus près l'organisation interne des objets de git, on voit qu'un commit c'est essentiellement un tree, c'est-à-dire le contenu d'un ensemble de fichiers, avec un jeu de méta-données autour.
Donc ce que je prenais pour un commit est en réalité une arrête du graphe (dans le cas facile mais fréquent où le commit n'a qu'un seul parent).
J'aurais dû le savoir, puisque je connaissais déjà pijul, dont le pitch est précisément de manipuler des patchs et non pas des états.
Donc en particulier, si je me contente d'utiliser la plomberie de git pour ajouter simplement une arrête d'un sous-graphe à un autre, sans changer le tree auquel il fait référence, j'ajoute implicitement dans mon nœud racine greffé la suppression complète des fichiers de la feuille sur laquelle il est greffé.
Si vous voulez essayer chez vous, les commandes pour ce faire sont documentées dans git-filter-branch :
git replace --graft $FIRST_2023_ID $LAST_2022_ID
git filter-branch $LAST_2022_ID $LAST_2023_ID
Il y a bien une opération git qui « applique des patchs », et qui représenterait la connexion de l'historique de 2023 à la suite de l'historique de 2022 : git-rebase. Sauf qu'un rebase ne peut se faire que dans un dépôt avec un checkout, alors j'avais fait toutes mes expérimentations dans un dépôt bare, pour justement ne pas avoir à me soucier de l'état d'un checkout.
J'imagine qu'on doit pouvoir le faire en restant au niveau de la plomberie, en utilisant le fait qu'un tree c'est en réalité un répertoire, donc je n'ai pas besoin de me préoccuper de tous les fichiers, je peux juste concaténer le tree à la base de 2022 et le tree à la base de 2023. J'ai lâchement abandonné parce que j'arrive au bout du temps avant le début de l'[Advent of Code][].
Filtrage de branche et de dépôt
Pour le reste du nettoyage, j'ai utilisé beaucoup d'options de git-filter-branch, malgré l'immense section “SAFETY” et la recommandation d'utiliser git-filter-repo, parce que je n'ai pas du tout envie de me gérer une dépendance supplémentaire.
J'imagine que le fait d'avoir un bête historique linéaire évite plein de problèmes, et les opérations que je veux faire sont tellement simples qu'elles se retrouvent directement dans les exemples :
--msg-filter
pour ajuster les messages de commit quand il est utile de préciser l'année,--parent-filter
pour changer de nœud racine,--tree-filter
pour déplacer tous les fichiers dans le répertoire annuel.
Chaque appel à git-filter-branch génère une sauvegarde de la référence
originale, pour repêcher le sous-graphe avant modification et pouvoir
annuler la commande, ce qui empêche de les enchaîner.
J'ai été agréablement surprise de trouver une variante de git update-ref
qui efface une référence après avoir vérifié qu'elle pointe bien sur le
nœud auquel on s'attend.
Archive et partage des commandes
J'ai rassemblé toutes ces modifications de dépôts dans un script que j'ai ajouté au dépôt fusionné, pour pouvoir retrouver tout ça si un jour j'en ressens le besoin.
Ce qui me permet de revenir au sujet initial, sur la différence entre un tas de données qu'on garde et une archive. Je garde un historique de la totalité des commandes que j'ai entrées dans un terminal, et j'arrive souvent à trouver ce que je cherche en combinant ma mémoire et une capacité à construire des expressions régulières pertinentes.
Dans les cas très itératifs, comme ici, ou pour partager avec d'autres gens, je construis un script comme celui que j'ai lié au début de cette section. Pour situer, j'ai lancé 25 fois une version ou une autre de ce script, 31 fois git-filter-branch en dehors du script, et 6 fois git-replace en dehors du script.
Autant mon historique perpétuel est un bon tas de données que j'arrive (encore) à interroger assez facilement pour retrouver des commandes individuelles ou des séquences brèves (je dirais trois ou quatre commandes), autant l'enchaînement ici mérite un script pérenne, même s'il n'est lancé « pour de vrai » qu'une seule fois.
Il n'aura pas échappé au lecteur assidu qu'une faute de frappe malheureuse
s'est glissée dans ce script, et que le fichier LICENSE
existe encore
dans le sous-répertoire 2023
, parce que le script efface un hypothétique
fichier LICENCE
.
C'est triste, mais j'ai trop construit dans ce dépôt fautif pour tout
reprendre à zéro, et ça restera éternellement une verrue dans mon dépôt
fusionné tout neuf.
Publié le 30 novembre 2024
Désolarisation
D'habitude je fais des billets complets, sur des sujets où je suis arrivée à une certaine forme de fin, ce qui me permet de tirer un fil de l'introduction à la conclusion. J'arrive beaucoup plus facilement à rédiger un billet en cristallisant des mots sur un tel fil.
D'un autre côté, le sujet de ce billet patine tellement qu'il est peut-être temps de fermer ce qui est fermable et de repousser la suite à un autre billet. Et puis cette publication va peut-être me décoincer, par la clarté de devoir exposer le problème ou par les réactions de mes chers lecteurs.
La fabrique d'un problème
Dans le billet Ricing, je vous avais raconté l'évolution de mon environnement graphique, avec sa stabilité pendant 15 ans et les vents du changement qui ont commencé à souffler (relativement) récemment. Parmi les « points fixes » j'avais listé la palette de couleur, Solarized.
Depuis plusieurs mois, les vents du changement soufflent fort sur cette palette, et pourtant ces lignes sont encore écrites dans un terminal qui reste sur cette palette.
Si je n'ai pas encore fait le changement, j'en suis au stade où l'insatisfaction croissante me pousse à chercher mieux. Un peu comme la confusion entre les points et les virgules dans DejaVu, ou la gestion des terminaux parents de firefox dans PekWM, je vis avec ces difficultés depuis longtemps, mais ce n'est que depuis quelques mois que j'en ai conscience au point de chercher activement à les remplacer.
Je ne sais pas trop quel effet psychologique rend une situation beaucoup plus difficile à supporter une fois qu'on l'a recardée comme étant un problème, mais ça m'est arrivé suffisamment souvent pour que ça me semble être un mécanisme déterministe et implacable.
Pendant 15 ans c'était juste un inconvénient mineur, ou à la limite juste chiant, alors que depuis quelques moins c'est un problème qu'il faut résoudre.
Et je ressens une certaine frustration à ne pas réussir à le résoudre, j'ai complètement perdu le cadre dans lequel ce n'était qu'un inconvénient avec lequel je vis volontiers.
Le péché originel
Mon insatisfaction envers Solarized se manifeste de plusieurs manières, que je vais détailler plus loin, mais tous ces ennuis découlent d'un seul choix fondamental dans cette palette. Je n'ai aucun problème directement avec ce choix, mais les conséquences que je déplore me font penser que c'est une mauvaise idée.
Voici les 16 couleurs de la palette Solarized, dans une image extraite du site :
On y trouve huit teintes grisâtres (toutes les combinaisons à base de fond ou texte, normal ou emphatique, clair ou sombre), et huit couleurs qui permettent différentes formes d'accent.
Or j'utilise cette palette dans un émulateur de terminal, qui fonctionne aussi à base 16 couleurs, mais suivant la sémantique ANSI, c'est-à-dire en gros les 8 couleurs obtenues avec une profondeur d'un bit sur chaque canal primaire (c'est-à-dire noir, rouge, vert, jaune, bleu, magenta, cyan, blanc), avec une variante normale et une variante plus claire.
Dit autrement, parmi les 16 couleurs ANSI, il y a 4 teintes grisâtres et 6 couleurs, dont chacune a 2 nuances.
La « solution » retenue a plus ou moins été d'envoyer ch*er la sémantique ANSI :
Autant la colonne de gauche, c'est-à-dire les 8 couleurs de base, me semblent raisonnables, autant la variante plus claire tient du grand n'importe quoi.
Je comprends bien l'orange comme une variation du rouge, et le violet comme une variation du magenta, mais les autres couleurs claires n'ont aucun rapport avec les teintes grisâtres qui les remplacent.
Et c'est d'autant plus frustrant que si on regarde le détail de la palette, il n'y a que 4 teintes grisâtres utilisées, et le seul intérêt d'avoir les 8 teintes est de pouvoir basculer entre le mode clair et le mode sombre depuis l'intérieur du terminal. Ça m'est arrivé exactement 0 fois de vouloir ou pouvoir faire le changement comme ça, mes changements ont toujours été faits par l'extérieur, c'est-à-dire en changeant la palette.
La non-solution : Base-16
J'en profite pour faire un détour par Base-16, qui a l'air d'être une sorte de généralisation de Solarized, avec 8 teintes de base et 8 couleurs d'accent, en proposant toute une variété de palettes dans ce paradigme.
C'est-à-dire que ça garde tout ce qui me déplaît dans Solarized, en enlevant tout ce qui me plait, à savoir les couleurs elles-mêmes.
J'ai été un peu déçue de voir cette solution préconisée par Julia Evans dans son exploration des couleurs dans le terminal après avoir pourtant bien identifié le fond du problème.
Il y a bien Base-24 qui a le mérite au moins de reconnaître le problème, mais qui fait la même erreur que Base-16, à savoir pourrir des indices de couleurs qui n'ont rien demandé.
Je suppose que pourrir les bleus de la zone de 6³ couleurs parmi les 256 pose moins souvent de problème que pourrir les couleurs claires, mais ça reste une solution aussi peu satisfaisante intellectuellement.
Comment ça marchait ?
J'ai pu tolérer la violation de la sémantique ANSI parce tous les programmes que j'utilise régulièrement ont une configuration particulière qui s'adapte aux choix de couleurs de Solarized :
- le thème de vim par l'auteur de Solarized,
- le thème de mutt par l'auteur de Solarized,
- un thème irssi adapté à l'époque aussi,
- un thème de slrn et un thème de newsbeuter converti pour newsboat que je ne retrouve pas, et que j'ai peut-être fait moi-même à la main.
Le réquisitoire
Un thème particulier pour chaque programme, c'est très bien, tant qu'on pose un thème avant de l'utiliser. Pour mes programmes habituels, je reprends ma configuration habituelle sans me poser de question ; mais avant d'essayer un nouveau programme dans mon terminal, je n'ai pas forcément envie de passer par toutes les étapes de personnalisation.
Ces derniers temps je cherche plus d'alternatives en terminal d'outils en clicodromes, notamment ceux qui hantent mon lieu de travail, et ça m'a probablement rendue un peu plus sensible à ce problème.
Les derniers exemples en date sont #gcufeed
, que j'ai déjà évoqué dans
iens en vrac et à l'unité, où iMil a eu la malchance de choisir une
paire de couleur invisible pour moi,
et un format intéressant de git log
dont j'ai dû reprendre toutes les
couleurs.
Et en y regardant de plus près, les thèmes ne sont en fait pas cohérents. Par exemple, la barre de statut de vim est en noir sur blanc, celle de mutt est en jaune sur gris foncé, et celle d'irssi est en noir sur vert.
Et puis à force de chercher, je dois convenir que Solarized a des faiblesses, notamment le jaune et le vert qui ne sont pas faciles à distinguer.
La fausse piste
Comme j'ai vu un problème de fond avec Solarized (et ensuite avec Base-16), ma première idée a été de chercher d'autres palettes (c'est comme ça que j'ai trouvé Base-16).
J'ai fait face à un certain nombre de déceptions, et je suis un peu triste d'avoir déjà perdu tous mes souvenirs de la façon mes idées s'organisaient dans cette période.
Le résultat a été que je n'ai pas fondamentalement envie de changer de palette. J'aime bien l'ambiance générale de Solarized, même si les thèmes sont probablement perfectibles et quelques ajustements de couleurs ne feraient pas de mal.
Au milieu de tout le foisonnement de thème plus ou moins spécialisés dans les terminaux, je suis tombée sur Rosé Pine et Catppuccin, qui me semblent assez intéressant pour être tentée de leur donner une chance, et surtout qui ont planté l'idée que je pourrais avoir non seulement une palette, mais aussi un thème avec cette palette, et non seulement dans mes applications en terminaux mais aussi dans les autres applications.
Et c'est en explorant ces deux pistes que j'ai pris conscience d'une incompréhension majeure : ce ne sont pas juste des palettes, comme Solarized l'était à l'époque, mais ce sont bien des thèmes, c'est-à-dire qu'en plus de définir des couleurs ils posent une symbolique associée à ces couleurs.
Or les 16 couleurs ANSI imposent un découplage entre la palette et l'utilisation qu'on voudrait en faire derrière.
La solution parfaite
À partir de là, je me suis mise à rêver la solution que je voudrais voir sur ma machine, avant de vérifier que je suis capable de la construire.
Techniquement, les séquences d'échappement ANSI sont plus riches que 16 couleurs, parce qu'il y a une 17ᵉ couleur, à savoir la couleur par défaut, qui n'est pas nécessairement parmi les 16 autres que l'on demande explicitement. Et en plus, rien n'oblige le texte et le fond d'utiliser la même palette, donc on pourrait imaginer 34 couleurs différentes dans le système ANSI tel qu'il existe dans les terminaux actuels.
La distinction entre couleurs de texte et couleurs de fond me semble intéressante pour améliorer la lisibilité, mais mettons-la de côté pour le moment.
J'ai donc le standard ANSI qui contient naturellement 4 teintes grisâtre, voire 6 en distinguant les couleurs par défaut, et 12 couleurs.
J'aimerais donc bien avoir d'un côté une palette qui définisse ces couleurs, par exemple Selenized, et d'un autre côté des thèmes, ou au moins un thème, qui utilise la sémantique ANSI pour harmoniser mes programmes habituels.
Et visiblement, personne ne pense comme ça, je suis toute seule, et je dois
aller chercher avec les dents à la b*te et au couteau dans mon
coin comment construire une telle solution.
Entre Solarized, Selenized, Rosé Pine, et Catppuccin, j'ai largement ce qu'il me faut en matière palettes, il reste donc à ANSIfier tout ça et reprendre la configuration de tous mes programmes préférés.
Perdue dans la jungle
Le problème d'inventer son chemin à coups de coupe-coupe, c'est qu'on ne peut pas retrouver son chemin quand on se perd.
Depuis que j'ai fait les constats ci-dessus, j'ai traversé au moins une demi-douzaine de « crises » dans lesquelles je remets tout en question, et je cherche une solution non-parfaite satisfaisante.
La modernité
Le plus facile serait d'envoyer la sémantique ANSI à sa place dans les poubelles de l'Histoire, et utiliser le fait que le mode RGB 24-bits est supporté par mon terminal (même sans patch !), par mosh si d'aventure j'utilise quelque de plus fragile que SSH, par tmux, et par les différentes applications que j'utilise.
Sauf que quelque chose dans cette chaîne-là se vautre, et je suis d'autant moins motivée pour trouver quoi qu'il y a de fortes chances que ce soit fragile, et que j'aime bien l'idée que les applications basiques avec des séquences ANSI codées en dur utilisent aussi ma palette préférée.
Et puis même les palettes les plus pléthoriques « rentrent » (ou presque) dans le paradigme ANSI de 4-voire-6 teintes de base et 12 couleurs. Il y a quelque chose de très satisfaisant intellectuellement à ce niveau intermédiaire d'abstraction entre la palette et le thème, et maintenant que je l'ai en tête je suis très triste que personne ne s'appuie dessus.
Les théories des couleurs
J'ai fait un long détour par les théories de la perception visuelle des couleurs, en découvrant au passage Oklab et Okhsl, par l'intermédiaire d'OKsolar, qui sont des outils très intéressants.
J'ai parfois été tentée de rédiger une vulgarisation de (ce que j'ai compris de) tout ça, un peu à l'exemple de Julia Evans, mais à chaque fois que j'imagine essayer de le faire j'ai l'impression de redire moins bien des trucs déjà écrits, et j'ai l'impression qu'il n'y a pas de public que le sujet intéresse suffisamment pour lire ma prose (même si elle était bonne) mais suffisamment peu pour ne pas aller directement lire mes sources.
J'en suis ressortie avec nouvelle appréciation pour Solarized, parce que même s'il est basé sur le moins bon CIELAB, Ethan Schoonover partage en plus de sa palette un cahier des charges et ses choix d'architecture, quand toutes les autres palettes n'ont pas l'air d'aller plus loin que « ouais alors j'ai choisi au doigt mouillé ce tas de couleurs parce que je trouve que ça rend bien ».
Sur le fond, je suis d'accord que ce sont des goûts et des couleurs, mais si je bascule vers une palette que le Solarized que j'ai sous les yeux depuis 15 ans, au début je ne vais rien voir d'autre que « ce n'est pas comme d'habitude ». Donc tout changement sera forcément un investissement, et je retrouve la démarche de moi‐d'il‐y‐a‐15‐ans qui a trouvé que les arguments Ethan Schoonover sont suffisamment convainquants pour donner une chance à cette palette.
L'hackabilité et les standards de terminaux
Je ne retrouve plus exactement comme cette histoire de palette s'inscrit dans mon évolution personnelle sur l'hackabilité des outils.
Le fait est qu'utiliser le terminal Suckless et le window manager de Suckless participent énormément dans ma tendance à imaginer la solution d'abord et à regarder ce qui est possible ensuite, quitte à fabriquer de nouvelles possibilités quand elles n'existent pas encore.
C'est comme ça que j'ai l'impression d'être la première à voir 34 nuances dans les 16 couleurs ANSI, alors que c'est une solution très simple et élégante aux problèmes de contraste entre les couleurs, comparé aux opérations mathématiques plus ou moins opaques dans un espace de couleurs plus ou moins approprié qui prétendent assurer un contraste minimal.
Si le code Suckless a le mérite d'être très facile d'accès, il ne cache pas la complexité intrinsèque de ce qu'il prétend faire, et respecter plus ou moins un standard ANSI de séquences d'échappement n'est pas une mince affaire.
Encore une fois l'avatar de Julia Evans qui sommeille en moi a failli se réveiller pour expliquer tout ça, mais l'élan a encore une fois été coupé par l'impression de ne pas avoir de public dans les niveaux intermédiaires d'intérêt habités par la vulgarisation.
La coloration syntaxique
Autant je n'ai pas peur de fabriquer à la main un thème pour la plupart de mes applications, ça prend du temps mais c'est plutôt circonscrit, autant mettre les doigts dans la coloration syntaxique de vim me donne encore l'impression d'être un projet pharaonique à lui tout seul.
Je surestime probablement la difficulté de cette entreprise en la qualifiant sérieusement de « pharaonique », mais c'est bien un nouveau langage à apprendre, avec son lot de concepts, d'idiomes, et de pièges.
Je suis d'autant moins motivée pour m'y mettre que j'envisage sérieusement de basculer, ou moins d'essayer, neovim à la place de mon vim habituel, et je ne sais pas trop ce que je pourrai emmener avec moi dans cette transition.
Cela dit, je reste continuellement surprise qu'il ait si peu de thèmes ANSI, ou basés sur la sémantique d'ANSI. Il semble y avoir la coloration syntaxique par défaut, une variante à peine améliorée, et Noctu, mais j'ai l'impression que ça ne va pas tellement plus loin que ça. Alors que je ne suis pas la seule à voir l'intérêt de passer par la palette ANSI
Conclusion
J'en suis donc au stade où j'ai accumulé suffisamment d'insatisfaction pour déployer des efforts en vue de changer de palette dans mes terminaux, ou au moins de changer d'utilisation de ma palette habituelle.
Sauf que pour la première fois depuis que les vents du changement ont recommencé à souffler, je me casse les dents sur la mise en œuvre de mes envies de changement.
Peut-être que quelqu'un parmi vous, chers lecteurs, aura une idée géniale pour me sortir de cette ornière. Je vous remercie par avance de la partager si c'est le cas.
Si j'en trouve moi-même, je ne manquerai pas de le publier par ici.
Au-delà des problèmes du moment avec mon espace de travail, c'est l'occasion de tomber sur une remise en question intéressante de ma ligne éditoriale.
Si ce weblog se contente d'être une archive publique de mes notes personnelles à destination de moi‐du‐futur, éventuellement agrémentée de nouvelles personnelles à destination des proches‐du‐présent, il n'y a aucun intérêt à y mettre des vulgarisations de concepts ou d'outils que j'ai déjà assimilés dans ma vie.
Alors que si je compte un lectorat qui me suivrait pour les idées que je partage, relié à moi par des centres d'intérêt similaires plus que par un investissement émotionnel ou une curiosité personnelle, il y aurait un public pour ce type de vulgarisation.
Il y a un certain parallèle avec la question de bloguer en anglais, parce que moi‐du‐futur et mes proches‐du‐présent sont complètement à l'aise en français, et l'anglais n'a d'intérêt que pour élargir le public potentiel avec des centres d'intérêts similaires aux miens (avec le défaut d'avoir beaucoup plus d'alternatives de grande qualité sur tous les sujets que je peux vouloir partager).
Bref, si quelqu'un lit ces lignes et regrette que je ne canalise pas plus ma Julia Evans intérieure, qu'il n'hésite pas à me détromper pour que je corrige le point de vue que j'ai exprimé dans ces derniers paragraphes.
Publié le 31 octobre 2024
Blogoversaire
Je sais que ce n'est plus tellement dans l'air du temps de regarder les
URL, mais si vous le faites en passant vous avez peut-être remarqué que mes
billets de weblog commencent par un nombre à trois chiffres hexadécimaux,
et que le précédent portait le numéro 0FF
.
Le présent billet, qui porte le numéro 100
, est donc le
deux‐cent‐cinquante‐sixième dans ma numérotation.
Ça reste un nombre rond, quoiqu'hexadécimalement, et c'est l'occasion de se
poser et de partager mes pratiques bloguesques, telles qu'elles se sont
stabilisées après plus de quinze ans de blogage.
Le cas du vrac
Je vais commencer par évoquer le cas des billets de liens en vrac parce qu'il est dans la zone floue de mon sujet, un peu billet de weblog mais pas complètement non plus.
Le billet En vrac (1 ?) est clairement bloguesque, car en plus de
m'essayer à l'exercice je commente dessus, et je donne des tenants et des
aboutissants.
Il a le numéro 0CE
(deux-cent-six).
À partir du billet En vrac 2 il n'y a plus que le tas de liens, mais
je lui ai encore attribué un numéro (0D1
, soit deux-cent-neuf).
J'étais tiraillée entre la tradition bloguesque, qui consiste à mettre ça dans son blog dans un billet comme un autre ; ma ligne éditoriale, qui met dans le weblog toutes les informations qui « périment », comme un journal, qui a formé le mot « weblog », alors que le reste du site contient des choses plus intemporelles, ou du moins dont l'intérêt pour les gens-du-futur et les gens-du-présent est similaire ; et mon intuition que c'est un exercice trop différent du reste de la rédaction de weblog pour vivre dans la même partie.
À partir du billet En vrac 3 j'ai adopté le compromis de les laisser dans le « dossier » du weblog, mais sans leur attribuer de numéro (ni de fichier dédié dans l'espace de stockage).
Pour honorer cette ambigüité, je vais soigneusement glisser ce problème
sous le tapis et confondre allègrement les ensembles différents que sont les
billets sous le dossier weblog
et les billets rédigés dans une intention
bloguesque.
L'espace et le temps
L'évolution la plus flagrante depuis l'ouverture de ce site début 2009, c'est la diminution du rythme de publication, depuis le foisonnement bloguesque de 2009, jusqu'à un plancher à un billet par mois depuis 2014, à quelques exceptions près.
Le plancher est facile à expliquer : il évite le « trou disgracieux dans les archives » que j'évoquais en passant dans les billets 0A9 et 0F6.
Le logiciel que j'utilise comme moteur de weblog gère les archives comme des tags, et les tags n'existent qu'implicitement quand une page s'en sert. Donc si je ne publie pas de billet pendant un certain mois, ce mois n'apparaît pas du tout dans le cadre « Archives » juste à droite du billet.
Le dernier trou dans les archives remonte à 2014, qui contient par exemple des idées en vrac sur la lecture, et le cadre « Archives » passe directement de « Septembre 2014 » à « Juillet 2014 » et de « Mars 2024 » à « Janvier 2014 ».
Je n'ai pas encore eu l'impression de devoir aller jusqu'à produire du filler juste pour tenir le rythme mensuel, j'ai toujours eu assez de choses à dire. J'aime croire que le jour où je n'aurais vraiment rien à dire j'aurai le courage d'accepter le trou dans les archives, ou de corriger le moteur de blog pour afficher explicitement les mois vides, plutôt que de recourir à des contenus que moi‐du‐futur ou copie‐imaginaire‐de‐moi‐qui‐ne‐me‐connait‐pas trouveraient inintéressants.
En revanche, la deadline de fin du mois a un net effet déclencheur de billets, et l'immense majorité de mes billets, celui-ci compris, sont publiés en fin de mois.
J'aime bien cette façon d'équilibrer mon emploi du temps entre la relativement faible importance que l'entretien de ce weblog a dans ma liste de priorités et la continuité de cet entretien.
Parallèlement à ce ralentissement, il y a une inflation exponentielle de la taille des billets :
Je triche un peu, j'avais déjà fait ce constat il y a deux ans, et David Madore a constaté la même chose chez lui, au point de se demander si c'est un phénomène généralisé.
J'imagine qu'il y a, au moins chez moi, un parallèle inverse dans la diminution de la fréquence des commentaires. Je n'ai honnêtement pas le courage de sortir des nombres pour regarder un graphique, car je ne suis pas complètement isolée émotionnellement des preuves que mes écrits sont lus.
Je ne sais pas trop à quel point ces mesures de commentaires indiquent quelque chose sur le nombre d'humains qui me lisent. J'imagine que l'éviction des blogs par les rézosocio et le mépris général envers les commentaires diminuent leur envoi à lectorat constant, mais je ne me rends pas trop compte de l'impact direct des rézosocio sur la quantité de lectorat bloguesque, surtout pour un weblog comme le mien.
Ciblage
À l'époque de l'ouverture de ce site, c'est-à-dire avant la fin de la grande période des blogs, c'était avant tout un moyen de communication avec un groupe plus ou moins amical, une sorte de salon numérique persistant et asynchrone.
C'est ainsi que dès les débuts de ce weblog, forte des itérations précédentes, je le voyais déjà comme une façon pratique (pour moi) et efficace (pour les lecteurs qui s'en donnent la peine) de donner des nouvelles à ceux qui se considèrent comme (numériquement) proches de moi.
Je ne me souviens plus exactement à quel moment j'ai commencé à écrire pour moi‐du‐futur en plus d'écrire pour les proches‐du‐présent, car ce glissement est trop assimilé et intériorisé pour que j'arrive à retrouver mon état d'esprit précédent. J'aimerais beaucoup savoir si j'ai développé cette cible secondaire par imitation de David Madore ou si je l'ai fait indépendamment, peut-être après vécu la déception de ne pas retrouver assez de moi‐du‐passé dans mes archives. Même si je ne vois pas du tout ce que je ferais de cette information.
Aujourd'hui, et depuis plusieurs années, je n'arrive pas à me défaire de l'impression de publier dans le désert. Je ne sais pas trop dans quelle proportion il s'agit d'autodévalorisation de base et de doutes légitimes, et cette impression est d'autant plus douteuse qu'elle évacue la question de combien de personnes il faut pour qu'un lectorat cesse d'être un désert. Est-ce que ça changerait quelque chose si j'étais lue par une seule personne ou par trente ?
Bref, malgré tous les défauts de cette impression d'avoir perdu mon lectorat, sans l'aura de moi‐du‐futur qui trouverait peut-être avec joie des traces d'un état d'esprit disparu depuis longtemps, je pense que ce weblog aurait déjà périclité il y a plusieurs années.
J'espère que cet aveu ne va pas causer trop de sentiments négatifs dans (ce qu'il reste de) mon lectorat. Ça fait longtemps que je ne suis plus en train de projeter des choses vers vous dans l'espoir de faire naître des étincelles de joie, je ne fais plus que vous proposer une place dans mon wagon sur les montagnes russes de ma vie, peu importe ce que vous y trouvez.
La fabrique de saucisses au blog
Si on regarde de plus près mon processus de fabrication de billet de weblog, il faut reconnaître que ce n'est pas joli-joli. C'est généralement l'équivalent textuel de la vidéo face caméra téléversée sans montage.
Il y a évidemment quelques exceptions, mais j'ai du mal à en trouver en cinq minutes en dehors des inventaires et quelques jouets.
La seule chose qui fait que mes billets ont un peu plus de structure que les flux de conscience qu'on rencontre parfois sur certains supports, c'est qu'ils sont conçus loin du clavier, dans un coin de ma tête où les concepts sont forgés et assemblés sans les contraintes d'une langue, et une fois devant mon vim préféré je ne fais plus que sérialiser (et souvent étoffer) cette construction mentale.
J'ai prévu un article de natologie qui développe cette idée, mais comme ça fait trois éternités et demie qu'il mijote et il n'est toujours pas cuit, je le résume à la hache ici un paragraphe.
La conséquence concrète est que la grande majorité de mes billets ne sont pas vraiment relus. J'essaye toujours de relire, par principe, même si je sais pertinemment que le plus souvent je me remémore ce que j'ai voulu écrire au lieu de relire ce qui est effectivement écrit.
J'imagine que ça ne vous surprendra pas, vu toutes les coquilles qui persistent dans toutes les pages du présent site. (Et le fait qu'elles servent de « preuve d'humanité » dans cet internet pollué aux LLM ne va pas améliorer la motivation pour les corriger.)
Ce qui m'embête un peu, c'est que j'ai l'impression de plafonner depuis longtemps dans cet exercice. À force de faire toujours pareil, écrire un billet de plus ne me donne plus l'impression de me faire progresser en écriture.
Ce n'est pas un mal tant que je me satisfais des bénéfices d'avoir un nouveau billet sans le bénéfice de l'avoir écrit, mais si je peux bénéficier des deux ça m'intéresse. Et ça m'intéresse d'autant plus que la communication écrite est une partie importante de ma vie professionnelle et de ma vie personnelle en dehors de l'entretien d'un weblog, et encore plus fort depuis que j'ai lu les opinons de Dan Luu sur l'écriture.
J'adorerais pouvoir utiliser mon temps de blogage comme un temps de perfectionnement à l'écriture, mais je n'arrive pas à imaginer de façon d'y arriver sans un investissement initial prohibitif et très risqué. Je suppose que je peux profiter de ce billet pour faire un appel au public, tous les conseils seront bienvenus (mais pas forcément suivis).
Conclusion
Je ne sais pas trop comment finir ce billet, alors j'ai demandé à ChatGPT, et sa réponse ne rend pas optimiste sur la contribution de LLMs à ce weblog (ou rend optimiste sur la persistance du texte 100 % humain).
Il suggère de parler de mon développement personnel grâce à ce weblog, et j'ai immédiatement rejeté l'idée, même si en vrai il y en a peut-être eu et je suis juste mal placée pour la percevoir.
Autrement, il parle ou suggère de parler d'engagement, de croissance, et de communauté, qui semblent être complètement dans l'air du temps sur les « gros » sites (voire les sites « réussissent » ?), mais qui sont à l'inverse de ce qui arrive sur le présent weblog, et même ce que je souhaite à ce site.
Certes, je ne serais pas contre avoir ce que ces mots désignent littéralement, mais je suis opposée à leur érection en tant que valeurs, ou même comme objectifs. Ou au moins aux pratiques généralisées ces jours-ci qui revendiquent ces valeurs ou objectifs.
Donc sans vouloir tourner le dos au conseil de finir sur une phrase pleine de possibilités, j'aime bien la niche dans laquelle ce site se retrouve enfermé, et je n'ai pas tellement l'intention d'essayer d'en sortir.
Publié le 30 septembre 2024
Tags : Évènement
Mon deuxième carton
Vous connaissez l'histoire de Pav la voiture ?
À ce stade je tire peut-être un peu sur la définition de « carton », donc
je vais commencer par mettre de l'ordre dans tout ça.
Je parle ici d'Aliens Versus Predator Accident sur la Voie Publique,
mais si je comptais toutes les fois où j'ai subi des dégâts matériels sur
une voie publique, j'en serais à mon quatrième :
-
mon premier carton en février 2019, ce qui est plutôt sympathiquement tard dans ma vie, où j'ai été projetée par une voiture alors que je traversais un passage piéton ;
-
un petit pliage de tôle en sortant du parking à la fin du printemps 2019, la première fois que j'ai repris la voiture après le début des cours de moto, qui ont manifestement décalibré mon besoin d'espace à ma droite en manœuvrant ;
-
une chute en moto sur une plaque verglas en janvier 2023, que j'espère toujours décrire un de ces jours quand je dépilerai la towrite list mon journal d'apprentie motarde, mais suffit d'en dire qu'il n'y a eu aucune conséquence biologique, 300 € de réparations sur la moto, et 400 € de remplacement d'équipement (cartouche airbag et casque) ;
-
le sujet du présent billet, il y a quelques jours (août 2024).
Donc pour ne pas utiliser une définition de « carton » éhontément ad-hoc comme « accident évoqué sur ce weblog », on va dire que j'appelle « carton » un accident de la circulation avec des blessures, même mineures.
Je constate quand même une certaine accélération de ce type d'évènements dans ma vie, et ça soulève quand même quelques questions inconfortables.
Le choc
C'est l'histoire d'une voiture arrêtée sur l'autoroute.
L'histoire se déroule sur une autoroute française, alors que mon homme et
moi revenions de deux semaines de vacances, et que nous avions parcouru
moins du tiers du trajet.
Mon homme était au volant, et j'étais à la place du mort passager.
Nous avions choisi un jour de semaine pour éviter le pire du trafic de la fin août, et nous étions plutôt satisfaits de ce choix, car nous n'avions rencontré encore aucun ralentissement notable, et la densité de voitures était plutôt légère jusqu'à assez peu de temps avant tout tourne mal.
Il y a eu un ralentissement marqué devant nous, et nous avons ralenti.
Ça ralentissait étonnamment fort, et le freinage est devenu inhabituellement appuyé. J'étais penchée en avant et retenue par ma ceinture de sécurité.
Je n'arrive pas à saisir la mémoire de ce moment pour déterminer s'il y a eu une phase entre « freinage appuyé » et « piler », mais je n'ai jamais de ma vie connu de freinage aussi fort dans une voiture. Et je ne suis pas sûre d'avoir connu un freinage aussi fort en moto, physiquement ce serait vraisemblable, mais entre la position différente et le fait que je sois conductrice en moto, la force ressentie de mes freinages en moto a toujours été plus faible que celui-ci.
Nous nous sommes arrêtés contre la remorque de la voiture devant nous.
Là encore, je ne suis pas complètement certaine que nous étions vraiment complètement arrêtés, mais c'était subjectivement arrêté par rapport aux 110 km/h quelques dizaines de secondes plus tôt.
Je ne suis pas non plus complètement sûre que nous ayons touché la remorque devant, mais tout le reste du monde semblait d'accord sur le fait que c'était le cas. Je crois que j'avais senti ou entendu une touche, mais plutôt du niveau de ce qui peut arriver dans un créneau et qui ne conduit à aucune conséquence matérielle.
À ce stade, je prends mon souffle, je ne ressens guère plus que la contrariété habituelle de quelqu'un qui est arrêté sur une autoroute. Ce moment de contrariété mineure a probablement duré moins d'une seconde. J'aimerais beaucoup savoir exactement dans quelle position j'étais pendant ce moment-là.
Ma mémoire n'a pas l'air en parfait état sur ce qu'il s'est passé ensuite.
Je crois qu'il y a eu un bruit de glace pilée en même temps que je me retrouvais projetée vers l'avant. Ma tête a heurté le montant entre le pare-brise et la portière.
Je crois que j'avais conscience que j'étais cognitivement diminuée. Peut-être seulement « un peu sonnée ». J'imagine que je voulais laisser du temps à la machine biologique pour récupérer.
Factuellement, je suis restée à ma place, attachée à mon siège. J'ai descendu le pare-soleil pour y regarder mon visage, et j'ai vu une grosse bosse sur la droite de mon front. Je l'ai prise en photo.
Pendant ce temps, mon homme est sorti pour aller voir la situation. Je ne me souviens plus comment il m'a dit qu'on avait l'arrière un peu abîmé, mais je n'avais pas compris la gravité de la situation, j'imaginais que c'était une question de faire un constat et de reprendre la route ensuite. Il m'a répondu que la voiture ne pourrait pas repartir, mais ces mots n'avaient pas de sens.
Plus de cinq minutes après le choc, je me suis sentie en état de sortir de la voiture pour aller voir. J'ai éteint le moteur, je me suis détachée, j'ai traversé l'habitacle sans plus de difficultés de coordination que d'habitude, et je suis sortie par la portière gauche. J'ai pris des photos.
Elle va marcher beaucoup moins bien, forcément.
Et comme on dit après la récré', t'aurais dû voir la tête de l'autre…
Prises en charge
Et Pav, la voiture.
Ma mémoire n'a pas voulu conserver grand-chose de la suite immédiate.
Je crois que je n'avais pas l'impression de confusion au sens neurologique, mais je sentais que ça n'allait pas fort du tout, et je n'ai pas cherché à faire quoi que ce soit d'autre qu'attendre.
Les gens devant nous, avec la remorque, étaient repartis et s'étaient arrêté à la borne d'appel un peu plus loin.
Les gens derrière nous ne pourraient pas repartir non plus, et nous avons tous attendu une éternité et demie que les différents services publics arrivent.
Un motard s'est arrêté pour aider, et c'est la seule personne non-impliquée qui ait participé avant l'arrivée des services publics. Je me demande s'il y a un lien entre cette intervention et le fait que ce soit un motard ; un automobiliste ou un scooteriste aurait-il fait de même s'il n'y avait pas déjà un tiers ? Ou un motard quelconque aurait-il la même probabilité de s'arrêter que n'importe quel automobiliste ? Et moi en tant que motarde, serais-je à ce niveau une honte pour la motardie ? Je crois qu'il est parti juste après l'arrivée des pompiers.
À un moment les pompiers ont bloqué la circulation pour nous faire attendre à droite de la glissière extérieure, au lieu de entre les voitures cassées et la glissière centrale. Il m'a fallu du temps pour comprendre les signes du pompier et surmonter l'impression de super-mauvaise-idée pour traverser l'autoroute.
Il me semble que j'ai été la première à avoir été examinée par les pompiers. À ce moment-là j'avais surtout un mal de tête, d'un niveau de douleur que j'étais incapable de chiffrer (au grand dam du pompier) mais de l'ordre de mes crises hémorroïdaires habituelles, et une douleur nette mais plus faible au niveau de la bosse. J'ai eu droit à un « pack de froid » qui a opportunément calmé ces deux douleurs.
Toutes les autres personnes impliquées ont été examinées par les pompiers, et en parallèle la police faisait son travail, que je n'ai pas vraiment compris, en dehors de la verbalisation de mon homme pour non-respect des distances de sécurité.
De ce que j'ai compris, c'est moi qui ai pris le plus cher, les autres n'ont pas eu plus que des marques de ceinture de sécurité.
Au bout d'une éternité trois-quarts, le pompier m'a annoncé que le médecin du SAMU a considéré qu'aucune hospitalisation n'était nécessaire. J'ai du droit à un deuxième pack de froid pour quand l'autre serait vide, et les services publics nous ont laissés avec le dépanneur (privé).
Environ 75 minutes après le choc, les voitures étaient chargées sur le camion et nous sommes partis en direction du garage.
Une fois au garage, nous nous sommes répartis les tâches : mon homme s'est occupé du constat et du déchargement, pendant que je téléphonais à l'assistance et à l'assurance.
Je suis un peu grincheuse parce qu'il a oublié de récupérer la trousse de premier secours, le verre pliant que Sea-to-Summit n'a plus l'air de faire, et le support de téléphone Ram Mount qui est probablement overkill pour un intérieur de voiture. Objectivement, il a pensé à tellement d'autres choses que je ne peux pas lui en vouloir, et je n'aurais peut-être pas fait aussi bien à sa place. Je me souviens de plusieurs occasions où j'ai été surprise qu'il ait pensé à récupérer telle ou telle chose.
La voiture a été emmenée vers un garage agréé pour attendre le passage de l'expert, et je ne m'attends pas à la revoir (ni son contenu).
le Rapatriement
Si je me sentais presque en forme en arrivant au garage, les choses ont commencé à se dégrader lorsque mon deuxième pack de froid a expiré.
Entretemps j'ai eu le temps de passer tous les coups de fil nécessaires pendant que ça allait encore. L'assistance de la Maif s'est révélée très efficace, et je me suis retrouvée avec la promesse d'un taxi qui nous emmènerait à la gare avec une bonne marge, et des billets de train électroniques.
Ça me semblait logique que le froid atténue la douleur, et qu'en son absence la douleur revienne, donc tant que c'était à un niveau inférieur à ce dont je me souvenais dans le camion de pompier, je ne m'inquiétais pas.
J'ai commencé à m'inquiéter quand il n'y avait pas que la douleur qui revenait, mais aussi une sensation que « houlà ça ne va vraiment pas là ».
J'ai fini de m'inquiéter quand j'ai vomi tout ce que j'avais avalé dans les six heures qui ont précédé, à savoir deux verres d'eau.
Je ne sais pas trop quel est le niveau général d'information dans la population, ni parmi le lectorat de mon weblog, mais un principe de base qui m'a été inculqué en secourisme et en cours de neurophysiologie, c'est que les vomissements après un traumatisme crânien, ça pue grave.
Donc j'ai appelé le 15 pour demander conseil auprès du médecin-régulateur.
Il a jugé que des vomissements trois heures après le choc, sans aucun autre symptôme neurologique, ça ne justifie pas de foutre en l'air les plans de rapatriement. Et comme j'avais eu ma dose de tracasseries administratives, je n'avais aucune envie de renoncer à arriver chez moi le soir même, donc j'ai accueilli volontiers ce conseil.
Je n'en menais pas large du tout dans le taxi vers la gare, j'ai regretté de ne pas avoir demandé de sac en papier, mais j'ai réussi à tout garder dans le ventre le temps du trajet.
Quelques minutes plus tard, environ quatre heures après le choc, j'ai vomi dans un caniveau entre le parking de la gare et son entrée.
Le trajet en train n'a pas été confortable du tout, malgré les places en première classe. En regardant dehors j'étais à peu près aussi nauséeuse qu'en lisant dans une voiture, et c'était un effort continu de lutter contre ces nausées.
En sortant de la gare, le coup de stress pour retrouver le taxi réservé par l'Assistance a été diaboliquement efficace pour clarifier l'esprit et réduire les nausées, mais je me demande dans quelle mesure je l'ai payé ensuite.
Nous sommes arrivés à la maison sans encombre ni vomissement, avec un trajet 60 % plus long que prévu, ce qui n'est finalement pas mal du tout pour une épave qui a fait un peu moins du tiers du trajet.
Incertitudes du soir
Donc j'étais physiquement chez moi, et dans une forme relative.
Je sentais la fatigue, le coup de fouet du stress de sortie de gare commençait à s'estomper, mais la douleur était gérable et les nausées encore très faibles.
D'ailleurs je ne me souviens plus tout à quel moment du voyage la céphalée est passée à un niveau de douleur inférieur à la bosse, mais c'était le cas pendant toute la soirée. J'imagine que j'étais trop occupée à gérer les nausées pour prêter attention à la texture des douleurs.
J'ai commencé par me dire qu'il était peut-être temps d'avaler des choses, parce qu'avec trois verres d'eau vomis depuis le choc, et aucune nourriture solide depuis le croissant du petit-déjeuner, mon corps était sans doute sur réserves.
J'ai prudemment mangé le sandwich préparé pour la route, en prenant une demi-heure pour manger la demi-baguette. Et ça se passait plutôt bien.
Pour ajouter quelques calories et du soutien moral, j'ai pris une demi-tablette de chocolat, en cinq bonnes minutes. Et la nausée est revenue en force, et avec elle le pas‐en‐forme général.
En parallèle de ça, une partie de mon cercle amical semblait s'insurger contre ma perspective de passer une soirée chez moi sans voir de médecin après avoir manifestement subi un traumatisme crânien significatif.
Je n'étais honnêtement pas rassurée non plus, mais l'intuition que j'ai tirée de mes études, de mes formations, et du passage aux urgences après mon premier carton, me laissait penser qu'une situation grave se manifesterait par des symptômes autrement plus graves.
J'ai quand même briefé mon homme sur les symptômes à observer (surtout convulsions et confusion, je m'attends à pouvoir gérer le reste moi-même), je suis quand même allée me coucher, sans avoir la complète certitude que je me réveillerais le lendemain.
Incertitudes du matin
Le lendemain matin, je me suis réveillée.
Les douleurs ont disparu pendant la nuit, et ne suis pas réapparu depuis. Sauf évidemment quand j'appuie sur (ce qui reste de) la bosse, mais pourquoi est-ce que je ferais ça ?
La nausée avait disparu aussi, mais elle est revenue en force après avoir bu un café sucré (histoire de refaire le stock de calories), alors que le café précédent et le café suivant, tous les deux sans sucres, n'ont pas eu de conséquence.
Donc je me suis dit que tout n'était peut-être pas si normal que ça. Et peut-être que mon intuition sur la rapidité et la spectacularité des dégâts neurologiques n'est pas si bonne que ça.
Entre la persistance de la nausée et la pression d'un peu partout dans mon entourage pour être vue par un médecin, j'ai redemandé au conseil au médecin-régulateur du 15.
J'aimerais beaucoup savoir pourquoi celui-ci a jugé pertinent de m'envoyer aux urgences, contrairement au précédent, aussi bien pour ma culture personnelle que pour faire face plus sereinement à une situation similaire dans le futur.
Les soignants font-ils ce qu'ils peuvent
Je me suis donc présentée aux urgences les plus proches, qui se trouvent être les mêmes que là où les pompiers m'ont emmenée après mon premier carton. Il me semble que j'y ai vu le même traumatologue qu'à l'époque, mais je ne suis pas complètement certaine.
J'essaye très fort de garder la même bienveillance qu'à l'époque envers ce service public, parce qu'ils ont clairement un lot de problèmes évitables qu'ils doivent négocier en plus de leur activité nécessaire, et j'aimerais de tout cœur qu'ils aient les moyens de faire leur travail correctement.
Au moins, j'ai été vue par un médecin, mon état de santé est certifié et tamponné conforme.
Je ne sais pas exactement ce qu'il a eu le temps de voir en moins de quatre minutes et trente secondes, explications comprises, mais j'en suis sortie avec une ordonnance dafalgan-primpéran-arnica et un dépliant avec le chat de Geluk. Et un compte-rendu sur lequel il a dû corriger au stylo la cause de « chute » en « AVP ».
D'après lui, les nausées et les vomissements ne sont pas significatifs seuls, et mon cas relèverait uniquement du « stress post-accident ».
J'essaye très fort d'y croire, parce qu'en plus ça a l'air vraisemblable : ce sont des symptômes qui peuvent avoir des tonnes de causes différentes, et des problèmes d'intégrité structurelle du cerveau devrait avoir des conséquences plus spécifiques, quoique peut-être plus tardives. Donc ce serait tout à fait cohérent que le « ça pue grave » soit inculqué aux secouristes pour qu'ils fassent attention au tout début, lorsque les symptômes spécifiques sont trop subtils ou pas encore manifeste.
Malheureusement, j'ai beaucoup de mal à tirer cette leçon de mon expérience.
Entre le ratio du temps que ça m'a pris au temps utile, qui est pas loin de soixante, les erreurs manifestes dans la situation évaluée par le médecin, le ton et la communication non-verbale qui ont accompagné son discours, et l'ambiance générale de ce service d'urgence qui me donne littéralement l'impression que mourir n'est pas une alternative si pénible, j'ai juste envie de mettre l'ensemble de l'expérience aux oubliettes.
La gueule du lendemain
J'ai beau tourner en dérision l'ordonnance que j'ai reçue, il est de fait que je n'ai plus vomi, et j'ai pu manger de façon habituelle dès le lendemain.
Il me reste des vagues de nausées mineures, encore au moment d'écrire ces lignes, mais c'est tout à fait supportable sans soutien chimique, et ça n'affecte pas mon appétit.
Les douleurs ne sont pas réapparues, mais la bosse s'est élargie, et sa couleur est descendue dans les yeux. J'ai donc un très joli déguisement de panda, juste à temps pour la nouvelle extension de World of Warcraft.
Concrètement, la bosse s'est élargie au point d'enfler presque tout le front, et mon casque à vélo est trop petit. Je ne peux donc pas utiliser mon vélo pour aller travailler.
J'ai fait un trajet pendulaire en bus, et les regards que j'y ai reçus n'avaient pas l'air d'y voir un déguisement de panda, et ce n'était pas super-confortable. J'ai pu négocier du télétravail en attendant de retrouver un visage moins marqué.
L'impact psychologique
Vis-à-vis de la route
Dans tout ce qui précède, je n'ai parlé que de ma santé physique. Et le mental dans tout ça ?
Je n'ai pas l'impression d'avoir été traumatisée par cet accident. Je ne suis pas retournée dans une voiture particulière depuis, mais le taxi est une expérience très similaire, et le bus aussi dans une moindre mesure.
Il faudra vérifier, parce que la dernière fois j'ai eu des vagues d'angoisse assez surprenantes dans des jeux assez étroits de circonstances. Je ne suis pas complètement sûre de l'impact de telles vagues si je suis conductrice, mais ça ne me rassure pas complètement.
Le plus marquant, c'est que j'ai l'impression de devoir ma vie à la carrosserie de ma voiture.
J'ai beau retourner la situation dans tous les sens, je ne vois aucun choix personnel qui puisse éviter cet accident, ni aucun équipement personnel qui puisse en rendre les conséquences acceptables.
Exactement la même situation en moto, je ne vois aucune façon de s'en sortir.
Je le savais déjà théoriquement, mais il y a bien une différence psychologique entre savoir qu'une situation peut se produire et la vivre pour de vrai.
Donc autant je me sens capable de reprendre la route en voiture, quitte à serrer les dents le temps que le cerveau reptilien se calme, et quitte à toujours considérer les voitures comme des objets en sursis (c'était déjà plus ou moins le cas) ; autant je ne sais pas trop à quelle échéance je pourrai reprendre la moto sur des axes rapides en circulation dense.
Tant que ma tête ne rentre pas dans le casque la question ne se pose pas, et pour les balades dans la campagne il ne devrait pas y avoir de problème, mais je me demande vraiment si je pourrai refaire des trajets pendulaires en moto. Et cette question n'est pas anodine pour mon avenir professionnel.
Vis-à-vis des gens
Une autre dimension psychologique, c'est la pénibilité de raconter encore et encore la même histoire à chaque fois que je rencontre un groupe de gens différents, après l'avoir racontée encore et encore à tous les professionnels impliqués et à tous les cercles familiaux et amicaux.
D'ailleurs il y aura peut-être des gens qui vont apprendre cette histoire par le présent billet, alors que la bienséance aurait voulu que je leur en parle directement et plus tôt. Je leur présente mes plus plates excuses.
Pourtant je n'ai objectivement pas l'impression de l'avoir racontée plus souvent que les évènements majeurs passés. Je ne sais pas s'il y a quelque chose de particulier dans cet évènement, peut-être dans l'insistance des premières réactions le soir même, ou si c'est moi qui ai évolué, mais là je n'en peux juste plus.
J'ai même failli ne pas du tout rédiger ce billet, pour économiser une répétition de cette histoire. J'ai pris sur moi uniquement en pensant à moi‐du‐futur qui voudrait autant de détails que possible sur cette histoire, de la même façon que moi‐du‐présent a été contente de retrouver autant de détails sur mon premier carton.
Il m'est arrivé plusieurs fois de bloguer en espérant plus ou moins un effet cathartique, et je l'ai effectivement obtenu plus de fois que je ne l'ai espéré, mais ce n'est pas le cas ici. Je suis passée de la catharsis au saoulage pur il y a un bout de temps.
Je ne sais pas trop comment arranger ça ou en prévenir les occurrences futures.
Conclusion
Je continue de penser que j'ai eu de la chance, aussi bien dans l'ensemble de ma vie sur le nombre d'accidents que dans les dernières années sur leur gravité (même la chute en moto, commencer avec du verglas et finir avec juste une facture totale de 700 €, c'est clairement le mode « facile » pour ma première (et pour l'instant unique) chute).
J'ai listé les conséquences négatives que j'ai subies, et ça reste quand même très léger par rapport à la violence du choc.
Maintenant se pose la question du remplacement de la voiture.
Elle était très pratique pour les vacances, que ce soit chez les parents de mon homme ou les miens, qui habitent dans des zones campagnardes pénibles d'accès en transports en commun ; et pour déplacer des objets encombrants comme des meubles Ikea ou du DEEE.
Je ne crois pas que ça justifie objectivement son prix, mais ça reste plus confortable que toutes les alternatives. Je ne sais pas dans quelle mesure ce confort va me manquer.
Publié le 31 août 2024
Tags : Évènement
Tern Vektron S10
En automne 2022, je vous avais parlé mon vélo électrique pliant Eovolt City X et de mon rapport avec le vélo en général. J'y décrivais en substance que c'est un moyen de transport qui ne me plaît pas vraiment, mais qui me déplaît moins que les transports en commun.
J'avais terminé sur mon hésitation entre utiliser jusqu'au bout ce vélo au bon rapport confort/prix, le remplacer par un vélo plus cher mais plus à mon goût (mais lequel ?), ou essayer d'autres modes de transports musculaires.
Dans cet article je vais donner mon avis sur le vélo Vektron S10 de Tern, juste avant d'atteindre les 2 500 km au compteur, parce que depuis le temps je ne peux plus décemment procrastiner prétendant vouloir me débarrasser des premières impressions trompeuses.
Impressions générales
Ce vélo est clairement haut de gamme, relativement gros pour un vélo pliant, et très agréable à utiliser.
J'ai flashé dessus dès l'essai, et même si cette appréciation ne suffit pas à en faire un moyen de transport que j'aime positivement (comme j'aime la moto ou la marche), ce modèle se trouve dans une catégorie nettement au-dessus de tous les autres vélos que j'ai pu enfourcher dans ma vie.
J'ai malheureusement perdu les réflexions de « mobylette ultra-légère à assistance musculaire » que j'avais évoquées dans Le vélo et moi, mais ce sont ces réflexions qui mis fin à l'hésitation que j'évoquais en introduction, pour choisir un vélo électrique confortable qui remplace mon abonnement aux transports en commun.
C'est dans cette idée que je me suis retrouvée à essayer ce Vektron et un certain nombre d'autres vélos dans le même budget, comme Brompton électrique, Moustache, et une autre marque que j'ai oubliée. Même si je sens bien qu'ils méritent tous leur gamme, il n'y a que le Vektron qui m'ait fait ressentir quelque chose de qualitativement différent des autres vélos. Un peu comme mon clavier Topre me donne des sensations tactiles très différentes de tous les autres claviers que j'ai pu toucher, quelle que soit leur gamme.
Je n'ai pas de mots pour décrire cette différence qualitative, et pourtant ça a été la principale raison pour laisser de côté mon Eovolt parfaitement fonctionnel au lieu d'attendre son vieillissement pour le remplacer.
En revanche, je peux dresser la liste d'un certain de nombre de points spécifiques qui m'ont beaucoup plu, même si je suis incapable de mesurer leurs poids respectifs dans mon impression d'ensemble.
Impressions particulières
La rigidité du cadre
Je ne suis pas complètement sûre d'utiliser correctement le vocabulaire, ce que j'appelle ici « rigidité du cadre » correspond au couplage mécanique ressenti entre le guidon et l'ensemble de la selle et du pédalier.
La charnière typique des vélos pliants se situe entre les deux, ce n'est mécaniquement pas la même chose qu'un vélo dont le cadre est d'un seul bloc.
Je crois que cette expression vient de la moto, où il n'existe pas de modèle pliant, mais la géométrie du cadre conduit à une certaine propagation des efforts d'une roue à l'autre, et ça se ressent sur la conduite.
Que mon utilisation de l'expression soit impropre ou non, le bilan est bien que, comme l'ont relevé plusieurs commentateurs que j'ai lus, on sent pas du tout la charnière lorsqu'on conduit le Vektron.
Et je vais même encore plus loin : en plus de la « mollesse » du cadre de certains vélos pliants, il y a aussi une « élasticité » des cadres sans barre horizontale par rapport aux cadres « ouverts » Je préfère moins d'élasticité (donc avec barre), et le Vektron n'est pas loin de ce ressenti, malgré sa géométrie ouverte.
Ce n'est pas une caractéristique propre au Vektron, j'ai trouvé la même chose chez Brompton (quoique plus élastique), mais ça suffit à me dissuader d'essayer un vélo pliant bon marché à l'avenir.
L'assistance électrique
J'avais déjà dit beaucoup de bien de l'assistance électrique Bafang de mon vélo précédent, notamment sur son capteur de couple qui est indispensable pour que je ressente le moteur comme une extension de mon corps.
L'assistance électrique de ce Vektron est un Bosch « Performance », qui est la gamme au-dessus de l'« Active » qu'on trouve sur les gammes légèrement inférieures. Je ne sais honnêtement pas quelle différence ça fait exactement. Les datasheet donnent des différences sur les puissances maximales et les pourcentages correspondant aux adjectifs standards, mais je ne sais pas si ça va plus loin.
Concrètement, en général je ne sais pas vraiment d'amélioration franche dans l'assistance. Le système Bafang me comblait déjà, et si le système Bosch réagit sensiblement plus vite aux commandes de changement de niveau d'assistance, ce n'est pas dans une zone où ça change le ressenti.
Pour situer, ce niveau de satisfaction, c'est que la commande d'assistance est subjectivement équivalente à un changement dans la masse du vélo, sans rien changer d'autre à son comportement.
Et pour chacun des deux systèmes, la différence ressentie entre le niveau d'assistance le plus faible et le niveau le plus fort est beaucoup plus petite qu'entre aucune assistance et le niveau le plus faible.
La seule différence nette se retrouve dans la puissance maximale fournie par le moteur : au printemps je peux monter devant la Porte de Versailles à presque 20 km/h sans arriver en sueur, alors qu'avec mon vélo Eovolt c'était juste impossible, et je poussais le vélo sur cette portion de mon trajet pendulaire.
Tant que je suis dans la comparaison, la batterie Bosch (de 400 Wh) me permet habituellement de faire 7 fois ce trajet, montée comprise. Je pourrais en faire onze en utilisant l'assistance la plus faible et une douche à l'arrivée. L'Eovolt ne permettant que deux trajets, ou trois si je pousse le vélo dans la montée, mais la batterie est beaucoup plus petite.
L'encombrement
Ce vélo est nettement plus gros que l'Eovolt, mais son système de pliage lui donne à peu près la même empreinte au sol lorsqu'il est plié, avec 30 cm de plus en hauteur.
Cette hauteur supplémentaire l'empêche de tenir confortablement sous un bureau, mais j'ai une place dans l'openspace sans limite de hauteur, donc ça ne m'a pas vraiment affectée.
En revanche, le poids supplémentaire de ce vélo change pas mal de choses dans sa manipulation, et je le ressens beaucoup plus comme un véhicule que comme un accessoire.
Comme ce vélo plié se range verticalement, il est aussi un peu plus pénible à manœuvrer. La génération précédente de Vektron avait un porte-bagages à roulettes qui serait fort utile, dès que je trouve assez de courage et de datasheet précises j'essayerai de bricoler un système similaire sur le mien, quitte à lui faire prendre quelques centimètres de hauteur en plus.
La transmission
J'aimais beaucoup la transmission de mon Eovolt à base de courroie et de boîte de vitesses dans le moyeu arrière. Le Vektron fait dans le classique, avec une chaîne et une cassette.
D'un côté j'aime beaucoup l'argument de la réparabilité, grâce à des pièces standard et faciles d'accès, mais je dois reconnaître que le besoin de graissage et l'impossibilité de changer de rapport à l'arrêt sont pénibles.
J'ai assez rapidement pris l'habitude d'anticiper le changement de rapport avant les arrêts prévisibles, donc ça ne me manque pas souvent, mais après un freinage d'urgence, je me retrouve à compter sur le moteur pour pouvoir redémarrer.
Et en vrai c'est même pire que ça, j'ai souvent du mal à m'empêcher de rétrograder pendant le freinage d'urgence ou juste avant de repartir, et je sens que la mécanique n'aime pas du tout changer de rapport pendant les contraintes du redémarrage. Je crains qu'un jour tout ça m'explose entre les pattes, et ce sera un jour très triste.
Dans le même genre, même si j'ai conscience de la nécessité de bien graisser sa chaîne de vélo, je ne l'ai pas encore fait. Il faudrait que je me motive pour trouver du matériel et une procédure à mon goût, et entretemps je traite tout ça par le mépris, ce qui est particulièrement malsain.
Enfin, pour une raison que j'ignore il semble que le nombre de rapports de vitesse soit comme la taille des roues, quelque chose qui augmente inexorablement avec la montée en gamme. Et là, avec ma casse à 10 pignons, c'est trop pour moi.
Quand je n'avais que trois rapports avec mon Eovolt, je trouvais que ça allait bien. Je peux concéder un progrès en passant à cinq ou six rapports, mais là avec dix rapports, je les trouve trop proches les uns des autres, et le fait de devoir attendre le déplacement complet de la chaîne avant de passer au rapport suivant fait que les démarrages et les arrêts sont inutilement longs.
Avec une boîte de vitesses dans le moyeu, je pourrais les passer plus vite et je n'aurais que l'irritation de devoir cliquer un trop grand nombre de fois pour mon goût, mais je pourrais le supporter en ne grommelant que légèrement.
Je ne sais pas trop à quel point on peut bricoler un changement de transmission, mais je ne me fais pas du tout confiance pour le faire de façon fiable, donc ça se finira probablement avec des demandes de devis, donc je n'ai pas encore vraiment besoin de me poser la question.
Caractéristiques
Contrairement à Eovolt, Tern a l'air sérieux sur la pérennité des pages décrivant ses modèles et sur la précision des détails techniques dans ces pages, je n'ai donc pas grand-chose de plus à ajouter à la page du constructeur
Lorsqu'il est plié, j'ai mesuré 44 cm de largeur, 90 cm de hauteur, et 80 cm de profondeur, ce qui est sensiblement plus dans toutes les directions que ce qu'indique la fiche technique, et je n'ai pas vraiment d'explication à ça.
Lorsqu'il est déplié, je règle une hauteur de guidon et de selle à 106 cm, et les quelques centimètres de plus que l'Eovolt sont bienvenus. C'est le maximum pour le guidon et presque le maximum pour la selle, et pourtant je suis assez loin de la limite de hauteur du conducteur indiquée par Tern. Je devrais peut-être consulter quelqu'un qui optimiserait la configuration de mon poste de conduite.
J'ai mesuré 64 cm de largeur de guidon, à laquelle j'ai ajouté dix centimètres de rétroviseur, mais je ne sais pas trop quoi en conclure.
J'ai mesuré 109 cm d'empattement, 52 cm de diamètre de roues (20 pouces), et un porte-à-faux arrière de l'ordre de 4 cm, ce qui ferait une longueur totale de 178 cm. C'est nettement plus que l'Eovolt et je soupçonne que ça contribue au meilleur ressenti.
Les pédales font 17 cm de long, exactement comme l'Eovolt, à croire que c'est standard.
Reste la question des dix vitesses, qui sont documentées comme 11 à 36 dents, ce qui est assez peu informatif. J'ai pu sortir la référence de la cassette, qui a au moins le mérite de donner tous les nombres de dents (11, 13, 15, 17, 19, 21, 24, 28, 32, et 36) pour comparer les rapports entre eux.
Le plateau n'est pas très accessible, et j'ai eu beaucoup de mal à compter les dents. Je suis arrivée à 51 ou 52, avec de gros doutes.
Ça ferait un braquet total de 1.4 à 4.6, pour un diamètre équivalent de 31″ à 93″ ou un développement de 2.3 à 7.4 m.
Si ces nombres sont justes, l'intervalle de développement des trois rapports de l'Eovolt serait couvert entre le deuxième et l'antépénultième rapport du Vektron.
Je suis très rarement sur les rapports les plus durs, je ne suis même pas sûre d'être déjà sortie par ce côté de l'intervalle de l'Eovolt. À l'inverse, je continue de scrupuleusement démarrer en première aussi souvent que possible, alors que ces nombres suggèrent que la deuxième irait bien.
Je crois que ce vélo était livré sans outil, ce qui heurte un peu mon sens de la réparabilité et de la hackabilité, mais je suppose que c'est prévisible dans le haut de gamme.
J'ai construit ma propre trousse à outils, en faisant l'inventaire de toutes les têtes que j'ai pu trouver. Je suis partie sur une base de Wera Bicycle Set en ajustant la listes embouts :
- Phillips n°0
- Phillips n°2
- Torx n°20
- Torx n°25
- Allen 2.5 mm
- Allen 3 mm
- Allen 4 mm
- Allen 5 mm
- Allen 6 mm
- Allen 8 mm
Verdict
Je n'aime toujours pas le vélo en général, et je n'espère plus vraiment que ça change un jour. Peut-être qu'il existe dans ce monde un vélo encore meilleur, qui me fera positivement apprécier son utilisation, mais il faudra que je le rencontre pour y croire. Ce Tern Vektron est ce qui s'en rapproche le plus, il est très loin devant tous les autres vélos que j'ai pu essayer, et il a une place importante dans ma vie en tant que moyen de transport principal.
Dans mes trajets pendulaires, j'utilise le deuxième niveau d'assistance (“Tour”) à l'aller, pour arriver sans plus de transpiration que si j'avais pris le bus. Je fais le retour sans assistance, pour me convaincre que je ne suis pas dépendante du moteur et que je ne serais pas immobilisée par une panne électrique ou un oubli de charge de batterie, et pour rappeler à mon corps comment on monte dans les tours.
Dans les autres trajets, je prends par défaut l'assistance minimale (“Eco”), en passant éventuellement au niveau au-dessus en cas de côte ou de socialisation par temps chaud, ou au niveau au-dessous en cas de retour sans flemme.
Je n'ai pas parlé d'assimilation dans ce billet, alors que c'était une section dans Le vélo et moi, parce ce vélo ne s'assimile malheureusement pas mieux que les autres.
J'ai encore de temps en temps ces moments fugaces et labiles de début d'assimilation, et j'ai l'impression que ça correspond à des moments où mon poids est principalement réparti entre les pédales et la selle, alors qu'habituellement il est plutôt réparti entre le guidon et la selle.
Il faudrait que j'essaye de revoir ma posture (et peut-être les réglages du vélo) pour ne plus mettre (autant) de poids sur le guidon, et je suppose compenser avec les abdominaux. Je ne sais pas si ça suffit, mais c'est une première étape qui a l'air utile même sans gain d'assimilation.
Si ça ne suffit pas, il faudra voir pour transférer du poids de la selle vers les pédales, et j'ai peur des conséquences de cet effort supplémentaire dans les jambes. S'il faut choisir entre l'assimilation et les possibilités du véhicule, le compromis va être difficile.
En tout cas, en tant que moyen de transport principal, je suis pour l'instant très satisfaite de ce vélo. S'il lui arrivait malheur, je le remplacerai probablement par un modèle identique, même si le côté pliant n'apporte plus grand-chose dans la configuration actuelle de ma vie. J'imagine que je ferai quand même le tour des vélos non-pliants pour vérifier, mais je ne m'attends pas à une conclusion différente.
Je reste ouverte à la possibilité d'acquérir un Brompton (qui se voit encore sur ma wishlist) pour les transports multi-modaux (en clair, un vélo à prendre dans le train ou le métro), même si je n'ai ces jours-ci pas vraiment d'occasion d'utiliser ce type de transport, parce qu'une reconfiguration inopinée de ma vie professionnelle peut faire surgir de telles occasions assez rapidement.
Publié le 31 juillet 2024
Graphic Audio
Je me suis mise récemment aux audiobooks, et parmi ces livres que j'ai écoutés se trouvent des interprétations de GraphicAudio, sur lesquelles je vais donner mon avis dans ce billet.
Le retour de la lecture
Un peu comme d'autres domaines, ma vie semble faite de plaques tectoniques qui accumulent lentement des tensions et qui sont brutalement reconfigurées au-delà d'un certain seuil.
Parmi ces plaques, les plus molles sont mes loisirs, et j'ai toujours eu plus de choses que j'aimerais faire que de temps pour les faire. J'imagine que je ne suis pas exceptionnelle par cet aspect. Le résultat est que le jeu de loisirs que je pratique est une partie de ce que je voudrais faire, et le reste est plus ou moins provisoirement mis de côté. Les reconfigurations tectoniques brutales correspondent à un changement d'effectif dans ce jeu de loisirs pratiqués.
Ceux qui suivent ma liste de lecture peuvent voir la chronologie des moments où la lecture comme loisir entre ou sort de ce jeu. La dernière sortie en date s'est produite courant 2023, et 2024 a vu un retour un peu différent : je suis passée à la lecture audio.
La motivation du retour est la même que d'habitude, le besoin de fiction que j'avais déjà identifié en 2018 et que j'ai toujours du mal à reconnaître rapidement quand il me travaille.
La motivation du passage à l'audio est simplement de trouver un compromis
à mon goût dans la gestion de mon emploi du temps de loisir.
Je mutualise simplement le temps que je passe à expulser des calories
entretenir mon corps physique et le temps pour satisfaire ce besoin mental.
Ce n'est pas la première fois que je recours à des audiobooks, et j'avais même déjà ébauché mon ressenti de l'écrit contre l'oral en 2017. Je revisiterai peut-être cette question un de ces jours, mais ce que j'avais écrit à l'époque est encore très proche à la réalité de 2024.
La brutalité des reconfigurations tectoniques de mes loisirs fait que je n'ai eu qu'inconfortablement peu de temps pour chercher de quoi m'occuper par les oreilles.
Donc j'ai pris un peu tout ce qui passait à ma portée sans trop réfléchir. Mon homme est un adepte des livres sur HumbleBundle, et quand il a vu passer un bundle d'audiobooks je suis partie dedans sans regarder plus que ça, surtout après y avoir vu des noms que j'aime beaucoup comme Jeaniene Frost et Ilona Andrews.
Un film dans la tête
Quand je pense à un audiobook, j'imagine bêtement quelqu'un qui prend le livre en question et le lit à voix haute, dans un studio d'enregistrement.
La valeur du narrateur n'est pas forcément évidente pour tout le monde, qu'est-ce qu'un humain pourrait bien apporter à un texte par rapport à un programme de synthèse vocale, éventuellement enrichi à coups d'« intelligence artificielle » ?
J'avais déjà un début de réponse avant 2023, par les souvenirs d'enfance de la magie des histoires lues avant de s'endormir. Et même si ça me permettait d'imaginer la qualité d'un bon narrateur, je gardais un peu de méfiance envers ces souvenirs, on trouve de la magie plus facilement dans l'enfance qu'une fois devenue adulte.
Bref, en 2023 je savais qu'un bon narrateur avait quelque chose à apporter, mais j'étais loin d'imaginer les qualités de narration que j'allais découvrir en 2024.
Cela dit, GraphicAudio propose plus loin que la lecture à voix haute, en appliquant un traitement « cinématique » au livre : chaque personnage est joué par un acteur dédié, et de la musique et des bruitages sont ajoutés pour renforcer l'ambiance.
Un peu comme un film, ou un épisode de série télévisée, mais sans les images.
J'ai trouvé l'idée intéressante, et je comprends tout à fait que ça demande la mise en œuvre de moyens qui dépassent largement la lecture à voix haute, et que ça s'en ressente sur le prix.
Bref, j'ai abordé ça comme un audiobook de luxe.
Les goûts et les couleurs
Après avoir écouté plusieurs titres de GraphicAudio, à savoir Tempting Danger, Trading in Danger, Clean Sweep et Broken Mate, je suis bien en peine d'arriver à un verdict.
D'un point de vue technique, je trouve que le résultat est superbe. J'en ai une impression plus « série télé » que « cinéma », mais je ne sais pas trop si c'est pour des raisons techniques en rapport avec la réalisation ou des raisons personnelles en rapport avec l'environnement ou mon vécu.
Je veux saluer la performance technique, et même la performance artistique dans la mesure où je peux la juger, parce que j'ai vraiment l'impression que beaucoup d'efforts ont été mis là-dedans, et que ces efforts ont payé.
Sauf que c'est pas ma came.
Je trouve ça presque triste, parce qu'avec une idée aussi intéressante, une réalisation aussi bonne, et un résultat d'une telle qualité dans toutes les dimensions que j'arrive à évaluer, ils « méritent » de réussir. Ce sont de bons audiobooks qui méritent d'être recommandés auprès de tous ceux qui pourraient les apprécier.
Le fond du problème, c'est qu'en termes d'engagement émotionnel, je réagis beaucoup mieux aux livres qu'aux films et aux séries télévisées, ou aux textes qu'aux vidéos. Donc prendre un livre et le rapprocher d'une vidéo, ben ça ne va pas dans le bon sens pour moi.
Je ne sais pas trop si c'est lié à mon aphantaisie autodiagnostiquée ou à autre chose, mais en termes d'appréciation émotionnelle subjective, les séries que je considère comme excellentes peinent à arriver à la médiane des romans que je considère comme « seulement » bons. Il y a des romans qui me plaisaient tellement peu que j'hésitais à les finir, et c'était un ressenti comparable aux séries moyennes que je suis.
Autant un bon narrateur apporte quelque chose à l'histoire que je suis incapable de construire dans tête en lisant le texte, autant l'ambiance créée par GraphicAudio dans ma tête est terne par rapport à celle que je construis en lisant ou en écoutant un bon narrateur.
Bref, c'est génial, mais c'est pas ma came.
Conclusion
Je suis un peu embêtée de sortir une critique aussi mitigée pour une gamme qui me semble aussi objectivement intéressante et de bonne qualité.
J'aimerais beaucoup de cette entreprise soit commercialement viable, parce que c'est tellement agréable de trouver des gens misent sur la qualité dans ce monde qui sombre dans la merdification.
En attendant je vais rester aux audiobooks de base, lus par un seul conteur, comme pis-aller faute de temps pour lire avec les yeux.
Publié le 28 juin 2024
En vrac 11
Voici la première fournée de liens en vrac issue de mon gestionnaire personnel d'iens. À force d'hésiter sur le niveau d'intérêt pertinent pour figurer dans ces pages, j'ai un peu traîné à sortir cette liste, et ça va me servir d'excuse pour faire une liste plus longue que d'habitude (15 iens au lieu des 10 habituels). Il n'est pas prévu que ça se reproduise.
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Une méthode d'estimation de la médiane sans tout socker, qui semble marcher pour plein d'autres quantiles, pour combiner la robustesse de la médiane avec la sobriété calculatoire de la moyene. (via Lobsters sur #gcufeed)
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Un article qui cherche où les sites web sont passés, parce que même si je ne suis jamais posé la question comme ça, il articule bien l'importance des recommendations, et c'est un sujet auquel je pense beaucoup ces jours-ci. (via Hacker News sur #gcufeed)
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Hillel Wayne décrit un générateur de nombre aléatoire qu'on peut utiliser dans tête et décortique son fonctionnement. J'avais cherché en vain quelque chose comme ça il y a quelques années, et là il y a non seulement la méthode mais en plus comment ça marche. (via Lobsters sur #gcufeed)
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Martin O'Leary explique comment il génère des cartes de fantasy, en combinant divers algorithmes existants. J'aime beaucoup les modélisations à chaque étape, et c'est encore plus rafraîchissant dans la vague d'IA générative actuelle. (via Hacker News sur #gcufeed)
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Aeris défend le cartel des GAFAM sur Health Data Hub et Play Integrity parce que les gros ne sont pas juste des méchants anticoncurrentiels, ce sont aussi des entités qui ont les moyens (tant par la masse que par les économies d'échelle) de faire des trucs désirables. Et il y a une vraie question sur le compromis entre les critères techniques de la solution et les critères plus éthiques comme librisme et souveraineté. (merci à @keltounet.keltia.net par repost de @aeris.eu.org)
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John Salvatier montre la quantité étonnante de détails dans la réalité et invite à prendre le temps de découvrir de nouveaux détails, qu'ils soient invisibles ou transparents. J'ai beaucoup aimé ses exemples et sa façon d'articuler cette thèse. (via Hacker News sur #gcufeed)
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Jennifer Moore démonte la hype sur l'intelligence artificielle, particulièremnet sur le développement logiciel, et j'aime beaucoup son point de vue et la façon dont elle le formule. (merci à
miod
sur #gcu) -
Scott Mauldin introduit le déontologisme et le conséquentialisme au travers de Tolkien et Herbert et je trouve ça très intéressant et accessble. (via Hacker News sur #gcufeed)
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Kris De Decker explore la place de l'acier dans le monde moderne, en partant du constat provocateur que nous sommes encore à l'âge de fer, et arrive à la conlusion un peu déprimante que les progrès écologiques vont demander beaucoup d'acier et donc avoir une grosse empreinte carbone. (via Hacker News sur #gcufeed)
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Lorin Hochstein invite à analyser les incidents en supposant que tout le monde a agit au mieux dans ses circonstances, parce que ça permet de tirer des conclusions systémiques beaucoup plus intéressantes que juste attribuer la faute à quelqu'un. (via Lobsters sur #gcufeed)
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Bruce Schneier fait le parallèle entre la vague des réseaux sociaux et la présente vague d'intelligence artificelle et propose des leçons à tirer et des actions à faire pour éviter de répéter l'histoire.
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Laurent Bercot revient sur les super-serveurs et propose des super-clients en passant par la philosophie Unix et la dynamique de systemd. J'aime beaucoup son point de vue, et il relie des notions que je n'avais encore jamis reliées ensemble pour en faire des concepts qui me plaisent. (via Lobsters sur #gcufeed)
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Laura Killingbeck donne sa perspective sur le drama/meme « homme ou ours », perspective qui est intéressante parce qu'elle a vraiment choisi littéralement l'ours dans une grande partie de sa vie. Il y a aussi un liens vers un résumé de CNN sur le drama/meme, utile pour les gens comme moi qui sont passés à côté. (via Hacker News sur #gcufeed)
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Jason Sachs décrit les polynômes de Chebyshev et leur utilisation pour approximer des fonctions en rappelant au passage qu'on est gâtés en termes de fonctions numériques, et qu'on oublie comment faire des approximations. J'ai l'intuition que le progrès technique ne va pas aider pour les formes fermées, mais la partie sur l'approximation à base de mesures empiriques reste d'actualité. (via Lobsters sur #gcufeed)
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Defender of the Basic décrit le « rasoir de Feynman », qui est en gros une sorte d'application au discours technique du principe que les gens ne sont pas cons, et ça se transpose très bien aux messages d'erreur et aux interfaces informatiques. (via Hacker News sur #gcufeed)
Publié le 22 juin 2024
Tags : En vrac
Voyager léger
Comme le demande la tradition sur ce weblog, le moi de mai est le mois de l'inventaire, et comme je viens juste d'être confrontée à un besoin inhabituel de (contenu de) sac, c'est l'occasion de le documenter.
Contexte du voyage
Ce besoin inhabituel, ça a été partir en avion, pour servir de soutien moral au Perl Toolchain Summit.
Il m'arrive parfois de dire que je déteste l'avion, mais en vrai c'est un raccourci. Je n'ai rien contre le voyage en avion lui-même, je déteste juste les aéroports.
Et même ça c'est un raccourci, parce que je suis en paix avec énormément d'aspects des aéroports, il n'y a vraiment que deux aspects que j'exècre par-dessus (presque) tout.
Le premier, c'est l'impression que les humains y sont réduits à des meubles, entre le bétail et le fret. Dans toute l'expérience limitée de ma vie, je n'ai jamais ressenti plus de déshumanisation que dans un aéroport. Mes expériences les plus proches sont dans les gares, mais il n'y a guère que les gares de RER en heure de pointe avec incident technique ou grève qui pourrait s'en rapprocher ; en général je vis beaucoup moins mal mes passages dans les gares ferroviaires. Mais même si c'est très désagréable, ça reste complètement supportable pour moi.
Le second, que j'ai beaucoup plus de mal à supporter, et qui me met hors de moi à chaque fois, c'est la comédie sécuritaire qui sévit dans ces lieux. Je vomis tous les décideurs et tous les mécanismes et toute la société qui ont pu donner naissance à cette abomination.
Bref, même sans compter les considérations écologiques, qui ne me laissent pas complètement indifférente, je fais tout mon possible pour éviter les contacts directs avec l'aviation commerciale.
Les différentes itérations de mon inventaire ont donc été élaborées avec des contraintes radicalement différentes de celles de l'aviation commerciale et la pseudo-sécurité extrémiste des aéroports.
Donc quand la perspective d'un voyage en avion s'est concrétisée, il a fallu que je reprenne mes listes avec ce tout nouveau jeu de contraintes.
Cahier des charges
Volume et poids
Le plus limitant de prime abord semblait être de faire tout rentrer dans un volume et un poids limités (40×30×20 cm et 10 kg).
Techniquement j'avais droit à deux sacs, le second limité à 55×35×25 cm, avec la limite de poids pour la somme de ces deux bagages. Il parait que la combinaison de ces trois limites suffit à déterminer exactement la compagnie qui m'a fait voyager.
En première estimation, mon ordinateur portable, mon sac-à-dos de vacances habituel vide, et mon sac à main habituel rempli, font chacun environ 1.5 kg. Donc rien que ça, ça épuise presque la moitié de mon budget-poids.
Et rien qu'avec l'indispensable pour dormir et le casque antibruit qui améliore colossalement le confort de l'avion, j'en ai pour pratiquement un kilo de plus.
En voyant les kilos s'accumuler aussi rapidement, je me suis rapidement sentie limitée surtout par le poids.
Comme je me suis sentie très limitée par le poids, je n'ai pas fait spécialement attention au volume, donc je suis partie sur un seul sac. J'ai choisi le plus petit des deux volumes en partie pour ça, et en partie parce que je n'ai pas super-confiance dans la disponibilité des places dans les placards, alors que je suis sûre d'avoir la zone sous le siège.
Remplaçabilité
Une autre contrainte particulièrement prégnante est la résistance aux simagrées pseudo-sécuritaires. J'imagine qu'un vol intérieur dans l'espace de Schengen est beaucoup moins tendu que le worst-of de la TSA qu'on peut voir passer sur les réseaux sociaux, mais ça reste une d'autorité pratiquement arbitraire, vu les coûts de la contestation, tant bureaucratiques que logistiques.
Par exemple, il était donc hors de question d'emmener mon Victorinox Spirit, même s'il est complètement neutralisé, parce que c'est une argumentation trop inhabituelle pour un résultat trop aléatoire, et pour un objet dont la perte m'affecterait beaucoup plus que de juste devoir faire sans.
De façon plus générale, les voyages sont presque par définition des ruptures dans le quotidien, ce qui multiplie les occasions d'oublier et de perdre quelque chose. En général j'ai assez confiance dans mes listes et mes conteneurs habituels, mais les circonstances extraordinaires qui invitent une liste extraordinaire invitent également à plus de prudence sur ce front.
Donc il ne fallait pas simplement réduire les bagages au strict nécessaire pour rentrer dans les contraintes de volume et de poids, mais aussi choisir soigneusement des objets remplaçables ou conventionnels.
Ça rejoint l'idée de la duplication que j'avais développée dans mon esquisse de go bag : un objet est d'autant plus facilement remplaçable que j'en ai une instance dédiée aux voyages, et s'il venait à être confisqué ou perdu il me resterait l'instance du quotidien pour le reste du temps.
Le choix du conteneur
Entre l'optimisation du poids et l'assurance de tenir dans le petit volume même face à un employé peu coopératif, j'ai laissé tomber mes sacs à dos habituels, au profit du RiutBag Crush.
Le mien est de la génération 2017, légèrement différent de celui de 2024, mais il est sur le même principe : c'est un sac à dos, avec ouverture dans le dos et des bretelles réglables et confortables, qui se replie dans sa poche pour tenir dans 22×15×4 cm (le site parle 6 cm d'épaisseur en 2024). Il pèse 235 g, et mesure 40×25×17 cm une fois déplié.
À titre de comparaison, le RiutBag R15.4 que je prends habituellement en vacances mesure 50×35×20 cm, mais comme dit c'est plus son poids qui m'a arrêtée que la gamme au dessus de taille.
J'ai ressorti mes RiutBag R10 et R15 de première génération, que je savais plus petits, mais ils sont à peu près aussi lourds et mesurent 47×36×8 cm et 47×36×14 cm respectivement.
J'ai aussi brièvement envisagé l'Arosa, qui contient souvent mon EDC du quotidien, mais il est trop petit pour contenir un de mes ordinateurs portables, et je doute que son volume soit suffisant pour des bagages de plusieurs jours. Je l'aurais peut-être pris si j'étais partie sur deux sacs, mais sa robustesse se paye sur son poids, donc je l'ai écarté pour ce voyage.
Le contenu
Voici une sélection d'objets que j'ai considérés pour ce voyage, qui sont presque tous déjà apparus dans des billets passés. De gauche à droite puis de haut en bas :
- le RiutBag Crush replié,
- le nécessaire pour dormir,
- des lunettes de soleil dans un étui rigide,
- un sac de courses replié,
- ma carte d'identité,
- une plaquette d'antihistaminiques,
- Bifrost,
- un puits USB-C pour les vieux ThinkPad,
- un chargeur mural USB-C 60 W,
- le casque antibruit Bose QuietComfort 25,
- une brosse à cheveux pliante,
- divers câbles USB,
- des vêtements (3 tee shirts, 3 culottes, un soutien-gorge, une paire de chaussettes),
- une brosse à dents,
- un tube de dentifrice,
- une oreillette Bluetooth Plantronics Voyager,
- des lentilles de contact,
- un verre pliant Sea-to-Summit,
- un porte-cartes,
- un porte-monnaie.
Conception préliminaire
J'ai commencé par la photo et sa légende parce que ça me semblait mieux dans l'organisation du texte, quitte à casser un peu la chronologie.
Mon point de départ a été les diverses listes du billet Conteneurs et contenus, en notant au fur et à mesure les « indispensables », dont le manque me feraient annuler le voyage, et le « confort » qui améliorerait suffisamment mon séjour pour avoir de bonnes chances de finir dans mon sac.
Les indispensables sont :
- mon ordiphone Unihertz Jelly 2,
- mes clés de maison,
- mon porte-monnaie,
- ma carte d'identité
- Bifrost et son alimentation,
- un chargeur USB-C (pour Bifrost et l'ordiphone),
- un câble USB-C - USB-C,
- la pochette de chevet,
- des médicaments.
Les objets de confort sont :
- des lentilles de contact,
- le casque antibruit Bose,
- le porte-cartes (surtout pour le passe Navigo),
- une lime à ongles,
- une brosse à cheveux,
- une brosse à dents,
- du dentifrice,
- un verre pliant,
- un petit câble USB-C,
- l'oreillette Plantronics Voyager et son chargeur.
Ajustements
À partir des listes ci-dessus, j'ai commencé par supprimer la lime à ongles et le dentifrice, parce que ça avait trop peu de chances de passer la pseudo-sécurité.
J'ai ajouté les lunettes de soleil, parce que Portugal c'est le grand‐sud‐où‐il‐fait‐trop‐chaud ; un sac de courses, parce que c'est léger et ça peut dépanner sérieusement ; et des vêtements de rechange, parce que ça aide quand même à être sociable ; et ça fait à peu près la photo ci-dessus.
Pour gagner un peu de place et éviter de partir avec trop de trucs précieux, j'ai laissé le porte-monnaie chez moi, et j'ai juste pris le porte-cartes, avec son porte-bloc et son mini-stylo habituels, le passe Navigo (pour se déplacer en région parisienne), ma carte bancaire, et 50 € en liquide.
Sur un coup de tête, j'ai aussi ajouté mon lecteur de livres électroniques, parce que j'avais vraiment trop peur que Bifrost me lâche et qu'il ne me reste plus rien pour m'occuper l'esprit.
Bilan a posteriori
Maintenant que l'évènement est passé, je peux ventiler tous les objets suivant l'utilité qu'ils ont effectivement eue pendant mon voyage.
D'abord, ceux qui ont rempli leurs promesses, et dont je me suis effectivement servie :
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Le RiutBag Crush est plutôt confortable même à la longue, même s'il est loin d'égaler ses grands frères.
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Le nécessaire de nuit m'est toujours aussi indispensable pour bien dormir, à mon grand dam.
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Les lunettes de soleil ont été utiles, même si le temps n'était pas très « beau » pour les standards de pas mal de monde.
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La carte d'identité a été prévisiblement utile pour embarquer dans l'avion.
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Les antihistaminiques ont effectivement coupé une réaction allergique.
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Bifrost a été le jouet qui m'a le plus occupée pendant mon séjour, comme on pouvait s'y attendre. Il ne tient pas une demi-heure sur sa batterie, mais en dehors de ça il marche très bien pour du matériel qui a douze ans.
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L'alimentation de ThinkPad en puits USB-C ressemble presque à de la magie noire, j'imagine qu'il y a du silicium Power Delivery caché dans une prise ou l'autre, mais ça marche très bien, c'est très compact, et ça n'a causé aucun départ de feu.
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Le chargeur USB-C a bien rempli sa fonction, aussi bien pour alimenter le Thinkpad que l'ordiphone. J'ai été embêtée quelques fois de n'avoir qu'un seul port de charge, et brancher l'ordiphone sur le PC charge plutôt lentement, mais ça n'a pas l'air facile à améliorer autrement qu'avec un deuxième chargeur.
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Le casque antibruit améliore considérablement le confort dans l'avion, comme prévu, mais je ne l'ai pas du tout utilisé pendant le séjour.
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La brosse à cheveux est réclamée par la vanité, mais il en faut quand même un minimum pour vivre en société.
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Les câbles USB n'ont peut-être pas tous servi, je ne suis plus complètement sûre de ce que j'ai emporté. J'ai au moins utilisé le câble double USB-C pour la charge rapide de l'ordiphone et le câble USB-A vers USB-C pour la charge lente derrière le PC.
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Les vêtements sont évidemment utiles, et le ranger roll avec les sous-vêtements dans les vêtements est particulièrement efficace pour la gestion du sac à dos. J'en suis encore émerveillée à chaque utilisation.
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La brosse à dents est très utile, même si on peut toujours en acheter une nouvelle sur place, ça reste plus simple de ne pas se poser de question en venant avec la sienne.
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Les lentilles de contact me permettent de ne pas être borgne, ce qui est toujours appréciable.
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J'ai utilisé le verre pliant plutôt que de chercher un vrai verre, donc il a été utile, mais de peu.
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Le porte-carte n'est pas sorti de mon sac, mais je considère utile d'avoir des moyens de paiement sur soi, même sans les utiliser, parce que la sérénité donnée par le pouvoir de l'argent est un vrai bénéfice.
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Les clés de chez moi n'ont pas été utilisées parce que je suis rentrée en deuxième, mais comme pour l'argent, le potentiel de leur utilisation suffit à les considérer comme utiles.
-
L'ordiphone est un objet dont je déteste la dépendance, et en plus mon opérateur n'a pas voulu assurer l'échange de données, mais même comme ça ce petit morceau d'électronique m'est utile et indispensable.
Ensuite, les objets que j'ai transportés pour rien :
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Le sac de courses n'a finalement pas été utile, mais avec son faible encombrement ce n'est pas une grosse perte, et je ne regrette pas vraiment de l'avoir emporté.
-
L'oreillette Bluetooth me sert en général à passer des appels vocaux avec une meilleure qualité sonore et plus de confort tactile que mon natel. Elle n'a pas servi parce que je n'ai pas eu besoin de faire de conversation téléphonique, et j'imagine que pour les rares conversations dont j'aurais pu avoir besoin je aurais pu utiliser directement l'ordiphone.
-
Le bloc-notes dans le porte-cartes n'a pas servi, mais il fait partie des objets qui améliorent colossalement la vie dans un nombre étroit de situations, donc c'est difficile de juger de l'espérance du bénéfice.
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Le lecteur de livres électroniques n'est pas sorti de mon sac, j'ai beaucoup de mal à lire ces jours-ci, et les vacances n'ont malheureusement pas aidé.
Et pour finir, les objets que je n'ai pas pris et qui m'ont manqués :
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Une pince à épiler, parce que j'ai vraiment des trop gros doigts. J'y avais pensé avant de partir, mais toutes les pinces que j'ai aujourd'hui ont un mors oblique assez pointu, et y a moyen que les saltimbanques de la pseudo-sécurité en chient une pendule.
-
Un mouchoir ou des feuilles de sopalin, ça ne prend pas beaucoup de place, et ça éviterait de devoir stationner dans les toilettes en attendant que les antihistaminiques agissent.
Globalement, je trouve que j'ai été plutôt efficace dans la conception des bagages pour ce trajet, je m'attendais à avoir plus de faux positifs et de faux négatifs.
Je suis un peu triste d'avoir raté l'occasion de faire une photo du sac complet, mais il suffit d'imaginer un sac à dos en nylon noir assez bien rempli, qui rentre tout juste dans l'espace prescrit par la compagnie aérienne.
D'un côté je continue d'espérer ne pas être confrontée rapidement (ou du tout) à un autre voyage avec ces contraintes, mais d'un autre côté je pense que ces notes faciliteront la prochaine fois.
Publié le 31 mai 2024
Tags : Évènement Inventaire
Liquidation de prompt
Malgré la mode actuelle autour de l'intelligence artificielle, ce n'est pas de ce genre de prompts dont il va être question. Je vais parler ce qu'on appelle parfois en français « invite de commande », qui est ce qu'un ordinateur affiche pour indiquer qu'il est prêt à recevoir une nouvelle commande et inviter l'utilisateur à l'entrer.
Comme je ne comprends pas très bien comment « invite » pourrait être une inflexion correcte du verbe « inviter », je ne peux qu'y voir un affreux anglicisme, et je préfère l'écrire « invit' », comme raccourci d'« invitation ».
Il s'agit historiquement d'un élément clé des interfaces en mode texte, parce qu'il n'y avait pas tellement d'autre façon d'indiquer si l'ordinateur est occupé ou en attente, surtout avec la tradition Unix de ne rien afficher du tout quand aucune erreur ne se produit.
Si je vais effectivement de parler des prompts en mode texte de mes shells, le même concept se retrouve dans toutes les interfaces qui n'ont pas de canal dédié pour communiquer cet état. Par exemple, certains assistants vocaux indiquent leur activation avec un signal sonore, et c'est effectivement un prompt qui indique que l'activation a bien eu lieu et que l'utilisateur peut dicter sa commande.
Tant qu'il s'agit d'indiquer un état occupé ou disponible, un simple
caractère, comme >
, suffit largement.
Il y a cependant d'autres caractéristiques de l'état courant qu'il peut
être intéressant d'avoir en tête pour choisir une commande, au point
d'intégrer cette information dans le prompt.
Par exemple, les plus anciens expérimentés d'entre nous se souviennent
peut-être du C:\>
de DOS, on y retrouve le >
traditionnel d'invitation,
et C:\
est le répertoire courant, dans lequel tous les fichiers sont lus
ou écrits (sauf indication contraire explicite).
C'est plutôt important pour s'y retrouver dans ses fichiers.
Il y a donc un équilibre à trouver entre la quantité d'informations qu'on peut afficher, et la place que ces informations occupent. Comme le prompt est présenté avant chaque commande, il est souvent répété et une abondance d'informations peut occuper une place précise qui serait mieux utilisée pour les résultats des commandes.
J'écris ce billet à l'occasion du changement de mon prompt, dans la suite des vents du changement qui soufflent sur mon interface depuis des mois. Mon nouveau prompt est tellement dense qu'il me faut une documentation pour m'en servir, au moins le temps d'en prendre l'habitude, et tant qu'à faire autant la publier, au cas improbable où quelqu'un d'autre que moi s'y intéresserait.
Et comme j'ai fait le tour de mon ancien prompt pour vérifier que je n'avais rien perdu en route, j'en profite pour le documenter aussi, et offrir à moi-du-futur un enregistrement de mon quotidien textuel de 2009 à 2023.
Le reste de ce billet va donc être profondément technique, comme je le signale avec le tag Geek. Mon lectorat peu familier avec les interfaces en mode texte peut donc sereinement arrêter la lecture ici, la suite leur sera probablement peu accessible.
L'ancien prompt
Je sais que j'écris trop, alors je vais commencer par les screenshots :
Circonstances historiques
J'ai détaillé l'histoire de mon environnement graphique dans le billet Ricing, mais je suis passée un peu vite sur les débuts, parce que je les ai largement oubliés.
Je me souviens que ma grosse perte de données la plus récente date de juin 2008, quand l'alimentation de Gomorrhe est tombée en panne et que Dedibox m'a confié Yomi en remplacement, sans aller chercher les disques durs.
À cette époque, j'avais une certaine curiosité envers les BSD en général, et j'avais déjà conclu que FreeBSD était le plus approprié pour mes débuts. Se retrouver brutalement avec un serveur dédié vide a été l'occasion de faire ma première installation BSDesque.
Comme j'ai plutôt bien aimé, j'ai aussi installé FreeBSD sur la machine vide suivante que j'ai eue entre les mains, qui se trouvait être mon poste de travail professionnel. C'était le 7 janvier 2009.
Sous l'influence des gens de #freebsd-fr
, que j'étais voir pour chercher
de l'aide sur des petits soucis techniques, j'ai essayé zsh le
18 janvier 2009, et j'ai vite été conquise.
C'est peut-être un peu injuste de comparer un bash par défaut avec un zsh configuré aux petits ognons, mais c'est un peu comme ça que ça s'est passé.
Ce prompt historique, qui m'a tenu plus de 15 ans, a été ma première personnalisation de prompt.
Je n'ai plus aucun souvenir d'où je l'ai pioché, et je n'en retrouve pas de trace numérique non plus. J'ai le vague souvenir qu'à l'origine il était rectangulaire, avec des coins à droite aussi, et encore plus vague qu'il y avait l'heure en bas à droite, en dessous du path, mais je confonds peut-être avec un autre prompt que je n'ai finalement pas choisi. Si ces souvenirs sont à peu près bons, j'ai viré ça parce que ça interagissait mal avec mon terminal, à cause de la ligne pleine à craquer ou des redimensionnements. Et je ne voyais pas l'intérêt d'avoir l'heure dans le prompt alors que j'ai une horloge ailleurs sur l'écran, et je n'aimais pas que l'entrée de la commande la fasse disparaitre inopinément.
Donc j'ai pris ce prompt de je‐ne‐sais‐plus‐où, j'ai viré l'éventuelle heure et les coins de droite, et j'ai utilisé ça pendant quinze ans presque sans aucun changement.
« Presque », parce que les lignes étaient tracées avec l'alt charset façon VT100, et j'ai fini par les remplacer des caractères unicode.
Architecture de l'ancien prompt
La caractéristique principale de ce prompt est de tenir sur deux lignes.
Il me semble que c'est un compromis assez discuté : d'un côté tout mettre sur une ligne prend moins de place, surtout avant de commencer à taper une commande ; d'un autre côté la répartition sur deux lignes permet de mieux ranger les données.
Ce qui me plaît le plus dans le fait d'avoir deux lignes, c'est la séparation visuelle entre les différentes commandes, très utile quand on essaye de se déplacer rapidement dans l'historique. Et c'est encore mieux depuis que les lignes sont en Unicode, ça permet d'utiliser la recherche de texte pour remonter au début de la commande ou naviguer de commande en commande.
Donc les lignes sont pas juste là pour l'esthétique, leur fonction structurale est capitale pour moi.
Et c'est peut-être juste ça qui m'a fait adopter ce prompt, le reste est assez standard.
Sur cette structure, il y a donc quatre points sur lesquels poser des informations, à chaque extrémité de chaque ligne. Comme dit dans l'historique, je ne suis pas sûre de ce qu'il y avait dans le coin inférieur droit (c'est-à-dire à la fin de la ligne d'entrée de commande), mais il n'y a rien là dans ce que je considère comme mon prompt historique.
Il reste donc trois blocs : la gauche et la droite de la ligne de séparation, et l'espace juste avant la fin du prompt sur la ligne où j'entre la commande.
Il n'y a pas de sémantique particulière dans les couleurs, leur choix est presque purement esthétique, et hérité de là où j'ai pioché ce prompt. La structure est cyan et bleue, les blocs sont respectivement vert, magenta, et blanc brillant ; et certaines informations importantes sont appuyées par de la vidéo inverse ou du rouge.
Caractéristiques du shell (en haut à gauche)
Exemple : (nat@tsuiraku:pts/9)
Le bloc sur la gauche de la ligne de statut contient toutes les informations qui restent constantes pour toute la durée de vie du shell :
- le nom d'utilisateur (
nat
ouROOT
dans les captures), - le nom de la machine (Tsuiraku dans les captures),
- la ligne série sur lequel le shell est connecté (
/dev/pts/1
et/dev/pts/9
dans les captures).
Pour insister sur le danger des comptes privilégiés, au lieu d'afficher
simplement root
, le nom d'utilisateur est capitalisé et inversé.
D'expérience ça attire bien l'œil et c'est très utile pour éviter les
méprises.
Répertoire courant (en haut à droite)
Exemple : (/tmp)
Ce n'est pas pour rien que le répertoire courant se trouve dans presque tous les prompts, c'est une partie très importante du contexte dans lequel les commandes s'exécutent.
Comme le chemin complet peut être particulièrement long, et que mes terminaux sont relativement étroits, il arrive que ça ne rentre pas dans la largeur d'une ligne. J'ai fait exprès de mettre un cas comme ça dans les captures, pour montrer que le chemin est juste tronqué à gauche, avec une ellipse pour indiquer cette troncature.
Les erreurs et l'invit' (en bas à gauche)
Exemple : 130:INT:%
C'est la seule partie vraiment variable de ce prompt : le code d'erreur de la commande précédente n'est affiché que s'il est non-nul.
Voici en détail tout ce qui peut être affiché :
- le code de retour numérique (1 et 130 dans les captures),
- le signal correspondant (
INT
dans la capture), - le caractère de fin d'invit' (
%
ou#
dans les captures).
C'est un peu contre-intuitif d'avoir le code d'erreur de la commande précédente après le séparateur plutôt qu'avant, mais l'avoir juste à côté du curseur, où on est presque obligé de poser les yeux, diminue le risque de le rater. Je trouve que c'est un bon compromis.
Le caractère de fin d'invit' %
a l'air d'être une tradition de zsh, par
rapport au $
qui semble plus courant dans les autres shells Unix.
Le caractère #
semble être une tradition Unix pour indiquer un compte
privilégié, et la couleur rouge appuie ce statut, mais c'est nettement
moins efficace sur moi que le nom de compte en couleurs inversées.
Les insatisfactions
Pendant que j'hésitais à changer de prompt, j'ai regardé de plus près cet ancien prompt en remettant à peu près tout en cause, pour finalement en garder à peu près tout.
Voici les points majeurs que j'aurais de toute façon changés suite à cette analyse, même si j'avais laissé tomber l'envie de nouveauté :
-
Les trucs avant le caractère d'invit' sont pénibles pour copier-coller une commande avec sa sortie quand je veux faire une sélection rectangulaire (typiquement parce que le terminal est coupé verticalement ou parce qu'il y a des informations inutiles ou sensibles à droite, ou parce que les retours à la ligne sont mal gérés par le terminal), ce qui n'est pas si rare que ça. Le code d'erreur a assez de valeur pour rester là, mais pas les symboles structurels.
-
La ligne série ne me sert strictement à rien, j'ai remarqué une fois que j'étais sur un
tty
au lieu d'unpty
, mais je n'ai que faire que cette information qui mange une place précieuse. -
Le répertoire courant en magenta est inutilement criard. Je ne le voyais plus avec l'habitude, mais il a suffi de jouer un peu avec d'autres couleurs pour se rendre compte de l'accentuation que portent le rouge et le magenta. Un répertoire courant qui n'a rien de particulier mérite des couleurs plus neutres.
Le nouveau prompt
Mon nouveau prompt est basé Liquid Prompt et rangé dans un script archi-moche dont j'ai honte, mais je ne vais pas vous le décrire avant d'avoir montré une capture d'écran et raconté comment j'en suis arrivée là.
Les vents du changement
L'histoire commence avec une dépêche LinuxFr sur la comparaison de systèmes de prompt, et la conférence correspondance à Capitole du Libre.
Je savais déjà qu'il existe des prompts super avancés, mais ma réaction a toujours été que je n'ai pas besoin de ça. J'ai profité de cette dépêche et de cette conférence pour me mettre à jour sur l'état de l'art, et je l'ai pris avec l'esprit ouvert, mais j'en suis quand même sortie avec l'impression de ne pas avoir besoin de ça.
Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, mes lignes de commandes passent souvent à travers un réseau, et l'état d'une machine distante est une question de monitoring qui n'a rien à faire dans mon prompt, tandis que l'état d'une machine locale relève de mon interface graphique et n'a rien à faire dans mon prompt.
Après avoir enlevé tout ça, il ne reste guère que des informations sur l'environnement dans le shell ou le répertoire courant, comme le venv actif ou l'état du dépôt qui contient le répertoire courant.
Je n'utilise pas du tout les premiers, et j'ai l'habitude de gérer mes dépôts avec des commandes. Je fais sans depuis plus d'une décennie, et ça ne m'a jamais manqué, donc je n'ai pas besoin de tout ça.
Malgré tout, dans les semaines qui ont suivi j'ai regardé avec un œil
différent ma façon de travailler, et j'ai vu que j'écris quand même souvent
git status
, pour en tirer des informations que d'aucuns ont toujours sous
les yeux dans leur prompt.
Évidemment, un git status
est beaucoup plus riche qu'un prompt de
taille raisonnable, et j'ai souvent besoin de cette richesse.
Il y a cependant un bon nombre de git status
que je tape juste pour
vérifier que la branche courante est bien celle que je crois, ou que j'ai
bien commit tous les fichiers que j'ai modifiés, et tout ça peut se
trouver directement dans un prompt un peu évolué.
Donc j'ai décidé de donner une chance à Liquid Prompt, qui était celui qui me tentait le plus dans ce comparatif.
Après y avoir investi beaucoup plus de temps que je pensais (plus de cinq heures), je suis arrivée à une configuration qui me plaisait à peu près autant que mon ancien prompt, les informations de dépôt en plus.
Au fil du temps, je me suis mise à apprécier de plus en plus l'accessibilité des informations supplémentaires, et j'y trouve aujourd'hui un vrai bénéfice par rapport au prompt historique, au point de le déployer assez rapidement sur toutes mes machines.
Je suis cependant encore loin d'utiliser tout son potentiel, parce que la densité d'information est telle qu'il faut un lexique pour s'en sortir. Ce billet est ma façon de documenter et d'apprendre ce lexique.
Architecture du nouveau prompt
J'ai gardé le même esprit que l'ancien prompt, parce qu'il me plaisait beaucoup, et pour minimiser le risque que je n'aime pas juste parce que c'est différent. J'ai évidemment corrigé au passage les insatisfactions que j'avais.
Donc je garde mes trois blocs habituels, et j'en ajoute un quatrième pour les informations du dépôt en cours, s'il y en a un :
- état du shell,
- répertoire courant,
- informations sur la commande précédente,
- dépôt courant.
La répartition en principe est respectivement en haut à gauche, en haut à droite, en bas à gauche, et en bas à droite. Et en dessous de tout ça, j'ai uniquement le caractère d'invit', tout seul sur sa ligne.
Comme les deux derniers blocs ne sont pas forcément présents, quand il n'y a rien de particulier à la commande précédente et il n'y a pas de dépôt courant, j'ai la forme habituelle sans le coin inférieur gauche.
Quand un seul des deux blocs optionnels est présent, il ajoute une ligne avec son information à gauche. Ça fait que le dépôt courant peut se retrouver à gauche ou à droite, suivant qu'il y a des choses à dire sur la commande précédente ou non. En général je préfère que les informations soient toujours au même endroit, mais j'aime encore moins le vide en bas à gauche, je ne sais pas trop pourquoi.
Comme ça vient facilement avec Liquid Prompt, j'en profite pour passer à la ligne quand deux informations côte à côte sont trop larges pour rentrer sur la même ligne.
Le chemin courant passe à la ligne en restant collé à droite, et si une ligne pour lui tout seul ne suffit pas alors seulement il est tronqué au milieu, où Liquid Prompt trouve que c'est le plus opportun, avec une ellipse unicode pour l'indiquer.
Si les informations sur la commande précédente et le dépôt courant ne tienne pas côte à côte, ils sont chacun à droite de leur ligne ; ça n'est pas plus incohérent que le dépôt qui peut être à droite ou à gauche, et ça évite le trou disgracieux juste au-dessus de mon curseur.
Je vais détailler les quatre blocs avec les informations qu'ils contiennent, mais c'est plus le résultat de la lecture de la documentation et du code que de l'expérience personnelle.
État du shell
Exemple : (nat@tsuiraku:1&/2z)
Dans la lignée de mon ancien prompt, il s'agit surtout du nom d'utilisateur et de la machine. Je ne me limite cependant pas à ces informations constantes, j'ajoute d'autres détails sur l'état global du shell.
- Les parenthèses qui entourent le bloc sont :
- bleues dans un multiplexeur (genre tmux ou screen),
- grises dans un shell direct.
- Le nom d'utilisateur,
- en jaune et en gras pour un utilisateur privilégié,
- en gris le reste du temps.
- Une arobase (
@
),- en verte dans une interface graphique,
- en jaune sans interface graphique.
- Le nom de la machine,
- de la couleur de l'arrobase pour la machine locale,
- en bleu par une connexion SSH,
- en rouge par une connexion telnet,
- en jaune et en gras dans
su
.
- Le niveau d'imbrication du shell, en vert.
- Le nombre de jobs qui tournent en arrière plan, suivi de
&
, en jaune. - Le nombre de jobs en pause, suivi de
z
, en jaune.
Répertoire courant
Exemple : (~/code/st/src)
L'information la plus importante dans ce bloc est évidemment le répertoire courant lui-même, et il n'y a pas grand-chose de plus.
J'ai ajouté le nombre de répertoires stockés dans la pile (pushd
et
popd
), avec des parenthèses ouvrantes (comme si les répertoires empilés
étaient en dessous et décalés d'un cran) s'il n'y en a pas beaucoup, ou
avec un nombre en jaune sinon.
Le répertoire courant lui-même est en vert, avec le répertoire le plus haut contenant un dépôt qui est marqué en bleu.
Informations sur la commande précédente
Exemple : 130(interrupted) 2s 11:16:51
Comme dans mon ancien prompt, il s'agit surtout du code d'erreur renvoyé
par la commande précédente, et son interprétation s'il s'agit d'un signal.
J'en ai profité pour ajouter le temps qu'a duré la commande, si ça dure un
peu, parce qu'il m'est arrivé plusieurs fois de regretter ne pas avoir un
time
sur des commandes inopinément longues.
Voici la liste complète des éléments de ce bloc :
- le code de retour numérique, en magenta, s'il est non-nul,
- l'interprétation du code, entre parenthèses, en magenta,
- la durée d'exécution, en jaune, si elle a pris plus de 2 s,
- l'heure à la fin de l'exécution, en bleu, si la durée est affichée.
J'utilise l'interprétation livrée avec Liquid Prompt, qui donne
(interrupted)
au lieu de INT
.
Comme cette interprétation va plus loin que simplement les signaux, je
l'accepte pour l'instant ; peut-être qu'un jour je me motiverai à revenir
au code basique des signaux.
J'ai ajouté l'heure de fin d'exécution des commandes longues, parce qu'il y a de la place qui ne sert pas vraiment, et parce que ça m'est parfois utile pour retrouver l'heure de départ de la commande.
Information sur le dépôt
Exemple : git master(+25/-25,-5)+
C'est la principale nouveauté de ce nouveau prompt, et comme c'est encore
à l'essai je ne vais pas plus loin que les sorties de _lp_find_vcs
et
_lp_vcs_details_color
.
Voici donc le contenu de ce bloc :
- le type de SCM, en toutes lettres, genre
git
oufossil
, en gris ; - le checkout courant, genre nom de branche ou de bookmark ou de tag,
et à défaut le début du hash,
- en rouge s'il y a des changements locaux,
- en rouge et en gras quand on est en retard sur upstream (il faut pull),
- en jaune quand on est en avance sur upstream (il faudrait push),
- en vert autrement ;
- le nombre de lignes en plus et moins par rapport au checkout, en magenta ;
- le nombre de commits en avance (en jaune) et en retard (en rouge) par rapport à upstream ;
- le symbole
+
en jaune s'il y a des choses dans le stash ; - le symbole
*
en rouge s'il y a des fichiers non-suivis ; - l'éventuel état particulier du dépôt (résolution de conflit de merge, en cours de rebase, etc) en rouge ;
- l'éventuel état particulier d'upstream.
Conclusion
J'ai une certaine réticence à appeler cette section « verdict », parce qu'habituellement je donne sur ce weblog des impressions à très long terme, et les deux mois que j'ai passés avec ce nouveau prompt me donnent l'impression que mon avis est encore « à chaud ».
Comme écrit plus haut, je suis de plus en plus contente de ce nouveau prompt, au fur et à mesure je prends conscience des informations qu'il fournit.
Je ne suis pas encore convaincue de l'intérêt de tous les détails qu'il transmet, mais comme j'ai été plusieurs fois contente d'en découvrir de nouvelles et comme je trouve la densité d'informations largement suffisante pour mon goût, je laisse tout le reste.
Une de mes principales craintes était le temps d'exécution de ce prompt, probablement parce que c'était un point longuement discuté dans la conférence initiale et auquel beaucoup de gens semblent accorder beaucoup d'importance. S'il y a bien un délai sensible dans l'acquisition des informations sur le dépôt courant, il est assez rare pour ne pas me gêner. Les autres fonctions sont suffisamment rapides pour ne causer aucune friction consciente, même sur mes machines les plus poussives.
Je manque encore de recul sur l'utilisation de ce prompt dans un shell privilégié. Je ne suis pas sûre que marquer l'utilisateur en jaune soit suffisant pour éviter les fausses manip', il faudra voir à l'usage. La marque des répertoires en jaune me marque beaucoup plus que l'utilisateur, et va peut-être suffire pour éviter les erreurs. Les informations de dépôt sont désactivées par défaut dans ces shells, il faudrait que je me pose pour faire une analyse de sécurité sérieuse pour voir si je l'active.
Je ne suis pas super-contente de la façon dont Liquid Prompt s'intègre à ma
configuration.
Pour l'instant j'ai mis le script intégral dans mon dépôt chezmoi,
mais ça ne me plaît pas trop.
Peut-être qu'un script en run_once_
serait plus opportun, mais ça
suppose un accès internet et une stabilité upstream.
Enfin je ne peux pas échapper à la question de la rentabilité de ce changement. Je pense que sur un point de vue purement temporel, le temps que je gagne grâce à ce prompt ne rattrapera jamais le temps investi dans la configuration, même sans compter les sept heures de rédaction de ce billet. Le confort est plus difficile à quantifier, j'ai envie de croire que le gain de confort suffit à justifier les efforts dépensés, mais c'est loin d'être évident. J'en suis presque à me justifier en invoquant l'exercice mental de découvrir de nouvelles choses et secouer ses habitudes.
Ce sont les seules réserves que j'ai pour l'instant, ce qui est finalement assez léger.
Je suis globalement très contente de l'opération.
Publié le 26 avril 2024
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