Assistance informatique

Dès que l'on s'intéresse un minimum au bon fonctionnement d'un ordinateur, on devient rapidement la proie d'un fléau redoutable : l'assistance informatique. Gratuite. Et forcée.

Ça part toujours d'une bonne intention, genre Le pauvre, son ordi' ne marche pas, il pourrait y passer des heures sans avancer, alors que je serais capable d'arranger ça en deux minutes. Alors on rend service, ça donne bonne conscience, on a l'impression d'avoir amélioré l'efficacité globale et en plus d'avoir rendu quelqu'un heureux. C'est souvent comme ça qu'on met le pied sur ce terrain glissant.

Ensuite ça va très vite. Wha elle maîtrise trop l'informatique, ou bien S'il y a un problème, je l'appelle, elle saura sans doute le résoudre. Bref, ça finit par se savoir qu'au moindre petit souci, on devient la personne à aller voir. Avant même de commencer à réfléchir.

Et fatalement, au début on cède. C'est vrai, c'est gratifiant, c'est bon l'égo, et ça rend plein de gens heureux.

Ce n'est qu'ensuite qu'on se rend compte à quel point c'est pénible, ça bouffe le temps, et c'est vain. Vain, parce qu'on crée une logique d'assistanat, ils ne font même plus l'effort de réfléchir ou d'apprendre. Face à au même problème, ils vont encore nous déranger. Il n'y aucun moyen de prévention.

Si on donne du feu à un homme, il aura chaud un jour. Si on lui apprend à faire un feu, il aura chaud pour le restant de ses jours (mais j'aime bien aussi la version de Terry Pratchett, où la deuxième partie est Si on lui met le feu, il aura chaud pour le restant de ses jours.)

Sauf que voilà, c'est déjà trop tard. Parce qu'innocemment on a déjà cédé. Un homme qui a déjà reçu du feu en voudra encore, mais il ne voudra plus apprendre à en faire. C'est vrai, à quoi bon faire l'effort d'apprendre, quand il y a une bonne poire qui donne du feu gratuitement ? (notons au passage que la version Terry Pratchett est encore utilisable)

Un autre effet qui va dans le même sens, c'est l'informatique qui s'autoproclame grand public. Il y a une légende urbaine tenace qui prétend que de nos jours, c'est facile d'utiliser un ordinateur, que c'est accessible à tous, qu'il n'y a rien à apprendre, tout marche tout de suite et tout seul, qu'il suffirait de penser quelque chose pour l'ordinateur l'accomplisse exactement comme on le voulait.

Du coup, tous ceux qui investissent dans un ordinateur n'ont pas l'impression d'avoir à investir un apprentissage avec. Et donc lorsqu'il faut apprendre, ça fait un effet genre ah mais ce n'était pas dans le contrat, moi je ne paye pas ça !

Bref, je ne connais personne qui ait réussi à prendre de la conscience de la situation assez tôt pour désarmocer l'assistanat avant qu'il ne soit trop tard. On a tous cédé une fois, deux fois, dix fois, de sorte qu'il est très difficile de refuser les fois suivantes, identiques au fois déjà acceptées, un peu comme une jurisprudence.

Et donc on accepte encore et encore, jusqu'à devenir officielle une hotline d'assistance informatique gratuite. Et comme c'est devenu normal qu'on réponde à tous les soucis informatique, ça ne rend plus les gens heureux, il ne reste plus que le mécontentement lorsqu'on n'arrive pas à résoudre le problème ou lorsqu'on refuse pour une bonne raison.

Mais il arrive toujours un moment où on ne supporte plus cette situation. Ça commence par des grommellements gentils, par exemple « Ouais maintenant je ne décrocherai plus le téléphone ! », qui ne sont pas vraiment mis en pratique ensuite. J'ai l'impression que mon copain en est à peu près à ce stade.

Parfois on cherche une solution pacifique, en essayant d'expliquer gentilment, calmement et diplomatiquement qu'on a aussi une vie à côté, qu'on a assez de problèmes informatiques chez nous pour ne pas voler ceux des autres, qu'il est temps de se prendre en main un peu dans la vie, etc. Ça donne une jolie odeur d'urine aux instruments à cordes frottées.

Alors on finit par recourir aux solutions non-pacifiques. Laurent l'a joliement illustré en publiant ses tarifs de consultant informatique. Je ne sais pas dans quelle mesure il s'est déjà servi de cette page, en tout cas il est de fait que c'est ce que beaucoup d'entre nous pensent tout bas.

C'est toujours très mal vécu par l'entourage. C'est une trahison. On est coupable de changer ce qui est normal en quelque chose qui leur est monstrueusement défavorable.

Nous somme des traîtes. Des moutons noirs. La honte de la famille. Des criminels de guerre dont les atrocités feraient passer le clonage repoductif combiné à l'eugénisme pour une balade champêtre. Bon, j'exagère peut-être un peu, mais croyez-moi, je sais de quoi je parle.

Ma solution a été des plus radicales : je suis passée à Linux. Je peux dire sans mentir (et sans tomber dans les demi-vérités) que la dernière fois que j'ai regardé sérieusement l'utilisation d'un Windows, c'était le 98, à l'époque où c'était le plus récent.

Votre problème là ? Absoluement aucune idée. C'est peut-être matériel, c'est peut-être logiciel. Je ne connais pas assez bien ce windows pour diagnostiquer ou même essayer de réparer. Si vous aviez Linux, aucun problème, mais là, je ne peux rien faire, je ne connais pas. Désolée.

Et ça marche. Il m'arrive concéder à regarder quand même la situation, mais je n'ai pas besoin de semblant ou exprès pour que l'interlocuteur se rende très vite compte de mon incompétence. Et ça fait depuis des années que l'on ne m'a plus demandé de dépanner quelque ordinateur que soit.

À l'exception bien sûr des quelques postes linux que j'ai pu entretenir, mais le besoin de dépannage est si rare, et les dépannages si faciles et fiables, que c'est très loin d'être une charge.

Et je n'ai même pas honte de laisser comme ça les gens dans leur m*rde. C'est moche, mais c'est ma petite contribution personnelle à (j'espère) la fin prochaine de cette légende urbaine. Les gens qui choisissent d'utiliser un ordinatuer, les gens qui choisissent un système que je ne connais pas, et les gens qui vendent des systèmes pourris n'ont qu'à assumer les conséquences de leur choix. J'ai une solution, utiliser un sytème que je connais, à savoir Linux, et si cette solution ne vous plaît pas, demandez conseil ailleurs, ce n'est plus mon problème.

Traitez-moi de ce que vous voulez, j'ai la conscience tranquille et je ne regrette rien (dans ce domaine).

Commentaires

1. Le jeudi 24 avril 2008 à 9:28, par Cinn :

Moui, j'ai quand même quelques bémols à apporter. Notamment, je ne me reconnais pas dans le portrait de l' "assisté" qui ne cherche pas à comprendre le dépannage qu'on lui propose... Et puis, surtout, qui n'est pas prêt à offrir un service en retour.

Mais promis, je ne te demanderai jamais ce genre de coup de main.

2. Le jeudi 24 avril 2008 à 10:25, par Natacha :

J'imagine qu'il y a toujours des exceptions, d'ailleurs les communautés geek en sont bourrées, ce sont des tas de gens qui s'entraident et qui apprennent de l'aide qu'ils reçoivent (ainsi que de leurs erreurs et de celles de autres).

Cela dit, sans vouloir diminuer ton commentaire, pour ce que j'ai vu depuis qu'on se connaît, je n'ai pas l'impression que cette promesse soit difficile à tenir...

3. Le jeudi 24 avril 2008 à 11:29, par Keeh :

Y a un autre effet de l'informatique "grand public" : les personnes qui demandent de l'aide en étant sur qu'elles s'y connaissent et que donc le problème ne peut jamais, oh grand jamais, venir de ce qu'elles ont fait.
Va corriger les mauvaises habitudes après ça. "Non mais c'est pas normal, je sais très bien comment faut faire, donc c'est fatalement un truc que tu as fais toi [là dernière fois que t'as corrigé une de mes erreurs] qui à causé ça. Cay ta fote !"

4. Le jeudi 24 avril 2008 à 13:04, par _FrnchFrgg_ :

Quand mes grands parents se sont mis à l'informatique (trèèès tôt, mon grand père avait un ordinateur à lui avant que j'en ai un à moi, c'était à l'époque de Windows 3.1 et même pas Word 6), j'ai passé des heures et des heures au téléphone à faire de la maintenance informatique, avec la personne en face qui ne se rend pas compte quand l'écran a changé et qui peine pour trouver le bouton "OK". Ça donnait des conversations du genre "J'ai cliqué mais il ne se passe rien" alors que la boite de dialogue a bien apparu.

Et puis ça s'est calmé tout seul, parce qu'ils ont progressivement appris, et parce qu'il se sont rabattus sur mon frère parce que quand je faisais la maintenance sur place j'allais trop vite pour eux (et ils détestent quand l'écran change à toute vitesse, les boites de dialogues, les menus, zip boum tchak et hop c'est corrigé). Et puis souvent leurs questions c'était plus "comment on fait ça" que "j'ai tout cassé", parce qu'ils n'étaient pas très aventureux, ils ne faisaient que les manips apprises par cœur précédemment.

Maintenant qu'ils sont autonomes, à chaque fois que je viens j'ai ~30 minutes de questions diverses ("J'ai trouvé tel fichier que l'antivirus dit douteux, c'est quoi ?", "L'ADSL se déconnecte quand je ...., tu as pas une solution ?", "J'arrive pas à faire un réseau Wifi en point à point quand untel vient avec son portable pour qu'il ait internet...").

Le plus gros problème que j'ai maintenant, c'est mon oncle, qui est prof de robotique et donc qui s'y connait en informatique, mais en vieux Unix avec des vrais terminaux VT100 en dur connectés par série sur un robot, et qui croit s'y connaitre en Windows. Et à chaque fois qu'il passe chez mon grand père, il fout tout en l'air (pour améliorer les choses), et mon grand père m'appelle au secours après ;)

5. Le jeudi 24 avril 2008 à 16:33, par Catioucha :

J'adoooooore ton billet !

Personnellement je ne suis pas concernée directement mais mon homme est admin réseau et donc il conait bien le soucis. Mon cousin programmeur aussi : il envisage de laisser sur son répondeur un message du style "Si vous appelez pour un soucis informatique, électronique ou autre, pas besoin de laisser de message, sinon parlez après le bip sonore" :-D

Sur l'Archipel nous avons ouvert un sujet coup de gueule pour causer de ça :
http://archipeldesamazones.com/forum/viewtopic.php?t=3456

Je me suis permise de mettre ton billet en lien, ça peut surement sauver des vies ;-)

6. Le vendredi 25 avril 2008 à 21:50, par K :

Et m....
Moi qui cherchait un ou une amie pour me venir en aide lorsque mon PC plante. Je croyais t'avoir trouvé donc j'entretenais patiemment la relation. Et puis paf, voilà cet article qui tue tout les espoirs que j'avais placé en toi.
Bon ben tout triste je suis.
:o)

7. Le mardi 29 avril 2008 à 11:55, par Natacha :

Ah, je suis contente de voir que c'est aussi répendu que je le croyais en écrivant cet article, Cinn m'a fait douter pendant un moment... Merci beaucoup pour ce lien.

Ça me rappelle quand j'ai été désignée volontaire pour m'occuper du site web de l'équipe, et puis lorsqu'on est passé à l'immondice qu'est SPIP, je n'ai pas eu les droits de modification du site, droits donnés par leur directeur du labo', parce que je ne suis pas permanente. Le chef a voulu me faire utiliser son compte, mais j'ai refusé. Un supérieur de mon supérieur m'a nommément et explicitement refusé le droit de modifier le site, je ne vais pas faire de l'usurpation d'identité pour le faire quand même, et j'ai tenu bon face à mon chef (il paraît que j'allais le regretter, mais un an après je n'ai toujours rien vu venir).

C'est à cette occasion que j'ai sorti quelque chose comme : « Vous m'avez donnée cette responsabilité précisément parce que je « m'y connais » en informatique, et quand on s'y connaît en informatique, on a des principes, un compte c'est personnel, on n'y touche pas. Je ne touche pas aux mots de passe des autres, c'est sale. » Nonmaissansblague.

8. Le jeudi 1er mai 2008 à 21:28, par Martin :

Tiens, justement, j'ai dépanné un ami de mon père qui souffre de virus informatiques depuis deux semaines. Depuis deux semaines, il ne peut utiliser son ordinateur. Mon père a tenté de l'aider, mais ses compétences s'étaient avérées insuffisantes. Il a tout de même eu la bonne idée de se procurer une licence logicielle d'un excellent anti-virus. Bref, si je devais y aller, c'est vraiment que d'autres ont essayé avant moi. J'avoue que je me suis suffisamment plaint que mon père ne me demande pas de l'aide en matière informatique pour que maintenant qu'il m'en demande, et en fasse la promotion auprès de ses amis, me fasse ultra plaisir, et surtout me donne ce petit coup de pouce à mon ego dont j'ai besoin ces temps-ci.

Du coup, que s'est-il passé ? Rien de bien méchant, au demeurant. L'ordinateur était infesté de virus, mais rien de bien méchant. En fait, il était infesté de publicités de logiciels anti-virus et compagnie en version d'évaluation qui détectaient quelques virus et autres adwares et réclamaient l'installation de la version payante pour les éradiquer. Le pirate doit donc se rémunérer en affiliation, puisqu'outre ces quelques joyeusetés parasites et anti-parasites imposés, il a installé -- automatiquement -- quelques adwares, de sorte que toute recherche sur un moteur de recherche conduisait sur une page de publicités plus ou moins contextuelles, ou encore des barres d'outils intégrées au navigateur, ainsi que d'autres logiciels dont les installateurs sont commissionnés à l'installation.

Bref, j'ai installé le logiciel anti-virus acquis la veille par mon père, j'ai éradiqué tout ce que j'ai pu, mais cela n'a pas suffi. Aussi, j'en ai installé un deuxième, complémentaire (surtout pas concurrent, ils ne s'aiment pas entre eux, se considérant comme des virus les uns les autres), pour effacer ce qui restait. Et cela plusieurs fois de suite, car il en restait toujours un, de cheval de troie ou autre, qui réinstallait ce qu'on avait éradiqué juste derrière.

Oui, certes, six heures passées à installer, réinstaller, éradiquer, re-éradiquer, vérifier, mettre à jour pour finalement sauver quelques fichiers sans intérêt à mes yeux, mais de si grande valeur pour celui à qui j'ai réussi à rendre l'ordinateur dans un état exploitable.

Une bonne action qui m'a fait autant plaisir qu'à tous les autres, qui m'a permis de voir une personne fort sympathique que je n'ai pas l'habitude de voir, et qui m'aura rendu un peu de bonne humeur dans cette journée plutôt pluvieuse.

Non, il n'y a pas que des mauvais côtés que d'exploiter ses services informatiques pour aides les autres. Certes, je ne passerai pas 6 heures tous les jours à dépanner les amis sans contrepartie, mais une fois de temps en temps, en précisant bien que ce que j'ai appris en plus de vingt ans d'utilisation de l'ordinateur, c'est que c'était lui le plus fort, et tout ce que l'on peut faire, c'est tenter de tripatouiller des petites choses ci-et-là, mais que le résultat n'était nullement garanti, surtout quand ça marche, ça fait un bien fou de rendre service et de se sentir plus utile que d'autres fois ! :)

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  • Publié le 23 avril 2008 à 15h17
  • Dernière modification le 30 août 2011 à 10h19
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