Journal d'une apprentie motarde, leçon n°19

Dans mon retour au plateau avec ma moto à moi que j'ai, j'étais à peu près satisfaite de ce que j'arrivais à faire, à l'exception des freinages d'urgence. À y réfléchir, je me suis dit que j'allais essayer d'y retourner pour travailler ça, parce que c'est quand même une compétence qui peut être utile, et qu'il vaut mieux maîtriser avant d'en avoir besoin.

Le contexte professionnel a fait que je n'ai voulu prendre les trois heures d'une séance de plateau normale, à la place j'ai fait une « leçon » plus courte en arrivant après les élèves et en repartant avant eux.

J'en avais déjà l'impression pendant le voyage d'avant, mais après avoir essayé c'est flagrant : je vais le trajet beaucoup plus vite toute seule que derrière le convoi de l'école, alors que je respecte les mêmes limites de vitesse qu'eux.

J'ai certes beaucoup plus de facilités à dépasser, vu que je n'ai à gérer que l'espace de sécurité autour de ma moto, alors que le convoi doit pouvoir se déplacer en bloc, mais il n'y a pas que ça. Alors que j'ai l'impression d'accélérer et de freiner raisonnablement et tranquillement, ma conduite est beaucoup plus vive que celle du convoi. Du coup je me demande si c'est juste parce que le convoi contient une 125 cm³ ou des gens beaucoup moins expérimentés que moi, ou si je prends plus de risques qu'eux même en tenant compte de la différence de maturité de conduite.

Une fois sur le plateau, j'ai globalement fait des exercices sur le parcours rapide, avec trois pauses sur le parcours lent pour vérifier que je le maîtrise encore, ce qui est le cas.

Il y a eu à un moment un déclic, et le freinage d'urgence s'est mis en place. Et pour une fois, c'est un déclic que je peux mettre en mots, donc je vais le faire.

En gros, quand on tire sur le levier d'un frein avant hydraulique (j'ai jamais connu d'autres sortes), il y a plusieurs régimes :

  1. d'abord seul le levier bouge, c'est la garde,
  2. ensuite le levier entre en prise avec le système hydraulique et fait bouger les plaquettes,
  3. enfin les plaquettes entrent en contact avec le disque, et le freinage commence.

Les sensations tactiles et proprioceptives sont assez différentes :

Je crois que le troisième régime est ce que l'on appelle « point dur », et le Bon Freinage consiste à attendre ce point aussi rapidement que possible, puis relâcher pour éviter de bloquer la roue, comme le ferait l'ABS si on ne le fait pas volontairement.

Or j'ai toujours considéré le troisième régime comme un système binaire, soit on y est soit un y est pas, puisque le levier est à ce point ou n'y est pas (en négligeant la compressibilité des fluides et des solides dans le système freinage. Et c'est faux : même si le levier ne bouge pas, appuyer fort sur le levier freine plus fort qu'appuyer doucement.

Ouais ça a l'air con dit comme ça, mais la plupart des déclics le sont. La vraie question c'est si ces mots ont un sens pour quelqu'un qui n'a pas encore eu ce déclic, ou si je viens juste d'écrire que les monades sont comme des burritos (notez que ce lien parle de déclics plus que de monades).

Bref, avant ce déclic, j'utilisais une force quelconque me paraissant suffisante pour déplacer le levier jusqu'à ce qu'il ne se déplace plus, et je relâchais ensuite un peu ou non suivant l'importance que je donnais au fait de ne pas déclencher l'ABS.

Comme il se trouve que le système de freinage de ma CB500X est beaucoup moins puissant que celui des Z650 de l'école, j'imagine que mon comportement naïf a suffi pour les épreuves du permis, mais suffit plus avec ma moto.

D'un autre côté, en analysant mon freinage après déclic, j'ai senti un déplacement pendant le troisième régime. Il y a peut-être une élasticité non-négligeable quelque part dans le système de freinage. Ou peut-être que depuis le début je me fais avoir par l'épaisseur de mes gants d'hiver, qui absorbent une partie de la force de mes doigts en se compressant, alors qu'avec mes gants d'été j'étais en prise plus directe avec le levier.

Mais comme pour l'obtention du permis, je ne vais peut-être pas trouver beaucoup de courage à disséquer le « pourquoi » maintenant que ça juste marche. Maintenant je sais freiner suffisamment fort pour sentir la fourche se comprimer, et une fois où je suis malencontreusement arrivée dans la zone de freinage à 58 km/h au compteur je n'ai dépassé la ligne que d'une vingtaine de centimètres.

Entre les essais de freinage, j'ai fait plusieurs fois l'exercice d'évitement, avec un taux de réussite aussi mitigé que la dernière fois. Il y a cependant une fois qui m'a marquée, parce que le couloir d'évitement avait soudainement l'air beaucoup plus grand, et l'évitement beaucoup plus facile, exactement comme quand j'ai eu le déclic du parcours lent. Je n'ai malheureusement pas pu retrouver cette sensation dans les exercices suivants, mais du coup je me demande si je ne suis pas au bord d'un déclic pour l'évitement. J'hésite à y retourner encore pour travailler ça…

Dans les discussions entre les exercices, j'ai plaisanté sur mon assurance qui me demande un taux annuel 60 % plus faible pour 2020 que pour 2019, comme si j'étais aussi colossalement moins dangereuse, et l'encadrement m'a dit que c'est une différence de dangerosité plausible, parce que la conduite moto serait beaucoup de déclics, et pratiquer régulièrement améliore sensiblement la maîtrise, ce qui réduit le danger toutes autres choses égales par ailleurs (ce qui n'est évidemment pas toujours le cas, certains utilisent la maîtrise supplémentaire pour affronter des situations plus difficiles, ce qui est un peu mon cas, je n'ai pas encore roulé sur route mouillée, ni combiné plusieurs difficultés parmi la nuit, la densité du trafic, et la route inconnue, mais je finirai par m'y essayer dès que j'aurais assez de confiance en moi).

Commentaires

1. Le jeudi 12 décembre 2019 à 22:04, par tth :

Il y a peut-être une élasticité non-négligeable quelque part dans le système de freinage.

C'est parfois une durite un peu souple qui fait cet effet-là...

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  • Publié le 8 décembre 2019 à 19h31
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