Journal d'une apprentie motarde, leçon n°4

Pour une fois, je n'ai pas repris les exercices directement où je les avais laissés. Le début de la leçon a été mutualisé avec tous les autres élèves sur le plateau, pour voir l'épreuve « poussette » : une marche avant puis une marche arrière en courbe, moteur éteint, et trois vérifications choisies au hasard. C'est la première fois que j'ai touché toute seule à une 700, et je ne m'attendais pas à une telle différence de poids avec la 125. La marche arrière en courbe est suffisamment technique pour donner une perspective complètement différente aux idées de parkings que j'ai pu explorer.

Ensuite, j'étais de retour sur la 125 pour pratiquer la lenteur, qui est l'élément fondamental du parcours lent, ainsi que de la circulation en cas d'embouteillage, de zones pauvres en visibilité, ou de cédez-le-passage.

La technique est théoriquement simple : manipuler l'accélérateur pour monter dans les tours et gagner de l'équilibre par effet gyroscopique, tout en gardant le point de patinage pour transmettre le minimum de puissance aux roues, tout en dosant le frein arrière pour aller encore moins vite.

Bref, pareil que la leçon précédente avec le démarrage au milieu du demi-tour, mais avec le frein arrière en plus.

J'y ai passé la majorité de la leçon, au point d'en avoir mal à la main gauche, avec des résultats mitigés. Cette technique est censée permettre d'aller encore moins vite que le ralenti première, et une section du parcours lent est chronométrée justement pour rendre éliminatoire l'utilisation du ralenti première seul ; or avec tout ça j'étais plus rapide qu'en ralenti première et avec un équilibre moins bon.

Cela dit, j'ai débloqué ma progression assez tard dans la leçon quand j'ai compris qu'il était possible (et nécessaire) de serrer la moto avec les cuisses même pendant l'utilisation du frein arrière, et ça aide beaucoup l'équilibre.

Au passage, j'ai pu constater que j'avais déjà complètement assimilé une partie des commandes. Simplement concevoir « plus vite » ou « moins vite » me fait tourner la poignée dans le sens correspondant sans que je m'en rende vraiment compte, et pareil pour le point de patinage ; alors que le sens dans lequel manipuler le lever d'embrayage pour moduler la vitesse demande encore un effort mental conscient, et il y a des petits soucis d'interfaçage entre les procédures automatiques et les démarches conscientes. Je m'attendais à une certaine assimilation des commandes, mais pas aussi vite ni aussi profondément.

La fin de cet exercice était à base de plots censés matérialiser une série de cédez-le-passage. J'ai eu l'impression de le faire comme un manche, mais ça avait l'air de satisfaire l'encadrement.

Après, j'ai joué un peu sur le demi-tour avec arrêt au milieu, pour pratiquer le côté que je n'avais pas fait avant ; et ensuite trois passages dans le slalom rapide, qui n'ont fait confirmer que je n'arrive toujours pas à prendre des virages aussi serrés.

Ma prestation en patinage a manifestement été assez bonne pour que je tente le retour du plateau vers la moto-école toute seule sur la 125, dans le convoi, avec des consignes claires pour m'arrêter en sécurité si à n'importe quel moment je ne le sens pas.

Et en fait, je l'ai bien senti tout du long, sans panique, alors que j'ai louché une fois sur le compteur qui indiquait 90 km/h. Et en fait, sans aucun stress, même lors de mon seul calage du trajet, et même lorsque je ne trouvais pas la commande du clignotant mais que je osais pas regarder la poignée.

Il restait quand même une trace de ma « claustrophobie routière », car j'étais à la fois trop proche à mon goût de la moto précédente du convoi, par rapport aux distances de sécurité (j'étais en gros une seconde derrière), et trop loin à mon goût, par rapport au quinconce que je crois qu'on est censés former.

Et pendant le tout le trajet, j'avais une alarme mentale qui trouvait anormal de ne pas sentir la pression d'une ceinture de sécurité alors qu'on est en mouvement sur la route.

Enfin l'étincelle que j'évoquais dans la leçon précédente s'est clairement manifestée pendant ce trajet. Je n'ai pas envie d'utiliser le mot « plaisir » alors que je suis encore loin de l'envie de juste rouler en moto pour aller nulle part, mais c'est une émotion positive associée à un moyen de transport. La marche est le seul autre moyen de transport avec une émotion positive associée.

Il reste encore à voir si cette émotion positive se maintient, et si elle est suffisante pour me faire choisir la moto pour un trajet donné malgré tous les éléments négatifs (le danger, l'inconfort des protections, la logistique du parcage, le temps de trajet, etc).

Commentaires

1. Le dimanche 12 mai 2019 à 21:05, par Balise :

J'ai pô grand chose à dire, mais juste pour dire que c'est lu et apprécié ;)

2. Le mardi 14 mai 2019 à 7:47, par Natacha :

J'apprécie énormément cette confirmation que ça a été lu et apprécié. Merci beaucoup !

3. Le mardi 14 mai 2019 à 19:52, par Thierry :

Merci pour ces comptes-rendus très intéressants.

Je ne savais pas que les motards exploitaient l'effet gyroscopique du moteur pour gagner en équilibre à basse vitesse. Par contre, ça ne marche peut-être pas avec toutes les motos (je pense aux motos à moteur longitudinal).

4. Le lundi 27 mai 2019 à 8:06, par Natacha :

J'avoue que c'est encore un peu mystérieux pour moi, le rapport entre effet gyroscopique et équilibre. J'ai vu les équations quand j'étais en prépa', ça m'a convaincue que ça marche, mais c'est comme la physique quantique, je n'ai acquis absolument aucune intuition de ces équations.

En plus pour l'équilibre à basse vitesse, certaines personnes prennent soin d'éviter de parler d'effet gyroscopique, mais s'en tiennent à « masses en mouvement » ou « les pistons qui montent et qui descendent », ce qui pourrait très bien être une façon de ne pas effrayer avec le terme technique « gyroscopique », mais en même temps ça rappelle aussi que dans un moteur pas ou peu embrayé, il n'y a pas tellement de masses en rotation pure, et je serais surprise que les pistons et la réaction du cylindre ne contribuent pas à l'effet-qui-aide-à-tenir-en-équilibre-à-basse-vitesse.

Bref, tout ça pour dire qu'en fait ça me dépasse tellement que je n'ai aucune idée ce que ça changerait pour un moteur longitudinal, et je ressens une certaine frustration de ne pas le savoir.

Donc un de ces jours, je vais me faire un chocolat chaud et aller expliquer à ces équations qui est la patronne, et je bloguerai le résultat s'il n'est pas complètement honteux.

5. Le mercredi 29 mai 2019 à 0:01, par Thierry :

Loin de moi l'idée de te priver d'un chocolat chaud, mais si c'est juste l'effet de l'orientation du moteur qui t'intrigue, il n'y a peut-être pas besoin de plonger vraiment dans les équations.

L'effet gyroscopique peut-être décrit comme étant "la difficulté de modifier la position ou l’orientation du plan de rotation d’une masse tournante" (je cite ce document). Sur une moto à moteur longitidinal, l'inclinaison de la moto ne modifie ni la position ni l'orientation du plan de rotation des pièces tournantes du moteur. C'est pour ça qu'il ne faut pas espérer bénéficier d'un effet gyroscopique du moteur.

Mais on peut certainement tirer des équations plein d'autres conclusions intéressantes... :-)

6. Le jeudi 30 mai 2019 à 10:48, par Natacha :

Il reste encore plein de choses à faire avec un chocolat chaud ;-) J'en ai déjà consommé un rien que pour assimiler l'explication « avec les mains » de l'effet gyroscopique de base (et j'ai particulièrement apprécié la section wikipedia sur Torque-Induced Precession dans cet exercice).

À la fin de mon commentaire précédent, j'étais surtout perplexe devant un « effet gyroscopique » causé par le mouvement linéaire du piston, qui n'est donc pas du tout gyroscopique, mais qui n'est pas forcément anodin sur l'équilibre. Peut-être un effet pseudogyroscopique, au même titre que la « force centrifuge » est en fait une pseudoforce ?

Cela dit, le cas du moteur longitudinal n'est pas réglé, parce qu'effectivement il y a « la difficulté de modifier la position ou l'orientation du plan de rotation d'une masse tournante », mais pour un tel moteur le plan de rotation n'est pas affecté lorsque la moto penche à gauche ou à droite. L'effet gyroscopique serait alors une résistance au lacet et au tangage, en laissant le roulis libre.

Mais s'il y a un effet pseudogyroscopique qui résulte du mouvement linéaire des pistons et du mouvement compliqué des bielles, il pourrait aussi bien s'appliquer aux moteurs longitudinaux qu'aux moteurs transversaux. Ou pas, je suis pas sûre qu'on puisse conclure avec les mains.

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  • Publié le 12 mai 2019 à 17h34
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