Premier d'une longue série

Hier, j'ai reçu dans ma boîte aux lettres un courrier assez particulier : mon offre de travail a été refusée.

C'est la première fois de ma vie que je me fais jeter.

Habituellement je regardais une liste de possibilités trouvée d'une façon ou d'une autre, j'en sélectionne (assez difficilement) deux ou trois, je prends contact avec les personnes concernées, y a de la place, je les rencontre, elles m'expliquent ce qu'elles font, et ensuite j'en choisis une chez qui je vais travailler. Simple et efficace, quoi.

Sauf que voilà, maintenant la fin de mes études s'approche, et j'arrive au stade où il faut chercher un vrai emploi. Et voici le premier refus à une de mes demandes d'emploi. Sans doute le premier d'une longue série.

J'imagine qu'avant ça se passait aussi bien parce que les gens qui avaient à choisir si je pouvais me joindre à eux ou pas n'étaient pas les mêmes que ceux qui me payent.

Quelque part, j'ai été un peu surprise du peu d'effet qu'a eu ce refus sur mon moral ; je m'attendais à ce que ça me démonte plus que ça. En même temps je m'étais déjà bien démontée le moral quelques heures plus tôt avec cette même question de mon avenir professionnel, il ne restait peut-être plus grand chose à démolir.

Genre Welcome to the desert of the real.

Ce qui me dérange le plus dans cette histoire, ce n'est pas tellement le refus, il était si pathétiquement prévisible… Non, ce qui me dérange vraiment, c'est la façon dont ce courrier était écrit. Les phrases diplomatico politiquement correctes, qui tournent autour du pot, voire détournent l'attention, pour camoufler un « non » bête et méchant sans la moindre justification ni information supplémntaire. Un texte tellement immonde que j'ai eu beaucoup de mal à contenir mes sucs gastriques dans mon estomac.

Du coup le sentiment qui m'habitait le plus à la lecture de cette lettre ce n'était pas déception d'avoir été jetée, ni la frustration d'avoir été jetée sans explication, ni une quelconque colère ou un quelconque dépit, ni même la déprime devant l'authentique catastrophe qu'est mon avenir professionnel.

Non, le sentiment dominant à ce moment là, c'était juste le dégoût. Je me suis sentie salie, avilie, d'avoir laissé des gens capables de produire ce genre de lettres s'approcher de mon CV. J'ai presque honte de m'être approchée de leurs recruteurs.

À choisir, je crois que je préfère ce recruteur qui m'a dit en substance « C'est bien t'es gentille gamine, maintenant retourne jouer dans ton bac à sable », avant de me lâcher textuellement : « Je pourrais vous dire que vous pouvez toujours laisser votre CV, mais franchement, ce n'est pas la peine. » Ça fait mal, mais ça a au moins le mérite d'être franc et direct.

Cela dit, après avoir laissé tout refroidir, je me retrouve juste avec un néant en guise d'avenir.

Mais je ne dois pas me laisser abattre par ça. Il faut en profiter pour rebondir et repartir du bon pied, tirer des leçons pour en sortir grandie, et préparer proactivement l'avenir avec … Noooon, au secours, je me mets à parler comme eux, par pitié tuez-moi !

Commentaires

1. Le jeudi 26 novembre 2009 à 22:24, par Cinn :

Heu, dans la vraie vie, la plupart des gens ne prendront même pas la peine de produire un courrier de refus. Ils te laisseront poireauter sans te donner de réponse. C'est mieux peut-être ??

Et puis ceux qui ont conçu la lettre ne sont pas forcément les mêmes que les décisionnaires. C'est un métier de faire des lettres de refus (la plupart des gens préfèrent qu'on leur disent que leur profil est intéressant avant de se faire renvoyer dans leur bac à sable)... alors un peu d'indulgence, d'accord ?

2. Le vendredi 27 novembre 2009 à 17:50, par Natacha :

D'accord.

Et je suis très contente de te voir poster ici à nouveau, mille mercis pour ça \o/

Cela étant, en toute sincérité, oui, j'aurais préféré ne pas avoir de réponse. Ça a au moins le mérite de la franchise quant au respect qu'ils ont envers autrui.

Je me doute bien que ce ne sont pas les mêmes qui décident et qui rédigent ce genre de lettres. Mais ça n'empêche pas le sentiment de dégoût que j'ai éprouvé en lisant ces lignes de rajaillir sur l'ensemble de la boîte. Un peu comme je pourrais pas regarder de la même façon une secrétaire après avoir appris que son employeur fait travailler des enfants en Chine (mais pas à la même échelle, évidemment).

Et franchement, je préfèrerais que les gens dont c'est le métier donnent plus l'impression de savoir de quoi il est question (il n'a jamais été question de stage mais de poste), et beaucoup moins d'hypocrisie ronflante.

Je n'aime pas qu'on me dise que mon profil est intéressant, parce que c'est juste du foutage de gueule en bonne et dûe forme. Mon profil n'est PAS intéressant. Il est hideux. Il ne rentre dans aucune case, et en supposant qu'ils se donnent le mal d'essayer de le faire rentrer dans une case, c'en serait une qui n'a rien à voir avec ce que je demande. Tant qu'ils s'arrêteront au profil, je n'ai aucune chance. Pour espérer m'en sortir il faut que je tombe sur quelqu'un qui me regarde de face, ou au moins de trois quarts.

3. Le samedi 28 novembre 2009 à 6:04, par chris :

Oui bon forcement vu la situation economique en ce moment, y'a pas a se faire beaucoup d'illusion pour trouver un job. Disons que c'est pas le moment d'avoir son diplome. Il vaut mieux rester au chaud pendant un certain temps (par exemple post-doc).

4. Le dimanche 29 novembre 2009 à 10:24, par Schmurtz :

Le marché du travail n'est pas si catastrophique, on peut trouver du travail.

J'ai eu l'occasion d'aller chez un des prestataires de la boite qui fait l'impression/envoi de courrier. Les "déclinés RH" (le courrier édulcoré qui dit non), ça peut aller jusqu'à un millier par jour pour nous (= un groupe de 50000 personnes). Ça a un coût non négligeable, qui montre un minimum de sérieux pour les boîtes qui font un effort d'en envoyer.

C'est juste dommage qu'il ne donne pas de motif (c'est interressant de savoir si on correspond un peu aux attentes, ou pas du tout), ça n'aide pas pour optimiser ses recherches.

Courage, tu arriveras au bout en persévérant : ton profile ne peux pas être "nul". Dans les lettres de motivation et les entretients d'embauche, il y a une part de théâtre : tu es une actrice qui va jouer un personnage qui est toi, mais édulcoré, en bien, avec tes capacités bien affirmées, même si intérieurement tu n'en est pas convaincue à 100%. Les RH font la même chose dans l'autre sens, ne l'oublie pas.

5. Le dimanche 29 novembre 2009 à 12:47, par Natacha :

chris , c'est amusant, tu es la première personne (en plus de tous les recruteurs avec qui j'ai discuté) qui partagent mes réserves quant à mon avenir professionnel…

Schmurtz , il me semble que je n'ai jamais utilisé le mot « nul » pour qualifier mon profil. Il est juste très particulier, à tel point que si un recruteur a une idée a priori du profil qu'il veut, il n'y a absolument aucune chance pour que le mien colle. C'est pour ça qu'en quittant le stand de l'entreprise qui m'a envoyé ce courrier, je savais déjà que la réponse serait négative, puisqu'ils ne jugent que sur le CV.

Tant qu'aucun recruteur se donnera la peine de me rencontrer (ce que j'ai métaphoriquement appelé « regarder de face ») ou de lire une lettre de motivation (« de trois quarts » suivant la même métaphore), je n'aurai aucune chance. Il ne faut pas se voiler la face, c'est moche mais c'est comme ça. À moins que je tombe sur un recruteur qui sache penser "outside of the box", mais plus je vois notre société consumériste plus j'ai du mal à croire que ce soit moins rare que moi.

Bref, il me semble qu'on est d'accord sur ce point.

Cela étant, si arriver au stade de la lettre de motivation ou de l'entretien d'embauche est une condition nécessaire pour que je m'en sorte, ce n'en est hélas pas une condition suffisante : j'aime trop la franchise et je déteste trop l'édulcoration intellectuelle, j'aime trop la précision et je déteste trop l'exagération, et j'ai trop peu l'habitude de parler de moi en termes positifs, pour pouvoir facilement me plier à cet exercice.

Et tout ça, c'est sans compter mes exigeances débiles comme ne pas vouloir gagner moins que mon salaire actuel, ne pas vouloir toucher à du Windows, et être dans un environnement informatique où je puisse me passer de souris.

On verra bien ce que ça donne, mais il me paraît osé d'afficher autant de certitudes sur mon avenir professionnel que j'en ai vu un peu partout (sauf chez chris ). C'est vraiment très loin d'être déjà gagné.

6. Le lundi 30 novembre 2009 à 19:58, par florimond :

Linkedin s'inscrit dans une politique de recherche "active", donc ?

Pour les lettres, je suppose que chaque boîte a un (1) modèle qu'elle daigne distribuer, quand elle répond. Je suis enclin à confirmer les dires de Cinn : dans mes souvenirs de jeune diplômé en première recherche, moins d'un tiers des sollicitations conduisaient à une réponse. Pour obtenir des réponses, il faut harceler.

7. Le mardi 1er décembre 2009 à 11:57, par Natacha :

Une politique « active », oui, je suppose qu'on peut le voir comme ça. Même si en fait vu d'ici ça ressemblait plutôt à une politique « si de là peut émerger le miracle qui va empêcher cette catastrophe que je ne vois pas comment éviter, autant y aller, ça ne coûte pas plus cher qu'un cierge et dix Ave Maria »…

Quant à cette histoire de lettre, je reconnais que je n'apprécie peut-être pas leur geste à sa juste valeur ; mais quand même, me prendre un texte comme ça, ça ne me plaît vraiment vraiment pas. Ça me donne l'impression qu'on me prend pour une conne, et je déteste profondément qu'on me prenne pour une conne.

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  • Publié le 26 novembre 2009 à 14h53
  • État de la bête : découverte de la réalité
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