Journal d'une apprentie motarde, leçon n°10

Pour une fois, la leçon s'est très bien passée. Mais à cause de la leçon catastrophique sans que je sache pourquoi, je n'arrive pas à juste le savourer comme une victoire, je me dis que c'est peut-être juste un jour inexplicablement « avec », sans indication de la présence ou non de progrès pérenne…

Après un voyage aller sans évènement particulier, j'ai été envoyée tout de suite sur le parcours lent. Or la dernière fois j'ai trouvé une différence majeure entre les deux côtés, et comme personne n'a pas précisé quel côté j'étais censée aller travailler, j'ai naturellement choisi de commencer par le côté qui avait le mieux marché, au fond du plateau.

Et à ma grande surprise, ça s'est super bien passé comme ça, à froid.

Alors je suis allée voir de l'autre côté, et ça a presque aussi bien marché…

Bon, on ne va pas se mentir, « bien marcher », c'est un niveau loin d'avoir de bonnes chances à l'examen. C'est plutôt réussir l'exercice en dehors de quelques erreurs mineures dont je comprends l'origine.

C'est une nuance importante, parce que comme expliqué dans l'entrée précédente, la notation est ainsi faite qu'il suffit de deux de ces erreurs mineures » pour avoir une note éliminatoire. Cela dit, il y avait pas mal de passages avec une seule erreur, donc un « B » acceptable, y compris dans les tout premiers passages.

C'est quand même une étape très importante, parce que si ce progrès bien pérenne, je suis dans une dynamique de perfectionnement, ce qui est beaucoup plus facile à vivre que la succession d'échecs incompréhensibles que j'ai connue récemment. Et en plus je n'ai pas besoin d'aide extérieure pour déterminer à quels points faire attention et dans quel sens les travailler.

Ce dernier point est d'autant plus important que ma façon de faire le parcours lent n'est manifestement pas très académique, parce que j'ai très peu recours à l'accélérateur, et je compense l'assistance gyroscopique en brutalisant ma maîtrise de l'équilibre, et en évitant de caler en brutalisant ma maîtrise de l'embrayage. Ça fait un peu trop de brutalité à mon gout, mais compenser une méthode académique en devenant une brute dans deux compétences à la fois plus dures (de ce que je comprends) et plus transférables, ça me correspond assez bien.

Sur le reste de la leçon, j'ai tourné à ma guise entre les exercices du parcours lent, l'évitement, et le freinage d'urgence, et le résultat a été le même : je maitrise en dehors de quelques erreurs mineures et comprises.

Donc à ce stade, j'ai l'impression que si je pouvais juste exécuter tous les points suivants je m'assurerais la note maximale à l'examen :

Évidemment c'est en supposant que j'en suis effectivement là dans mon apprentissage, et que les résultats de cette leçon ne sont pas juste une réussite passagère.

Sous cette hypothèse, ce serait la première fois de ma vie qu'un apprentissage se met en place d'un coup de façon aussi flagrante.

À côté de ça, il y a eu quelques incidents intéressants pendant ce plateau.

D'abord, j'ai percuté un gros insecte (ou un petit caillou, les deux sont étranges par l'absence de trace sur le casque) pendant un exercice à allure rapide, donc à environ 50 km/h. Le gros bruit et l'impact visuel m'ont suffisamment surprise pour rater complètement et dangereusement l'exercice, heureusement qu'il n'y avait personne sur les côtés.

J'ai pu voir au passage que je n'ai pas (encore ?) l'automatisme de freiner sous la surprise, j'ai juste continué sans gaz ; et après avoir récupéré de la surprise (un peu moins d'une seconde et plus de dix mètres plus loin), en voyant arriver le bord du parcours, j'ai fait mon premier vrai freinage de vraie urgence, en déclenchant l'ABS sur les deux roues.

Il faudrait que je puisse me former à cette situation, mais la rareté des insectes ces jours-ci n'aide pas. Je vais probablement compter sur la compréhension a posteriori de cet incident pour espérer éviter la catastrophe la prochaine fois que ça se produira.

À un autre moment, j'étais en train de replacer un cône que j'avais percuté, et en train de repasser le parcours dans ma tête pour analyser mes erreurs, pendant qu'un condisciple dans sa première leçon sur la grosse moto tombait avec sa moto à l'autre bout du plateau, alors que l'encadrement s'occupait d'autre chose et n'avait pas de visibilité sur le condisciple en question.

J'ai donc levé la main bien haut pour attirer l'attention de l'encadrement, avant de faire signe vers le condisciple en difficulté, parce que ce n'était pas moi qui avais besoin d'attention.

En soi, ce n'est pas grand-chose, mais je suis particulièrement fière de ce que ça dit sur mon attention : alors que j'étais tranquillement toute seule sur mon bout de plateau, avec un sujet important en tête, j'avais à peu près autant de raisons que possible de ne pas m'occuper de ce qu'il se passe autour de moi, et pourtant j'avais « en tâche de fond » suffisamment d'analyse pour remarquer l'anomalie et considérer ce que des tiers peuvent voir ou non.

C'est à mon avis une compétence cruciale pour la conduite sur route de n'importe quel véhicule.

Autrement, j'ai fait tomber une fois la moto, je ne me souviens plus exactement pourquoi, je crois que j'ai calé en relâchant trop vite l'embrayage dans un virage à basse vitesse. C'est la première fois que je tombe du côté gauche. La moto a perdu de l'huile à cette occasion, mais nous n'avons pas pu comprendre d'où elle venait ou pourquoi, ce qui est quand même un peu frustrant.

Enfin, j'ai vidé la batterie de la moto, et je n'ai pas pu redémarrer après un calage idiot. C'est probablement à cause du ventilateur électrique qui refroidit le moteur lorsque la moto ne roule pas assez vite, qui a dû beaucoup tourner vu le temps que j'ai passé sur le parcours lent et la chaleur de cette journée.

J'ai ainsi peu voir comment la selle s'enlève pour accéder à la batterie, à quel point c'est serré là-dedans, au point de ne pas pouvoir faire contact entre les pinces d'un booster de batterie et les cosses, et comment démarrer la moto en poussant la moto en descente sans batterie.

J'ai trouvé ça intéressant à savoir, parce que j'avais appris à démarrer une voiture en descente, et je me demandais si la même chose est possible moto, malgré l'embrayage qui limite la puissance que les roues peuvent transmettre au moteur (pour éviter les soucis dangereux de frein-moteur trop fort quand on rétrograde trop vite).

Du coup, une fois la moto redémarrée à grand peine, j'avais évidemment interdiction de caler. Ce qui n'était finalement pas si contraignant, parce que c'était presque l'heure du retour, donc j'ai juste pu faire quelques tours de piste en montant dans les tours, pour commencer à recharger la batterie. J'ai pu constater que cette moto n'a pas de problème pour atteindre 50 km/h en première vitesse, avec encore de la marge avant la zone rouge, mais ce n'est pas très écolo'…

Sur tout le trajet du retour, j'étais hantée pas la peur de caler, même si ça fait très longtemps que je ne cale plus en circulation. Du coup j'ai quand même poussé les petits rapports beaucoup plus qu'à mon habitude, et j'ai été encore plus douce avec l'embrayage. À tel point que j'avais une courbature dans la main gauche en revenant de la leçon, que je sentais encore le lendemain.

Ce qui m'épate le plus, c'est que je n'ai pratiquement pas fait ça consciemment. Cognitivement, j'avais surtout l'inquiétude du calage et la volonté de recharger la batterie ; j'avais encore l'intuition consciente que ça veut dire monter dans les vitesses plus tard pour recharger, rétrograder plus tôt pour éviter le sous régime propice au calage, et adapter l'embrayage à ces rapports pus sensibles. La mise œuvre de ces principes a été complètement automatique, et j'aime beaucoup la fusion des neurones, de la viande et de la machine qui a permis d'arriver à ce résultat.

La moto comme une prothèse cybernétique amovible, en quelque sorte.

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  • Publié le 30 juin 2019 à 19h23
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