Blogoversaire

Je sais que ce n'est plus tellement dans l'air du temps de regarder les URL, mais si vous le faites en passant vous avez peut-être remarqué que mes billets de weblog commencent par un nombre à trois chiffres hexadécimaux, et que le précédent portait le numéro 0FF.

Le présent billet, qui porte le numéro 100, est donc le deux‐cent‐cinquante‐sixième dans ma numérotation. Ça reste un nombre rond, quoiqu'hexadécimalement, et c'est l'occasion de se poser et de partager mes pratiques bloguesques, telles qu'elles se sont stabilisées après plus de quinze ans de blogage.

Le cas du vrac

Je vais commencer par évoquer le cas des billets de liens en vrac parce qu'il est dans la zone floue de mon sujet, un peu billet de weblog mais pas complètement non plus.

Le billet En vrac (1 ?) est clairement bloguesque, car en plus de m'essayer à l'exercice je commente dessus, et je donne des tenants et des aboutissants. Il a le numéro 0CE (deux-cent-six).

À partir du billet En vrac 2 il n'y a plus que le tas de liens, mais je lui ai encore attribué un numéro (0D1, soit deux-cent-neuf).

J'étais tiraillée entre la tradition bloguesque, qui consiste à mettre ça dans son blog dans un billet comme un autre ; ma ligne éditoriale, qui met dans le weblog toutes les informations qui « périment », comme un journal, qui a formé le mot « weblog », alors que le reste du site contient des choses plus intemporelles, ou du moins dont l'intérêt pour les gens-du-futur et les gens-du-présent est similaire ; et mon intuition que c'est un exercice trop différent du reste de la rédaction de weblog pour vivre dans la même partie.

À partir du billet En vrac 3 j'ai adopté le compromis de les laisser dans le « dossier » du weblog, mais sans leur attribuer de numéro (ni de fichier dédié dans l'espace de stockage).

Pour honorer cette ambigüité, je vais soigneusement glisser ce problème sous le tapis et confondre allègrement les ensembles différents que sont les billets sous le dossier weblog et les billets rédigés dans une intention bloguesque.

L'espace et le temps

L'évolution la plus flagrante depuis l'ouverture de ce site début 2009, c'est la diminution du rythme de publication, depuis le foisonnement bloguesque de 2009, jusqu'à un plancher à un billet par mois depuis 2014, à quelques exceptions près.

Graphe du nombre de billet publiés chaque
mois

Le plancher est facile à expliquer : il évite le « trou disgracieux dans les archives » que j'évoquais en passant dans les billets 0A9 et 0F6.

Le logiciel que j'utilise comme moteur de weblog gère les archives comme des tags, et les tags n'existent qu'implicitement quand une page s'en sert. Donc si je ne publie pas de billet pendant un certain mois, ce mois n'apparaît pas du tout dans le cadre « Archives » juste à droite du billet.

Le dernier trou dans les archives remonte à 2014, qui contient par exemple des idées en vrac sur la lecture, et le cadre « Archives » passe directement de « Septembre 2014 » à « Juillet 2014 » et de « Mars 2024 » à « Janvier 2014 ».

Je n'ai pas encore eu l'impression de devoir aller jusqu'à produire du filler juste pour tenir le rythme mensuel, j'ai toujours eu assez de choses à dire. J'aime croire que le jour où je n'aurais vraiment rien à dire j'aurai le courage d'accepter le trou dans les archives, ou de corriger le moteur de blog pour afficher explicitement les mois vides, plutôt que de recourir à des contenus que moi‐du‐futur ou copie‐imaginaire‐de‐moi‐qui‐ne‐me‐connait‐pas trouveraient inintéressants.

En revanche, la deadline de fin du mois a un net effet déclencheur de billets, et l'immense majorité de mes billets, celui-ci compris, sont publiés en fin de mois.

J'aime bien cette façon d'équilibrer mon emploi du temps entre la relativement faible importance que l'entretien de ce weblog a dans ma liste de priorités et la continuité de cet entretien.

Parallèlement à ce ralentissement, il y a une inflation exponentielle de la taille des billets :

Graphe du nombre de mots de chaque billet en fonction de sa
date de publication

Je triche un peu, j'avais déjà fait ce constat il y a deux ans, et David Madore a constaté la même chose chez lui, au point de se demander si c'est un phénomène généralisé.

J'imagine qu'il y a, au moins chez moi, un parallèle inverse dans la diminution de la fréquence des commentaires. Je n'ai honnêtement pas le courage de sortir des nombres pour regarder un graphique, car je ne suis pas complètement isolée émotionnellement des preuves que mes écrits sont lus.

Je ne sais pas trop à quel point ces mesures de commentaires indiquent quelque chose sur le nombre d'humains qui me lisent. J'imagine que l'éviction des blogs par les rézosocio et le mépris général envers les commentaires diminuent leur envoi à lectorat constant, mais je ne me rends pas trop compte de l'impact direct des rézosocio sur la quantité de lectorat bloguesque, surtout pour un weblog comme le mien.

Ciblage

À l'époque de l'ouverture de ce site, c'est-à-dire avant la fin de la grande période des blogs, c'était avant tout un moyen de communication avec un groupe plus ou moins amical, une sorte de salon numérique persistant et asynchrone.

C'est ainsi que dès les débuts de ce weblog, forte des itérations précédentes, je le voyais déjà comme une façon pratique (pour moi) et efficace (pour les lecteurs qui s'en donnent la peine) de donner des nouvelles à ceux qui se considèrent comme (numériquement) proches de moi.

Je ne me souviens plus exactement à quel moment j'ai commencé à écrire pour moi‐du‐futur en plus d'écrire pour les proches‐du‐présent, car ce glissement est trop assimilé et intériorisé pour que j'arrive à retrouver mon état d'esprit précédent. J'aimerais beaucoup savoir si j'ai développé cette cible secondaire par imitation de David Madore ou si je l'ai fait indépendamment, peut-être après vécu la déception de ne pas retrouver assez de moi‐du‐passé dans mes archives. Même si je ne vois pas du tout ce que je ferais de cette information.

Aujourd'hui, et depuis plusieurs années, je n'arrive pas à me défaire de l'impression de publier dans le désert. Je ne sais pas trop dans quelle proportion il s'agit d'autodévalorisation de base et de doutes légitimes, et cette impression est d'autant plus douteuse qu'elle évacue la question de combien de personnes il faut pour qu'un lectorat cesse d'être un désert. Est-ce que ça changerait quelque chose si j'étais lue par une seule personne ou par trente ?

Bref, malgré tous les défauts de cette impression d'avoir perdu mon lectorat, sans l'aura de moi‐du‐futur qui trouverait peut-être avec joie des traces d'un état d'esprit disparu depuis longtemps, je pense que ce weblog aurait déjà périclité il y a plusieurs années.

J'espère que cet aveu ne va pas causer trop de sentiments négatifs dans (ce qu'il reste de) mon lectorat. Ça fait longtemps que je ne suis plus en train de projeter des choses vers vous dans l'espoir de faire naître des étincelles de joie, je ne fais plus que vous proposer une place dans mon wagon sur les montagnes russes de ma vie, peu importe ce que vous y trouvez.

La fabrique de saucisses au blog

Si on regarde de plus près mon processus de fabrication de billet de weblog, il faut reconnaître que ce n'est pas joli-joli. C'est généralement l'équivalent textuel de la vidéo face caméra téléversée sans montage.

Il y a évidemment quelques exceptions, mais j'ai du mal à en trouver en cinq minutes en dehors des inventaires et quelques jouets.

La seule chose qui fait que mes billets ont un peu plus de structure que les flux de conscience qu'on rencontre parfois sur certains supports, c'est qu'ils sont conçus loin du clavier, dans un coin de ma tête où les concepts sont forgés et assemblés sans les contraintes d'une langue, et une fois devant mon vim préféré je ne fais plus que sérialiser (et souvent étoffer) cette construction mentale.

J'ai prévu un article de natologie qui développe cette idée, mais comme ça fait trois éternités et demie qu'il mijote et il n'est toujours pas cuit, je le résume à la hache ici un paragraphe.

La conséquence concrète est que la grande majorité de mes billets ne sont pas vraiment relus. J'essaye toujours de relire, par principe, même si je sais pertinemment que le plus souvent je me remémore ce que j'ai voulu écrire au lieu de relire ce qui est effectivement écrit.

J'imagine que ça ne vous surprendra pas, vu toutes les coquilles qui persistent dans toutes les pages du présent site. (Et le fait qu'elles servent de « preuve d'humanité » dans cet internet pollué aux LLM ne va pas améliorer la motivation pour les corriger.)

Ce qui m'embête un peu, c'est que j'ai l'impression de plafonner depuis longtemps dans cet exercice. À force de faire toujours pareil, écrire un billet de plus ne me donne plus l'impression de me faire progresser en écriture.

Ce n'est pas un mal tant que je me satisfais des bénéfices d'avoir un nouveau billet sans le bénéfice de l'avoir écrit, mais si je peux bénéficier des deux ça m'intéresse. Et ça m'intéresse d'autant plus que la communication écrite est une partie importante de ma vie professionnelle et de ma vie personnelle en dehors de l'entretien d'un weblog, et encore plus fort depuis que j'ai lu les opinons de Dan Luu sur l'écriture.

J'adorerais pouvoir utiliser mon temps de blogage comme un temps de perfectionnement à l'écriture, mais je n'arrive pas à imaginer de façon d'y arriver sans un investissement initial prohibitif et très risqué. Je suppose que je peux profiter de ce billet pour faire un appel au public, tous les conseils seront bienvenus (mais pas forcément suivis).

Conclusion

Je ne sais pas trop comment finir ce billet, alors j'ai demandé à ChatGPT, et sa réponse ne rend pas optimiste sur la contribution de LLMs à ce weblog (ou rend optimiste sur la persistance du texte 100 % humain).

Il suggère de parler de mon développement personnel grâce à ce weblog, et j'ai immédiatement rejeté l'idée, même si en vrai il y en a peut-être eu et je suis juste mal placée pour la percevoir.

Autrement, il parle ou suggère de parler d'engagement, de croissance, et de communauté, qui semblent être complètement dans l'air du temps sur les « gros » sites (voire les sites « réussissent » ?), mais qui sont à l'inverse de ce qui arrive sur le présent weblog, et même ce que je souhaite à ce site.

Certes, je ne serais pas contre avoir ce que ces mots désignent littéralement, mais je suis opposée à leur érection en tant que valeurs, ou même comme objectifs. Ou au moins aux pratiques généralisées ces jours-ci qui revendiquent ces valeurs ou objectifs.

Donc sans vouloir tourner le dos au conseil de finir sur une phrase pleine de possibilités, j'aime bien la niche dans laquelle ce site se retrouve enfermé, et je n'ai pas tellement l'intention d'essayer d'en sortir.

Commentaires

1. Le lundi 30 septembre 2024 à 22:07, par Balise :

Eh ben, joyeux blogoversaire :)

2. Le lundi 30 septembre 2024 à 22:45, par Gro-Tsen :

Maintenant je regrette de ne pas avoir pensé à numéroter mes billets de blog en hexadécimal. 😖 Mais je remarque que, comme moi, tu as commis l'« erreur » de commencer la numérotation à 1, et je me demande du coup s'il ne faudrait pas plutôt célébrer le numéro 101 (hum… pas clair… ceci demande une réflexion très approfondie).

3. Le mardi 1er octobre 2024 à 13:31, par Natacha :

Balise, merci beaucoup

Gro-Tsen c'est amusant parce que pendant ces quinze ans, j'ai plusieurs fois regretté l'hexadécimal, quand j'aurais pu avoir une meilleure densité avec la base 32 (la plus grande puissance de deux sans mélanger les casses), la base 36 (histoire de secouer un peu l'hégémonie des puissances de deux alors que trois est presque aussi bien), ou la base 64 (qui maximise la densité dans les encodages courants, et que j'ai trouvé fort opportun pour encoder les dates, par exemple dans les ancres qui identifient les commentaires).

En revanche je ne regrette pas du tout d'avoir commencer à un, parce que c'est un ordinal plus qu'un numéro, mais je suis peut-être biaisée par mon côté adaïste.

Et quelle que soit la numérotation, ce billet reste le 256ème, ce qui me semble mériter célébration ; de la même façon que les anniversaires se fêtent pendant le 365ème ou 366ème jour de l'année de vie. Ce qui n'empêche pas de célébrer aussi le 257ème billet, qu'il soit numéroté 100 ou 101 ; de la même façon que le Nouvel An se célèbre au premier jour de l'année. Je n'ai pas prévu de le faire juste parce que ça me donnerait trop l'impression d'être un filler.

4. Le jeudi 3 octobre 2024 à 0:48, par Jean Abou Samra :

Bonjour, en tant que lecteur arrivé récemment, je me permets une petite remarque au sujet de :

Aujourd'hui, et depuis plusieurs années, je n'arrive pas à me défaire de l'impression de publier dans le désert.

En arrivant sur ce site, je n'ai pas tout de suite compris qu'il y avait un weblog actif, parce que le lien est en tout petit en haut, alors que la place principale est prise par la date du jour et par une liste d'annonces dont la dernière remonte au 1er janvier 2017 (ce qui donne l'impression que le site n'est plus mis à jour depuis des années). J'ai aussi été un peu dérouté par la mise en page qui change beaucoup avec la largeur.

Il y a un peu la même chose avec les commentaires sur la page générale du blog https://instinctive.eu/weblog/. Le lien vers les commentaires est en tout petit, et quand on défile à travers la page pour voir ce qu'il y a, comme il n'y a pas de séparation visuelle très nette entre les entrées, c'est facile de le rater.

Dernière chose, il serait utile d'avoir une page listant tous les billets, sans quoi aller voir ce qu'il y a d'intéressant dans les archives du blog est assez pénible (cliquer sur la page de chaque mois…). Finalement, j'ai trouvé ce blog beaucoup plus utilisable en flux Atom.

À part ça, joyeux blogoversaire !

5. Le jeudi 3 octobre 2024 à 0:50, par Jean Abou Samra :

En revanche je ne regrette pas du tout d'avoir commencer à un, parce que c'est un ordinal plus qu'un numéro

Mathématiquement, les ordinaux commencent bien à zéro 🙂

6. Le jeudi 3 octobre 2024 à 19:32, par Natacha :

Jean Abou Samra merci beaucoup pour ces remarques sur le blog ! À force d'avoir sous le nez la même chose pendant plus de 15 ans, c'est difficile de se remettre dans la peau de quelqu'un qui le découvre pour la première fois.

J'imagine que la page d'accueil pourrait être remplacée par les listes des derniers ajouts et billets, avec peut-être la date de publication à côté de chacun. J'essayerai ça prochainement.

La page générale a peut-être aussi mal vieilli, à l'époque c'était la tradition d'avoir la concaténation des n billets les plus récents en guise de page générale.

Il y a bien une liste générale de tous les billets mais elle manque peut-être de découvrabilité.

Je ne sais pas trop si en 2024 il y a encore des gens qui « vérifient » des blogs en chargeant directement la page générale pour y lire les derniers billets. J'essayerai peut-être d'interroger les logs là-dessus, mais j'ai peur de trouver plein de trafic sans savoir si c'est de l'humain ou du bot. Je risque donc de mettre l'archive général plus en évidence plutôt que de la mettre en page générale.

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  • Publié le 30 septembre 2024 à 20h31
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