Alpha and Omega (0 à 6), de Patricia Briggs

Alpha and Omega est une série de livres dérivée (spin-off) des Mercy Thompson, par la même auteure. Comme j'ai beaucoup aimé la série principale, surtout à partir du troisième tome, je n'ai pas pu résister à la tentation de voir autre chose de la même auteure dans le même univers. Et je n'ai pas été déçue.

Cette série raconte les aventures du couple formé par Charles, évoqué dès le premier tome de Mercy Thompson, et qui est un loup-garou pas alpha (contrairement à ce que pourrait suggérer le titre) mais le « bras armé » du Marrok (le grand chef de tous les loup-garous du continent nord-américain), et par Anna, qui est un loup-garou oméga, une sorte très rare de loup-garou qui est en dehors de la hiérarchie de la meute.

Contrairement aux autres séries de fantaisie urbaine que j'ai lues ces dernières années, où on suit uniquement le point de vue du personnage principal féminin, dans cette série on change régulièrement de point de vue, généralement en alternant entre les deux personnages du couple principal, mais parfois en insérant aussi encore un autre point de vue.

J'aurais dit a priori que c'est un choix dangereux, surtout avec ce que j'ai lu en témoignages sur la difficulté de sonner juste dans le genre opposé. Je n'ai pas vu la moindre faille dans aucun point de vue, les personnalités sont bien différentes et tout me semble cohérent. Je ne suis cependant pas forcément très forte pour détecter ce genre de problèmes.

Cela dit, souvent j'aime beaucoup les jeux dans cette série sur le décalage entre le point de vue d'un personnage et l'interprétation de ses actions par les autres personnages. La variation de point de vue me semble apporter beaucoup aux histoires de cette série.

Cette série dérivée a été lancée par une nouvelle, qui est pourtant indispensable à l'histoire. Du coup le premier tome, Cry Wolf, n'est pas le début de la série. Il y a une espèce de « tome zéro » qui est la nouvelle en question.

Alpha and Omega (T. 0)

La série commence donc avec une nouvelle, qui présente surtout Anna et Charles, tout en finissant de résoudre l'intrigue principale de Moon Called, le premier tome de Mercy Thompson.

J'y ai retrouvé tout ce que j'aime dans la série Mercy Thompson, avec comme dit en introduction la nouveauté rafraichissante des changements de point de vue et d'avoir un point de vue masculin.

Anna est un personnage cassé, et cette nouvelle était pas loin de la limite de ce que je peux supporter dans ce domaine. Le point de vue de Charles a aussi eu le rôle utile de faire des pauses dans la glauquitude, et je ne sais pas si j'aurais supporté sans. Je pense qu'il y a aussi la façon de présenter le traumatisme qui a aidé aussi.

Bref, tout ça c'est dur, et j'ai habituellement très peu confiance sur le développement de ce genre de personnage. Si je n'avais pas déjà lu ce dont Patricia Briggs est capable, je n'aurais pas continué la série, et je ne suis pas même pas sûre que j'aurais fini la nouvelle.

Autrement, sur la nouvelle en elle-même, j'ai trouvé très frustrant le peu de choses qui ont été résolues, par rapport au nombre de nouvelles choses lancées. C'est tellement efficace pour lancer une nouvelle série que je crois que je en aurais mal vécu la lecture en tant que simple nouvelle indépendante, comme il y en a tellement dans Shifting Shadows. Je ne sais pas trop comment exprimer ça, mais sans les tomes suivants, je ne trouve pas que cette nouvelle apporte suffisamment pour justifier l'investissement personnel dans sa lecture.

Cry Wolf (T. 1)

Le premier tome de cette série se déroule immédiatement après la fin de la nouvelle Alpha and Omega, et montre les premiers pas du couple nouvellement formé dans la meute d'Aspen Creek.

Je ne sais pas si je divulgâche en disant que les alternances de points de vue de la nouvelle se retrouvent dans ce tome. Quand je l'ai lu, je me suis demandé pendant de nombreuses pages si j'allais avoir droit à l'alternance, ou si le passage en tomes signifiait revenir au point de vue unique que j'ai trouvé dans toutes les autres séries.

Comme je n'ai pas l'impression d'avoir gagné quoi que ce soit à voir cette incertitude durer, j'ai supposé que ce n'est pas du divulgâchis et je l'ai mis dans l'introduction.

Contrairement à la nouvelle, j'ai beaucoup aimé l'histoire dans ce tome, mais je soupçonne que c'est juste une question de place disponible dans un livre, qui permet à la fois de construire le monde, de développer les personnages, de lancer et résoudre des intrigues secondaires, tout en ayant une histoire principale suffisamment profonde à mon goût.

En particulier, j'ai beaucoup aimé le développement de Bran et celui d'Asil.

Si ce n'est que le crédit sur Mercy Thompson qui m'a fait lire la nouvelle et lancée dans le début de ce tome, c'est bien la qualité de cette histoire et de des deux personnages qui me fait adopter la série. Même sans Mercy, je suis déjà conquise par ce tome.

Hunting Grounds (T. 2)

Le deuxième tome de la série se place quelques mois après le précédent, et continue sans surprise sur le format posé précédemment, avec une nouvelle aventure et une évolution des personnages.

De base, j'ai beaucoup aimé ce tome, comme le précédent et les derniers Mercy Thompson, pour les mêmes raisons, donc je ne trouve pas grand chose d'à la fois positif et nouveau à dire. Je saluerai juste en particulier l'intégration du mythe arthurien dans ce monde, et le who dunnit qui a bien marché pour moi.

Par contre je ne peux m'empêcher de remarquer que la « réparation » progressive d'Anna l'éloigne de moi, ce qui nuit à la projection dans ce personnage (qui est ce que je recherche dans la lecture. À tel point que sur la fin je me retrouve autant dans Charles que dans Anna. Mais pas suffisamment (pour l'instant ?) pour que ça nuise à mon appréciation du tome et de la série.

Fair Game (T. 3)

Contrairement aux tomes précédents, qui étaient assez proches dans le temps, ce troisième tome se passe longtemps après. D'après la timeline officielle, il doit y avoir à peu près un an et demi, et il y a surtout cinq tomes de Mercy Thompson.

Du coup, l'univers et les personnages ont évolué pendant qu'on avait le dos tourné : les loups garous ont annoncé leur existence au grand public, les règles sont devenues plus strictes pour ne pas faire peur audit grand public, donc Charles a plus de boulot et il n'est plus convaincu de la justice des morts qu'il cause, et ça le ronge de l'intérieur.

Et aussi, pendant ce temps-là, Anna n'est pratiquement plus « cassée ». Pour confirmer la tendance évoquée au tome précédent, je ne me retrouve pas très bien dans cette Anna, et plus dans Charles et ses tourments actuels. Ça n'entame pas (encore ?) mon appréciation du tome et de la série, mais je sens grandir le risque que ça ne se passe aussi bien par la suite.

En dehors de ça, je n'ai trouvé que du bon dans ce livre : j'aime beaucoup l'histoire, la dynamique des rapports tendus entre les différents personnages obligés de coopérer, l'arrivée progressive des éléments les uns après les autres, le travail que fait Charles sur lui-même, le bouquet final de l'intrigue, et les dix dernières pages que je ne vais pas divulgâcher mais qui sont vraiment géniales.

Dead Heat (T. 4)

Après le trou temporel entre le deuxième et le troisième tome de cette série, le quatrième ici a un intervalle raisonnable avec le précédent.

Je crois que c'est le premier tome de cette série dans lequel je n'ai pas l'impression de voir les personnages évoluer. Le passé de Charles est un peu développé, et il change un peu sur un point en cours de route, mais j'ai trouvé ça très superficiel et finalement assez peu engageant par rapport à ce que cette série m'a fait suivre par le passé.

Sur un autre point, dans son commentaire introductif sur ce tome, l'auteure nous avoue être très fan de chevaux, et s'en est servie pour planter le décor du tome.

Il y a des auteurs excellents qui arrivent à faire adhérer un lecteur à n'importe quel thème, quelles que soient les affinités préalables du lecteur au thème en question. Aucun exemple ne me vient à l'esprit, mais il y en a, c'est sûr.

Ce n'est pas de l'écriture, donc ça ne compte pas vraiment, mais quand j'avais un copain fan de formule 1, je m'intéressais sincèrement aux détails techniques de ce sport mécanique, et c'est complètement retombé quand j'ai arrêté de le voir. J'imagine très bien la même chose arriver dans un livre.

Je n'ai absolument aucune affinité pour les chevaux ou pour ce que les humains en font. Et je n'y ai pas plus accroché pendant les parties de ce tome qui en traitent. Alors que j'ai énormément accroché (autant que d'habitude) au cœur de l'intrigue.

Je me suis retrouvée dans l'ignorance complète d'Anna, mais elle était clairement plus intéressée que moi par ces histoires. Tant mieux pour elle, et tant pis pour moi, je suppose.

En dehors de ces histoires chevalines, j'ai donc apprécié ce tome autant que les autres tomes de Patricia Briggs, et je vais attendre avec impatience (et manifestement pour un bon bout de temps) le prochain tome.

Burn Bright (T. 5)

Je ne me souviens plus trop à quoi je pensais en écrivant mes impressions du tome précédent, mais j'en étais restée depuis longtemps au fait que j'accroche beaucoup moins à cette série qu'à Mercy Thompson, parce que depuis qu'Anna est beaucoup moins « cassée » je me projette beaucoup moins facilement dans ce personnage.

J'ai lu ce tome pour la première fois il y a un an et demi, et c'est peut-être lui qui a scellé cette impression. En tout cas je n'en ai pas gardé un souvenir très détaillé, juste que c'est sympa' mais sans plus, et les points les plus marquants de l'évolution de l'univers. J'ai trop rapidement oublié pour pouvoir écrire une critique raisonnable, et j'ai laissé la situation telle quelle.

Je suis (relativement) récemment tombée sur page GoodReads de ce tome, et j'ai été très surprise de tomber sur des commentaires violemment négatifs à propos d'une certaine conversation, d'incohérences dans l'univers et dans certaines actions, alors que rien de tout ça ne m'avait marquée. Du coup je me suis décidée à le relire.

Forte de cette relecture, je ne peux que confirmer que j'accroche moins à ces personnages, mais ça reste une lecture très agréable.

J'aime particulièrement l'intrigue qui est en train de se lancer entre ce tome et Storm Cursed, et je n'aurais probablement pas fait le rapprochement entre ces tomes sans cette relecture. Je salue l'intégration d'un nouvel arc et le développement de l'univers alors que c'est le quinzième tome. Les Wildlings sont intéressants, et la révélation si tard de leur existence reste raisonnable ; et le dévoilement progressif des pouvoirs des sorcières et de leurs machinations colle très bien avec la place qu'elles occupent dans l'univers.

Et pour ce qui est des fans horrifiés sur GoodReads, je me vois obligée de leur donner raison. Le passage qui leur pose problème a de quoi pourrir toutes ces séries pour moi aussi. Par chance, il semble que mon esprit a juste décidé que ça ne compte pas, et funny reste parfaitement innocent et paternel. Exactement comme l'incohérence de refuser un ordre.

Je crois donc que je vais continuer à faire semblant que ça n'est jamais arrivé dans le « canon », en espérant que le mécontentement des fans soit suffisant pour que ces questions restent au placard.

Wild Sign (T. 6)

Avec les sorties annuelles dans cet univers, j'ai à chaque fois l'impression d'y revenir après une très longue pause. Pour me remettre dans l'ambiance, je relis ce que j'ai écrit sur les tomes précédents.

Et donc forcément, je suis retombée sur les problèmes de cohérence et de dégueulasserie que j'aurais bien laissés où ils étaient.

La bonne nouvelle, sans divulgâcher, est que ces problèmes sont complètement passés sous silence dans ce tome, donc je peux continuer à faire semblant de ne pas les avoir vus et apprécier au mieux ces livres.

Et il y avait de la matière à apprécier dans ce livre, même si je reste plus loin des personnages principaux que de Mercy. J'ai beaucoup aimé la dynamique de couple entre Anna et Charles, et cette dynamique est agréablement mise en valeur par l'alternance des points de vue. Par contraste, je suis moins fan d'Adam et de sa relation avec Mercy, c'est ma projection dans Mercy qui porte tout pour moi.

L'histoire est lancée par le FBI qui signale la disparition d'un village entier qui squatte dans un terrain appartenant aux loups garous. Anna et Charles sont complétés par Tag pour aller voir ce qu'il se passe sur place.

J'ai beaucoup aimé le côté « CSI » dans la première partie de l'histoire, avec les trois personnages qui essayent de reconstituer ce qui a pu se passer en rassemblant des indices comme des pièces de puzzle qui ne vont pas complètement ensemble.

Je ne veux pas divulgâcher la suite, mais le surnaturel reprend progressivement l'ascendant sur l'enquête, de façon qui m'a plu.

J'ai aussi beaucoup aimé les effets de distorsion magique de point de vue. L'auteure a déjà fait ses preuves dans le point de vue subjectif et distordu d'une victime, et ça marche toujours aussi bien sur moi, et les alternances de point de vue arrivent à la fois à rendre la situation moins pénible (pour quelqu'un comme moi qui se projette) et plus profonde (par les émotions causées par la vue de quelqu'un dans cet état).

J'ai beaucoup aimé le développement de Tag. Celui de Leah et de Bran m'a nettement moins touchée, j'ai aimé mais sans plus, mais il semble que ça a beaucoup plu à pas mal de monde.

J'ai bien aimé le développement de l'univers, au haut niveau habituel pour cette série.

Mes impressions très largement positives ne sont tempérées que par deux points un peu moins reluisants.

D'abord l'auteure décrit en longueur la passion d'Anna et Charles envers la musique, et je ne l'ai pas du tout ressentie. Un peu comme pour les chevaux dans Dead Heat. Et à l'inverse des tours de pièce dans American Gods et de la plongée dans 66 Meters, qui sont des livres auxquels j'ai moins accroché dans l'ensemble mais dans lesquels j'ai été contaminée par la passion du narrateur.

Et puis il m'a manqué une certaine tension dans les passages les plus dramatiques, comme si on m'avait divulgâché que tout le monde s'en sort indemne. Je ne vais pas dévoiler si c'était à tort ou à raison, mais je n'ai pas eu l'impression de danger de mort ou de conséquences à long terme, alors que l'histoire a ces enjeux.

J'imagine qu'il est logique d'attribuer un bouclier scénaristique à Anna et Charles, mais des personnages principaux de ce monde ont déjà été durablement traumatisés, et l'ajout de Tag à l'équipe d'enquête lui donne quand même une chemise rouge.

Je ne sais pas trop pourquoi je n'ai pas ressenti cette tension, mais elle m'a manquée.

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