Murderbot Diaries (1 à 6), de Martha Wells
Murderbot Diaries est une série de nouvelles et de livres écrits par Martha Wells, qui racontent les aventures du robot en question, qui est construit pour tenir le rôle d'agent de sécurité, dont le module de gouvernance est en panne, ce qui lui donne un libre-arbitre complet, mais qui préfère utiliser ce libre-arbitre pour regarder des séries plutôt que tuer des gens.
J'ai vu passer cette série en premier chez Balise, mais sa description ne m'en a pas spécialement fait envie. Je l'ai vu ensuite une deuxième fois dans les recommandations des lectures du blog d'Ilona Andrews, avec des descriptions qui m'ont beaucoup plus tentée (et pourtant ma tentation était déjà bien émoussée par ce thread avant d'y arriver), et les descriptions plus approfondies que j'ai spécifiquement cherchées ensuite ont achevé de me convaincre.
Ma curiosité a été particulièrement piquée par les discussions autour du
genre du narrateur. C'est un robot intrinsèquement sans genre (on laisse ça
aux fuckbots), et il paraît que la série ne contient aucun indice de
genre, au point que le genrage soit purement le fait du lecteur. Du coup
j'ai ressenti le besoin de faire ce test Marie-Claire de l'été pour
voir comment je me situe.
All Systems Red (T. 1)
Cette première nouvelle nous présente le narrateur et personnage principal, auto-dénommé Murderbot, qui est une construction organique et inorganique (genre un robot avec des bouts qui repoussent et au point de pouvoir passer pour humain avec des habits), et qui est un agent de sécurité juste assez médiocre pour garder son poste et occuper son temps libre à regarder des séries vidéo et lire des livres. Et quand les choses commencent à mal tourner pour les humains de son groupe, il doit arrêter de faire un boulot médiocre, et tout s'enchaîne…
Je n'ai pas tellement l'habitude du format nouvelle, par rapport aux romans que je lis le plus souvent, donc je suis peut-être injuste envers cette histoire à cause du faible volume imposé par le format.
J'aime beaucoup l'univers présenté dans cette nouvelle, en grande partie par le côté « futuriste mais ça ne marche pas parce qu'on a été radins », comme dans … in death.
J'aime aussi beaucoup a posteriori l'idée de base du robot-tueur qui se libère mais préfère les divertissements à la rébellion, même si ça ne m'avait pas enthousiasmée plus que ça a priori.
J'aime bien l'équipe d'humains avec lui, même s'ils ne sont pas assez détaillés à mon goût, et j'aime beaucoup la tournure que prend l'histoire grâce à eux. Je peux imaginer plein de variations de la même prémisse et du même élément perturbateur, avec des humains différents, et arriver à une histoire qui me plairait beaucoup moins.
J'aime énormément le ton du personnage-narrateur, et une bonne partie de sa personnalité, dans laquelle je me projette très (trop ?) bien. L'humour qui va avec ce ton marche aussi très bien sur moi. En revanche je n'aime pas du tout son côté je-m'en-foutiste, et c'est encore pire quand il continue de le professer en dépit de ses actes. Je le comprends, j'apprécie l'effet que ça fait, c'est tout à fait cohérent, mais ça nuit à ma projection au point de dégrader mon expérience de lecture.
Et pour répondre au grand test de l'été, je plaque sur ce personnage un genre faiblement masculin, à peu près au niveau Ikari Shinji dans la série originale. Je ne sais pas du tout à quoi c'est dû, peut-être parce que ma langue maternelle met un genre grammatical à tout, avec un masculin par défaut ; peut-être parce qu'un robot et un personnage sont du même masculin ; peut-être parce que j'imagine l'apparence d'un agent de sécurité contemporain ; ou peut-être encore autre chose, voire une combinaison de tout ça. Peu importe la ou les causes, le résultat est que ça a aussi nuit à ma projection dans le personnage et à mon expérience de lecture.
Je n'aime pas non plus la toute fin, qui ne colle pas du tout avec mon image du personnage. J'ai lu dans les commentaires sur GoodReads que je suis loin d'être la seule, et certains recommandent de lire les quatre nouvelles à la suite comme un seul arc d'évolution émotionnelle.
Je suis encore suffisamment intriguée par la prémisse et le potentiel de développement émotionnel pour continuer la lecture, mais il faudra que j'accroche nettement plus à la suite pour considérer positivement l'ensemble de la série.
Nouvelles 1 à 4
Comme évoqué dans ma critique de All Systems Red, je n'ai pas tellement accroché à cette première nouvelle, mais j'ai lu des recommandations d'enchainer les quatre premières nouvelles comme un seul arc narratif. Alors j'ai juste fait ça.
D'autre part, ces nouvelles sont aussi ma première expérience d'audiobook sans avoir lu le texte avant. D'ailleurs je n'ai pas eu accès au texte après coup non plus. Je décrirai dans un futur billet de weblog ma relation avec les audiobooks, le présent texte ne porte que sur mon avis sur l'histoire, de façon aussi indépendante que possible de cette situation particulière.
Et donc pour commencer, je me joins aux recommandations de ne pas trop séparer les quatre nouvelles. Il y a bien une évolution du personnage au fil des nouvelles, il y a bien un vrai arc qui les couvre, et ma frustration à la fin de la première nouvelle n'est pas éloignée d'une frustration que j'aurais à la fin du premier arc de beaucoup d'autres histoires.
C'est même souligné par une scène à la fin de la quatrième nouvelle qui fait écho à la fin de la première, et rien ça, ça donne une jolie structure à ce bouclage d'arc narratif.
Pour rentrer plus dans le détail de mon avis sur l'arc narratif, j'ai beaucoup aimé la lente évolution du Murderbot, tellement lente qu'on la voit dans ses actions avant qu'il en prenne conscience, et j'ai trouvé ce décalage plutôt bien fait.
Dans ma critique du premier tome j'ai râlé sur les prémisses de ce décalage, mais vu du côté de la fin de l'arc narratif ça marche beaucoup mieux sur moi.
Je continue de bien aimer l'univers général de ces nouvelles, surtout pour le côté « futuriste mais ça ne marche pas parce qu'on a été radins », mais j'ai quand même quelques moments plus mitigés sur le côté générique d'une partie des technologies et sur le manichéisme entre les méchantes corporations et les gentils individus (et Preservation).
En même temps, même s'ils font partie intégrante dudit manichéisme, j'ai adoré la bonté et la bienveillance des humains « gentils », et ça fait quand même un effet de « chocolat chaud littéraire » qui n'est pas si loin de l'équipage du Wayfarer.
Et dans ces nouvelles, les non-humains ont aussi une place que j'aime beaucoup. J'ai adoré ART, et j'ai été triste de le voir partir. J'ai trouvé Miki un peu pénible mais tellement bien écrit. Et j'aime beaucoup le respect avec lequel le Murderbot traite les robots, même les plus limités.
Et pour finir, j'adore aussi le ton du Murderbot narrateur, avec ses petites piques et son humour qui marche si bien sur moi. C'était déjà le cas quand j'ai lu la première nouvelle, et c'était tout autant le cas quand Kevin R. Free donne vie aux mots de Martha Wells.
En lisant la première nouvelle, je ressentais le Murderbot comme mollement masculin, et je ne saurais pas trop dire si la voix masculine de la narration à la première personne a renforcé ce ressenti, mais il a l'air maintenant bien ancré. Et il nuit toujours autant à ma projection dans le personnage, et je crois que ça reste le point le plus négatif que je trouve à cette histoire.
Bref, si j'avais des doutes à la fin de la première nouvelle, ils sont maintenant levés, et je continuerai volontiers cette série.
Network Effect (T. 5)
Network Effect est le premier roman de la série Murderbot Diaries, et il vient juste après les quatre premières nouvelles (qui gagnent à être lues à la suite comme un seul arc narratif, de taille comparable à un roman).
J'ai retrouvé avec plaisir l'univers de cette série et le ton du Murderbot narrateur. Il y a encore une certaine évolution émotionnelle, dans la continuité de l'arc narratif précédent, et elle m'a beaucoup plu aussi.
J'ai aussi retrouvé avec plaisir les personnages secondaires que sont les humains de Preservation et ART. Ce plaisir a été un peu mitigé par certains aspects de la personnalité d'ART : je pensais que son A (comme Asshole) était une exagération du Murderbot, et pendant la nouvelle il ne m'avait pas donné l'impression d'être si pénible, alors que dans ce roman je rejoins le Murderbot et ART descend dans mon estime (ce qui mécaniquement abaisse aussi mon implication personnelle et mon appréciation de l'histoire).
J'ai particulièrement adoré l'intrigue de ce roman, et je trouve que le format roman me plaît beaucoup plus que le format en série de nouvelles qu'il y avait avant. La complexité supplémentaire de l'intrigue a bien marché sur moi, j'ai autant apprécié le développement du monde que le détail des scènes d'action et que la profondeur des rebondissements. À tel point que j'ai un peu peur de mon avis sur la nouvelle suivante.
D'un autre côté, j'ai ressenti dans ce roman une certaine distance vis-à-vis de l'intrigue, qui correspond au fait que j'ai moins d'affinité pour l'espace profond que pour les univers urbains contemporains ou de futur proche (même avec des éléments surnaturels). J'ai failli écrire que Martha Wells m'a réconciliée avec le space opera, mais à bien y réfléchir ce n'est pas vraiment le cas, c'est plutôt que j'aime beaucoup cet univers malgré son cadre spatial.
Comme les nouvelles précédentes, j'ai aussi découvert ce roman sous forme d'audiobook, et il fait partie des premiers romans lus par une seule personne après une série de chez GraphicAudio et j'ai été particulièrement marquée par les modulations de l'élocution de Kevin R. Free pour incarner différemment chaque personnage. J'imagine que c'est assez standard dans les audiobooks, et je vais peut-être le tenir pour acquis, mais j'apprécie encore explicitement que les discours aient une « couleur » subtilement différente d'un personnage à l'autre.
Par rapport aux autres audiobooks que j'ai écouté récemment, je reste super-fan de cette série, et je lirai volontiers la suite, même si je ne sais pas trop combien est dû au texte et combien est dû au narrateur.
Fugitive Telemetry (T. 6)
Fugitive Telemetry est la sixième histoire de la série Murderbot Diaries, et revient au format « nouvelle » après le roman Network Effect, même s'il raconte une histoire qui se passe un peu avant ledit roman.
Je continue de retrouver avec plaisir cet univers, la personnalité du murderbot narrateur, et la voix de Kevin R. Free qui le lit.
Je ne sais pas dans quelle mesure j'ai été biaisée par les décomptes de pages, mais j'ai l'impression d'avoir senti dans cette histoire une complexité intermédiaire entre les premières nouvelles et le roman. Je crois que c'est encore trop court pour mon goût, mais ça fait une bonne présentation d'Indah, et je crois que j'aurais préféré le lire avant le roman.
Autrement, je n'ai pas grand-chose à dire sur cette nouvelle que je n'ai pas déjà dit en parlant des histoires précédentes. J'aime beaucoup le Murderbot, les humains qui l'entourent, l'univers qui est développé, et la place particulière qu'occupent les corporations et les entités artificielles plus ou moins intelligentes dans la narration.
Je me plaignais du côté « spatial » dans le roman, cette nouvelle se déroule presque complètement dans la station, et ça donne une ambiance urbaine dans laquelle je suis tout à fait à l'aise.
Je vais donc logiquement continuer à suivre cette série avec joie, et avec une pointe d'inquiétude de rattraper l'autrice à la prochaine histoire.
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- Publié le 4 septembre 2022 à 20h00
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