Coronaversaire

Au moment où j'écris ces lignes, nous sommes le 17 mars 2024, et à 12h00 j'ai raté le quatrième anniversaire du « confinement » déclaré en France en raison de la Grande Pandémie. Ce n'est que grâce à l'article de David Madore que je m'en suis rendue compte, et rien que ça, ça mérite une exploration de pourquoi.

Après cette première partie exploratoire, je vais réagir à un aspect de son article qui m'a marquée, à savoir l'abandon de plans dans la panique.

La fin de la Grande Pandémie (pour moi)

Contrairement à David Madore, je n'ai pas de routine de rétrospective.

Les rétrospectives évoquent surtout pour moi l'extraction de leçons du passé, et c'est un processus que je fais en continu, donc je me retrouve plutôt à sec au Nouvel An et aux anniversaires, il n'y a plus grand-chose de plus à apprendre.

Cependant les rétrospectives peuvent également être l'occasion de prendre conscience de tout le chemin que j'ai parcouru, et j'oublie souvent cet aspect.

La récupération de l'espace mental occupé par la Grande Pandémie est justement une très bonne illustration de ce que je perds à cause de mes difficultés à rétrospecter.

Loin de l'actualité, loin du cœur

Ça fait depuis longtemps que coronavirus et pandémie ont quitté mon espace mental, je suppose un peu comme tout le monde, et je n'ai pas du tout remarqué comment ça s'est fait, et ça m'intéresse suffisamment pour essayer de l'explorer a posteriori.

Dans son article, David Madore évoque surtout la volonté de « tourner la page », et ça me semble beaucoup trop délibéré pour ce qui m'est arrivé. Je n'ai pas choisi de ne plus y penser, j'ai surtout subi un environnement qui ne m'oblige plus à y penser.

J'aime beaucoup sa proposition facétieuse de placer la fin de la pandémie au 24 février 2022 à 3h00 UTC parce que les esprits humains sont trop limités pour penser à deux drames en même temps.

Je l'aime bien dans l'absolu, je trouve que c'est un très joli trait d'esprit, mais j'aime aussi beaucoup sa cohérence avec mon vécu : je crois que j'ai toujours été moins inquiétée par le virus et la maladie que par les réactions de mes congénères à la situation.

Indifférence volontaire

Je croyais que j'en trouverais des traces plus claires dans mes écrits passés, du coup je vais faire la suite plutôt de mémoire, et je ne sais pas trop à quel point je réinterprète le passé différemment de mon vécu de l'époque.

Dans l'ensemble, je ne me suis pas beaucoup inquiétée du virus ou de la maladie elles-mêmes. J'ai évoqué dans mon premier billet de coronaversaire « la rigolade des trucs graves sur lesquels je n'ai aucun pouvoir et qui ne me concernent pas vraiment » (qui suinte de mots comme « coronannuler », « coronaversaire », ou « Grande Pandémie »), et quand c'est devenu clair que j'étais concernée le sentiment d'impuissance était toujours aussi fort.

Je me souviens qu'en 2010 j'avais déjà assimilé l'importance de distinguer ce qu'on peut changer de ce qu'on ne peut pas changer (probablement après avoir croisé la Prière de la Sérénité).

J'imagine que c'est ce qui a créé un terrain fertile dans mon esprit pour le stoïcisme, que j'ai assimilé courant 2019.

Résultat, en 2020 j'étais prête à subir relativement sereinement une catastrophe sur laquelle je n'ai aucune prise.

Je gardais évidemment une certaine prudence, j'ai probablement pratiqué mon lot de rituels complètement inutiles qui avaient l'air d'être de bonnes idées sur le moment, mais j'étais en paix avec le fait que mon infection ou non, voire ma mort ou non, seraient largement gouvernés par le hasard.

L'enfer, c'est les autres

Autant j'étais prête à rejoindre les sombres statistiques de la Grande Pandémie, autant j'ai été prise complètement au dépourvu par les réactions des autres humains à cet évènement.

Quelque part, ça a contribué peut-être autant qu'un stoïcisme internalisé à ce que la biologie ne m'inquiète pas : les impacts sociaux étaient à mes yeux beaucoup plus graves et inquiétants.

Et je n'arrivais pas à ranger la connerie humaine dans mon immédiate proximité dans les choses sur lesquelles je suis complètement impuissante.

Résultat, j'ai relativement rapidement arrêté de penser à comment me protéger personnellement du virus et de la maladie, j'ai dirigé toute mon attention à comment me protéger personnellement des dynamiques de groupe, avec l'impression que ce serait plus que suffisant pour couvrir à mon goût les aspects biologiques de la situation.

C'est ce qu'on peut voir en creux dans toutes mes publications passées, de mon craquage à mon acceptation et à la rétrospective.

Je rejoins David Madore sur le cruel manque de leçons rétrospectives à l'échelle collective, et j'accueillerais volontiers des réponses sur le pourquoi du comment, mais à l'échelle personnelle toutes les leçons ont déjà été tirées, même si j'ai beaucoup de mal à l'exprimer sans dire que les gens sont juste cons.

Les plans et la panique

Dans son article, David Madore rappelle que la France avait des plans soigneusement préparés pour faire face à une pandémie respiratoire, et a choisi de ne pas les suivre.

Je suis complètement d'accord que c'est un échec monumental dans la gouvernance, voire dans la Politique, et qu'il serait bénéfique de comprendre comment c'est arriver et d'envisager comment empêcher que ça se reproduise.

Il me semble que c'est une leçon qu'il faut retenir bien au-delà de l'échelle gouvernementale. À tous les niveaux d'organisation humaine, jusqu'à l'échelle personnelle, il y a des choses à préparer précisément parce que c'est facile à faire quand on a l'esprit libre et serein, pour pouvoir les appliquer quand tout tourne mal.

Je ne sais pas trop d'où vient le paragraphe précédent, mais je l'ai assimilé au point d'en faire une partie de mon esprit que je ne peux plus séparer du reste. Je n'arrive même pas à évaluer si c'est une opinion personnelle sujette à débat, un élément philosophique qui découle d'une échelle de valeurs, ou une simple déformation professionnelle.

Je sais juste que ça faisait déjà partie de moi au début des années 2010s, et ma mémoire est trop floue pour conclure sur ce que je pensais avant.

Je me souviens avoir discuté avec quelqu'un qui avait connu une période dans la rue, et qui gardait une angoisse d'y retourner au point d'avoir besoin de plans pour tous les accidents de la vie envisageables. Je suis loin d'être dans le même état, mais j'ai quand même une certaine conscience de la fragilité de beaucoup de choses que je tiens pour acquises.

Tout ça pour dire que les situations d'urgence sont précisément celles que l'esprit humain est le moins capable de gérer à l'improviste, pour lesquelles on a le plus à gagner en ayant des plans et des exercices quand tout va bien.

Pour parler plus concrètement, les exercices d'évacuation incendie sont là pour que le chemin vers la sortie soit automatique, et réalisable même lorsqu'une grande partie des facultés intellectuelles supérieurs sont anéanties par la peur et la panique.

J'ai vécu les exercices d'évitement du permis moto, d'autodéfense, de manipulation d'extincteur, et de premiers secours dans la même optique, comme ce que j'imagine des entraînements militaires : se faire « rentrer dans le corps » des gestes pour qu'ils puissent être exécutés même quand mon esprit est occupé par autre chose ou roulé en boule dans un coin.

En reprenant la rétrospective de toute cette Grande Pandémie, à mon échelle individuelle, je suis plutôt satisfaite de ce que j'ai pu faire dans les conditions de l'époque. C'était loin d'être parfait, hein, j'ai progressé au fur et à mesure, et il reste des progrès à faire, mais dans l'ensemble, ça va.

Je garde l'impression de pouvoir garder la tête froide dans une plus large gamme de situations que les gens qui m'entourent et de pouvoir l'utiliser pour améliorer mes plans avec des ajustements extemporanés pour la situation en cours.

Je crois que je ne me suis pas encore débarrassée de l'idée qu'avoir un poste avec des responsabilités devrait impliquer la capacité de faire face à des imprévus graves, éventuellement au moyen de plans pour y faire face sans avoir toutes ses capacités mentales.

J'ai cependant un cynisme croissant, et accéléré par la Grande Pandémie, sur le fait que beaucoup trop de postes avec des responsabilités sont accaparés par des gens qui ne cherchent que leur gain personnel et l'ivresse du pouvoir, à tous les niveaux de pouvoir et de responsabilités.

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