Journal d'une apprentie motarde, essai n°1 : CB500F

Après diverses réflexions sur les essais, je suis évidemment passée à l'acte, en commençant par la CB500F, millésime 2019.

Comme ce concessionnaire est assez loin de mon lieu de travail, j'ai choisi le dernier horaire de lancement d'essai, 17h30, une heure avant la fermeture de la concession.

J'imagine que ce ne sera une surprise pour personne que ce n'est pas le meilleur moment pour arpenter les routes de la région parisienne, surtout lorsqu'on n'a qu'une demi-heure pour le faire.

Après la gestion de la paperasserie et de la moto d'essai, je suis effectivement partie vers 17h40. Le commercial m'a dit que j'avais droit à une demi-heure à ce moment-là, donc j'ai supposé qu'un retour pour 18h10 est acceptable.

Pour ma première fois toute seule sur la route, sans moniteur pour me surveiller, je m'attendais à retrouver la tension de ma leçon en circulation, et pourtant il n'en était rien, j'étais aussi détendue mais alerte que le trajet vers l'examen (c'est-à-dire autant que pendant l'examen lui-même, mais sans le stress).

J'imagine que jouer à l'accordéon dans les files devant les feux aide à ne pas se sentir spécialement en danger (ou dangereuse).

Du coup j'ai eu tout le loisir d'observer mon ressenti, assise sur cette moto, par rapport à la seule autre moto que j'ai connue, la Z650.

J'avais l'impression que la forme du réservoir me fait beaucoup plus écarter les cuisses. J'avais aussi l'impression d'avoir les genoux nettement plus pliés, presque comme si j'étais à genoux sur mes pieds. D'après cycle-ergo.com ce n'est pas censé être le cas, sauf changement sur le millésime 2019, mais c'est comme ça que je l'ai ressenti.

Au niveau des commandes, j'ai été impressionnée par leur douceur et leur légèreté, surtout sur le levier d'embrayage et le sélecteur de vitesse, c'était comme caresser un chaton. J'ai aussi particulièrement aimé la clarté du sélecteur de vitesses, à aucun moment je ne suis passée involontairement au point mort, alors que c'était un problème récurrent avec la Z650 de l'école.

J'ai aussi été très agréablement surprise par le peu de bruit du moteur. Je pensais que le commercial exagérait quand il disait changer son pot et être prêt à payer à chaque fois que la police l'arrête, juste pour être entendu quand il remonte les files ; mais après l'essai je peux imaginer le danger, surtout dans des files à l'arrêt et une remontée avec une différence de vitesse aussi peu raisonnable qu'il est de coutume dans cette région.

Enfin j'ai clairement ressenti une impression de légèreté de la machine aussi bien dans les accélérations et décélérations qu'en tournant. Je m'étais dit que vu la masse théorique de la machine, comparable à la Z650, ça devait être un effet de sa maniabilité ; mais en y repensant, le modèle d'essai n'a pas les protections des motos d'école, pour lesquelles j'avais retenu une trentaine de kilos, soit 15 % du poids de l'engin, peut-être 10 % avec le mien.

Du coup je me suis aussi demandé si la douceur des commandes est vraiment un effet de ce modèle, ou si la moto d'essai voit un mécanicien tous les jours pour la régler aux petits oignons pour donner envie d'acheter, alors que les commandes de la moto d'école ont été maltraitées par moult débutants avant moi.

En revanche, j'ai été passablement frustrée de ne pas réussir à retrouver facilement le point de patinage, et d'être incapable de faire la coordination entre patinage et gaz pour avancer à vitesse lente comme sur le plateau.

Il y a quelques moments où j'ai été surprise par la bienveillance des autres usagers. Je ne sais pas si c'est le statut de motarde, ou si j'étais manifestement débutante, ou si c'est juste le fait d'être sur une moto, mais je m'attendais à ce que ce soit vraiment la loi de la jungle, beaucoup plus sauvage que la courtoisie que j'ai constatée. Même un taxi parisien a ralenti pour me laisser passer !

J'ai donc fait comme ça mon bonhomme de chemin pendant une bonne dizaine de minutes, avant de me dire qu'il serait temps commencer à prévoir un demi-tour.

Et puis quand j'avais fini mon tour de pâté de maisons, je suis tombée sur des rues qui ne disaient rien. Je continue un peu dans une direction qui me semble raisonnable, mais rien qui ressemble à mon trajet aller, et aucune rue qui me parle, c'est une zone que je ne connais pas…

Le stress et la tension montent. Une mini-panique un peu comme dans ma deuxième leçon commence à monter, et il n'y a même pas d'endroit pour s'arrêter en sécurité et sans gêner personne sans ce coin.

J'ai fini par trouver un endroit où m'arrêter, avec un trottoir bas et large, devant une poubelle. C'était 26 minutes après mon départ. J'ai soufflé, enlevé le casque et les gants, et sorti mon téléphone. Un numéro mobile que je ne connais pas a essayé de me joindre sans laisser de message, probablement le commercial, peu importe, je suis déjà en train de faire ce que je peux pour rentrer. Je lance le GPS, je vois que je suis super-loin, j'essaye de mémoriser la route, je remballe tout et je repars.

À partir de la, je n'étais pas pleinement en possession de mes moyens. En reprenant ma théorie de la conduite instinctive, je crois que mon champ conscient était submergé par la panique, et j'ai fait ce retour presque complètement à l'instinct.

Je me suis arrêtée à deux autres reprises pour vérifier le chemin par rapport au GPS.

Ce qui a priori ne sert pas à grand-chose quand on n'est pas en état de réfléchir avec la tête, mais j'ai la nette impression que mon instinct arrive à lire une carte : il me semble que j'ai parcouru le chemin que j'avais vu lors du premier arrêt. Je regrette d'avoir raté l'enregistrement de trace GPS, parce que j'aurais vraiment voulu pouvoir confirmer ou infirmer cette affirmation surprenante (et en pleine contradiction avec le fait que j'ai prouvé moult fois n'avoir aucun sens de l'orientation, à moins que ce soit la réflexion qui brouille complètement l'instinct).

C'était la tête qui voulait ces deux arrêts, avec la panique qui monte, le commercial qui rappelle que la concession va bientôt fermer et qu'il faut vraiment être rentrée avant, et aucune confiance dans ma capacité à naviguer sans les instructions du GPS.

Au moins, ça permet de voir directement comment je me comporte en mode très dégradé, et je suis quand même assez contente du résultat : pas de prise de risque, pas de réduction des contrôles, et pas de disparition des habitudes prises dans les leçons (pas de remontée de file aux feux rouges ni de refus de priorité aux piétons qui attendent sur le trottoir).

Le seul moment un peu douteux a été derrière un camion-poubelle, qui bloquait une toute petite rue. J'ai voulu sortir le téléphone, donc j'ai commencé à enlever les gants, le camion a avancé de dix mètres avant de s'arrêter à nouveau. J'ai senti de l'impatience dans la voiture derrière moi, alors j'ai abandonné le plan téléphone et remis mes gants à la va-vite. Mais je n'ai pas attendu d'avoir fini de remettre mon gant droit pour avancer. C'est ma première exception à ATGATT, et j'en suis pas très fière, parce que du coup le gant mal mis m'empêchait l'accès des doigts au frein avant, et mes deux pieds pour stabiliser (alors que d'habitude je ne pose le pied droit qu'à l'arrêt) m'empêchaient l'accès au frein arrière. J'ai commencé à vouloir freiner avec les semelles, ça ne marche pas du tout avec l'inertie d'une moto comme ça, et j'ai pu freiner de l'avant avec la base des doigts avant de tamponner la voiture devant. Du coup je me suis mise sur le côté pour faire un vrai arrêt GPS, téléphoner au concessionnaire pour m'excuser, histoire de laisser le temps au camion de libérer le passage.

Après un autre arrêt, je voulais retourner sur une grande avenue, sans bateau accessible. Donc j'ai eu l'audace de descendre du trottoir en étant presque parallèle à la bordure. Ce n'est pas raisonnable du tout. Pourtant c'est passé sans aucun problème, sans le moindre déséquilibre, sans déranger d'usager, et même confortablement, sans à coup. Je ne sais pas combien il y a compétence personnelle et combien il y a de qualités de la moto dans ce résultat, mais je suis très impressionnée.

Je suis finalement arrivée cinq minutes avant la fermeture de la concession, et le commercial a fait de son mieux pour me rassurer et m'assurer que ce n'était pas grave.

En tout cas, je peux témoigner de première main que cette moto est on-ne-peut-plus gentille avec une débutante en panique. Je ne sais pas combien d'autres motos m'auraient laissé une fin heureuse dans ces conditions, mais je sais que je peux compter au moins sur celle-ci.

J'aurais juste aimé pouvoir voir ce que son moteur donne au-dessus de 50 km/h, par rapport à la Z650.

Commentaires

1. Le lundi 28 octobre 2019 à 22:29, par Ruxor :

Pour ce qui est de l'embrayage, j'ai passé mon plateau sur le modèle 2018 et la circulation sur le modèle 2019 de la CB-500F, et j'ai effectivement constaté au moment du changement que le point de patinage se trouvait plus difficilement sur la 2019. J'ai mis ça sur le compte de l'embrayage « à glissement limité » (je ne sais pas exactement ce que ça veut dire, même si je devine à moitié) qui donne aussi cette sensation de douceur ; je ne sais pas si cette explication tient la route. Quoi qu'il en soit, on doit s'y habituer assez vite, parce que je n'y ai rapidement plus pensé du tout. (Ou peut-être simplement que tout changement de moto implique un petit temps d'adaptation au point de patinage de la nouvelle.)

Sinon, as-tu été gênée par la position relative de la commande de clignotant et de klaxon ? Je crois comprendre que Honda fait le contraire du reste des fabricants, et que ça gêne souvent les gens qui n'ont pas l'habitude de Honda (ou, je suppose, les gens qui ont l'habitude de Honda quand ils passent à autre chose), avec parfois des coups de klaxon intempestifs.

2. Le jeudi 31 octobre 2019 à 23:43, par Natacha :

Sur l'embrayage, je me suis naïvement arrêtée à la première explication que j'avais trouvée, à savoir que je n'ai jamais vraiment appris à m'adapter à l'embrayage. L'encadrement de mon école a toujours dit respecter les préférences des élèves pour une moto ou pour une autre, mais au début j'ai voulu rester adaptable. Pendant la leçon n°8, j'étais sur une moto dont le point de patinage est beaucoup plus proche de la poignée que les autres, pendant la leçon je n'arrivais pas toujours à passer les vitesses, mais je croyais que c'était parce que je ratais le sélecteur et que j'essayais de soulever une partie du cadre, et ce n'est qu'à la fin que j'ai compris que je ne débrayais pas suffisamment. Du coup, à la leçon n°9, j'ai préféré reprendre la moto de la leçon n°7, et en fait je n'en ai finalement touché aucune à l'école. Comme en plus il me semble que la leçon n°6 était aussi sur la même moto, et je n'ai pas de souvenir de quelle moto j'avais à la leçon n°5 (la première sur la grosse moto), ça ne fait qu'une ou deux leçons sur une autre moto.

À partir de là, il semble raisonnable de conclure que je n'ai peut-être pas bien appris à gérer l'embrayage suivant le retour haptique, mais peut-être juste sur la proprioception qui marche juste avec le réglage de cette moto là.

Pour ne rien arranger, comme je l'expliquais dans la leçon n°10, l'approche qui a marché pour moi sur le parcours lent est avec relativement peu de gaz, compensé par un travail plus fin sur l'embrayage. Alors que mettre plus de gaz clarifie le point de patinage.

Enfin, je n'ai pas ressenti de problème pour trouver le point de patinage « avec la tête », par exemple pour démarrer doucement, ce dont je me plains dans ce billet c'est l'incapacité à déployer la technique du parcours lent, donc avec l'embrayage géré à l'instinct.

Bref, j'ai tout mis sur le dos de mon incompétence à gérer l'embrayage d'une moto inconnue, sans chercher s'il pouvait y avoir une autre raison derrière.

Cela dit, Kawasaki prétend que sa Z650 a aussi un embrayage à glissement limité et assisté. Je n'ai pas eu l'impression d'être tellement assistée, en tout cas beaucoup moins que sur la CB500F ; en revanche j'ai vu des comportements qui peuvent correspondre à un patinage automatique quand je relâche trop brutalement l'embrayage après avoir rétrogradé et/ou freiné en roue libre.

Le côté positif de tout ça, c'est d'apprendre à se débrouiller sans la technique du parcours lent. Sur route personne ne compte le nombre de fois où un pied a touché le sol, il n'y a pas de chronomètre pour pénaliser un départ un peu vif fini en roue libre, et en restant au milieu d'une voie on a des rayons de courbure immenses par rapport au plateau.

Sur les commandes de clignotant et de klaxon, c'est manifestement tombé de mes notes et je l'ai oublié dans le billet. Je savais avant d'y aller que Honda ne fait pas les choses comme tout le monde ; ma première tentative de clignoter a été un avertissement sonore clair avant de corriger, pendant la deuxième j'ai effleuré le bouton qui fait un petit bruit, et ensuite la nouvelle position du clignotant était assimilée, et ensuite je n'ai plus déclenché le klaxon même pendant la période de panique.

Je ne suis pas convaincue par le choix de Honda à ce niveau. Je peux comprendre l'idée qu'une commande à n'utiliser qu'en cas de danger immédiat (si seulement…) soit aussi évidente d'accès, mais la fréquence d'utilisation des clignotants me semble quand même l'emporter.

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  • Publié le 27 octobre 2019 à 18h37
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