Mon sommeil en 2022

Fin 2021, j'avais publié un billet intitulé Difficulté à dormir en réaction à un billet de David Madore de même titre, et il me semblait opportun de revisiter ce sujet ces jours-ci.

Comme les considérations dans ce billet sont une suite directe, vous voudrez peut-être (re)lire ces deux billets. Un résumé rapide et à la hache se trouve dans la partie suivante.

Dans les épisodes précédents…

Le billet de David Madore part sur l'idée qu'« il y a deux moments agréables dans la journée : le soir quand on se couche, et le matin quand on ne se lève pas » et proposer de distinguer les « lève-tôt » et les « couche-tard » suivant qu'ils préfèrent l'un ou l'autre de ces moments.

J'ai eu beaucoup de mal à me positionner dans cette classification, parce que je cherche les états agréables plus que les changements d'état agréables, et parce que j'ai du mal à évaluer l'état « endormie » puisque je suis complètement inconsciente pendant ce temps et que je ne me souviens pratiquement jamais de mes rêves.

J'en ai profité pour décrire mes transitions autour de cet état.

Du côté du réveil, je sens une transition très rapide vers l'état « éveillée », qui se propage dans mon corps comme un frisson, et qui me permet d'être pratiquement opérationnelle dès le lever (une fois le manque de caféine comblé). Comme je ne sais pas ménager mes efforts mentaux, je continue d'être mentalement « à fond » jusqu'à avoir épuisé mon énergie diurne, et attendre avec impatience l'heure du coucher.

Du côté de l'endormissement, j'avais de gros problèmes, puisqu'il me fallait environ une à deux heures pour trouver le sommeil après m'être mise au lit. J'avais identifié les causes comme un manque de technique d'endormissement (je me mettais juste au lit et j'attendais que ça vienne tout seul), et des myoclonies qui cassaient toute ma progression vers l'endormissement.

Enfin j'avais évoqué un problème de fond dans la gestion de mon emploi du temps, qui me fait probablement passer moins de temps au lit qu'il serait sain pour mon corps. Je n'évoquerai pas ce problème dans le présent billet parce qu'il est toujours d'actualité, que je n'ai fait aucun progrès dessus depuis et que je ne vois toujours pas comment faire mieux à l'avenir. Donc c'est une fatalité qu'il n'est pas utile de discuter.

Se gaver aux données personnelles

J'avais évoqué dans le billet de fin 2021 avoir fait quelques mesures, et j'ai systématisé ça sur l'ensemble de l'année 2022.

Je me retrouve donc avec 365 nuits enregistrées, et pour chacune d'elles :

Il ne s'agit pas du même accéléromètre de poignet que celui dont viennent les mesures fin 2021, et il est généralement considéré comme assez mauvais dans sa catégorie. Il faut donc prendre toutes ces mesures avec encore plus de pincettes que l'électronique grand-public en général, et ce n'est pas peu dire.

En revanche, les heures d'entrée et de sortie du lit sont fiables, j'ai un raccourci sur mon ordiphone qui fait les relevés.

Je vais quand même dépouiller ces données en faisant semblant de leur faire complètement confiance.

Heures de coucher et de lever

eCDF de mes heures de lever et de coucher

Ce n'est probablement pas le graphe le plus parlant, mais pour commencer voici les distributions de mes heures de coucher, d'endormissement, de réveil, et de sortie du lit.

Ces distributions sont représentées par leurs fonctions de répartition empiriques, parce que je trouve que c'est la meilleure façon de représenter ce genre de choses.

En résumé, chaque point (xy) d'une courbe signifie qu'il y a y % des évènements qui se sont produit avant l'heure x.

Par exemple, la courbe orange a l'air de passer par le point (0:0010 %), ce qui veut dire que je ne me suis endormie avant minuit qu'un jour sur dix. Autre exemple, mon heure de coucher médiane est autour de minuit et demie, alors que mon heure de lever médiane est un peu avant huit heures.

L'intérêt de ce genre de courbes par rapport aux histogrammes est que les données empiriques sont représentées directement sans choix arbitraire qui pourrait les biaiser, contrairement aux histogrammes qui sont biaisés par le choix des classes et aux fonctions de densité qui sont biaisées par le choix du noyau de convolution.

Par exemple, sur l'heure de lever, on peut voir sur l'eCDF un mode assez net vers 7 h, un deuxième un peu moins net juste avant 8 h, et troisième très large entre 8h30 et 9h30. Ces trois modes correspondent assez bien aux trois principaux types de jours dans ma vie (travail dans les bureaux, télétravail, week-end et vacances), mais sans cette information a priori ces trois modes peuvent être masqués dans l'histogramme ou la fonction de densité.

Plus généralement, on peut voir dans l'étroitesse de ces distributions le fait qu'au niveau du sommeil mes jours se ressemblent pas mal, que je travaille ou non. Le lever montre les conséquences de la tendance de mon corps à se mettre en route rapidement, qui fait que je ne reste pas au lit à ne rien faire, même sans impératif horaire. Et le coucher est la prise en compte de ce phénomène, si je suis déjà en manque de sommeil chronique, je ne vais pas me coucher (beaucoup) plus tard si je ne peux me lever (beaucoup) plus tard.

J'imagine que ce serait intéressant de faire les distributions séparées suivant le type de jour, mais j'ai l'impression de ne pas avoir assez de données ; j'essayerai d'ici quelques années.

Temps d'endormissement

eCDF et histogramme de mes temps d'endormissement en 2022

Maintenant le cœur de mon problème : l'endormissement.

J'aurais beaucoup aimé avoir des graphes équivalent pour des années passées, comme 2012 ou 2019, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

Déjà, on peut voir qu'on avait raison de douter de la qualité des données de sommeil, puisque 12.6 % des mesures sont négatives, comme si j'étais déjà en train de dormir pendant que je mettais mes bouchons auriculaires, mon masque, et que j'appuyais sur le bouton de coucher sur mon ordiphone. Et puis, le temps d'endormissement est peut-être sous-estimé par ma tendance à caler ma main gauche sous l'oreiller ou sous moi.

D'un autre côté, moins de 20 % des nuits ont un endormissement de plus de 10 minutes, ce qui pourrait laisser penser que mes problèmes d'endormissement appartiennent au passé. Et effectivement, subjectivement je ne me souviens que de quelques nuits avec myoclonies ; je me souviens de beaucoup de nuit pendant lesquelles le sommeil m'échappait, mais sans doute moins de 20 % de l'année, c'est juste qu'elles marquent plus.

J'ai regardé de plus près les extrémités de l'histogramme, et les temps très négatifs correspondent à films ou des épisodes de série, qui peuvent physiologiquement être difficiles à distinguer du sommeil ; et les temps très positifs correspondent à des difficultés intestinales ou respiratoires.

L'intervalle sans explication évidente est donc plutôt d'environ -10 minutes à +1 heure.

Malgré le doute que je conserve envers ces données, j'ai la nette impression que ce que je fais fonctionne, donc je vais simplement continuer comme ça. Et je vais surtout éviter de me demander si ce qui fonctionne est le manque de sommeil chronique ou mes techniques d'endormissement.

Temps de sortie du lit

eCDF et histogramme de mes temps de sortie du lit en 2022

Juste pour la symétrie, voici le même graphe pour le temps entre le réveil et la sortie du lit.

Il y a à peu près autant de temps négatifs ici que pour l'endormissement, sans l'excuse du poignet calé qui trompe l'accéléromètre ou de l'ambiguïté physiologique du regardage de vidéo.

Là aussi, les temps les plus longs correspondent à des actions délibérées de ma part, sur lesquelles je reviendrai plus bas, mais en dessous de 40 minutes, je n'ai aucune idée de la part de réveils effectifs dont je n'aurais pas pleinement conscience par rapport à la part d'erreurs de mesure.

Temps de sommeil

eCDF et histogramme de mes temps de sommeil en 2022

Je ne me sentais pas de finir ce bestiaire graphique sans montrer les distributions de mon temps de sommeil et de mon temps passé dans le lit.

Je ne m'attendais pas à ce qu'elles soient aussi larges, proches, monomodales, et aussi élevées. Je m'attendais à un gros mode vers 6 heures, et un plus petit vers 7 heures, alors que finalement l'ensemble est vers 7 heures.

Finalement, je ne suis peut-être pas aussi en manque de sommeil que je le crois.

Du moins, il faudrait que je regarde plus précisément mes besoins physiologiques, mais c'est très difficile à mesurer.

Corrélations

J'ai cherché pas mal de corrélations entre les différentes mesures, mais je n'ai rien trouvé d'intéressant ou de flagrant. Je ne sais pas si j'ai mal cherché ou s'il n'y a juste rien à trouver.

Je sais que j'ai beaucoup plus de mal à m'endormir si je me suis levée trop tard le matin même, mais ça fait partie des raisons pour lesquelles je ne me lève pas si tard même sans contrainte horaire, et ça ne se voit pas sur mes données.

J'imagine que les corrélations plus intéressantes seraient le sommeil avec autre chose, comme la prise de caféine, la température dans la chambre, l'effort physique ou mental dans la journée, l'état subjectif de fatigue avant et après, etc. Il manque malheureusement les mesures pour faire une telle corrélation.

Évolutions personnelles

Temps d'endormissement

Comme dit, je ne sais pas quelle est la contribution des heures de sommeil déraisonnables (si elles le sont !), des techniques d'endormissement que j'ai mises en place, et de la simple volonté d'améliorer mon temps d'endormissement.

En tout cas, le résultat me plait bien, et j'espère continuer comme ça. J'aimerais bien encore réduire la part des temps d'endormissement longs, mais comme elle n'est pas si loin de la part des temps négatifs, j'attendrai plutôt d'avoir une mesure plus fiable de mon sommeil. Je finirai peut-être par sortir moi-même l'analyseur de sommeil Withings de ma wishlist.

Cela dit, je me garderais bien de conseiller quoi que ce soit à qui que ce soit d'autre que moi-même, vu la quantité d'incertitudes qui règne autour de ce résultat.

La rêverie

Une grosse nouveauté depuis mon billet de 2021, c'est que j'ai eu un aperçu ce qu'on peut trouver d'agréable entre le sommeil profond et l'éveil complet.

J'ai constaté depuis longtemps, comme David Madore, que le sommeil du matin est plus propice aux rêves, alors suite à cette histoire fin 2021, j'ai voulu essayer de retenir le frisson d'éveil pour voir ce que je trouverai.

J'y ai trouvé non seulement les rêves auxquels je m'attendais, mais aussi un autre état, que j'ai un peu de mal à mettre en mots. Un peu comme une baignade dans la soupe primordiale dont les rêves sont faits, avant que les différents ingrédients soient sélectionnés et assemblés dans un tout à peu près cohérent (pour un rêve).

Parfois cette soupe ne sent pas très bon, avec des ingrédients qui font des rêves perturbants, désagréables, ou des cauchemars. Dans ce cas j'ai juste à laisser la vague de l'éveil tout emporter, et aller vaquer à mes occupations diurnes.

Mais la plupart du temps, cette baignade est plutôt sympathique et agréable. Au-delà de la curiosité exploratoire envers ce nouvel état comme pour les rêves, je trouve cet état onirique intéressant et agréable pour lui-même.

À tel point que s'il existait une substance chimique capable de me faire entrer facilement dans cet état, je n'aurais aucun mal à la qualifier de « narcotique », et j'imagine facilement la tentation de l'utiliser plus que de raison.

Conclusion

J'ai toujours du mal à savoir comment finir ce genre d'articles, ça va encore être une conclusion qui n'en est pas une.

J'ai évolué dans ma relation vis-à-vis de mon sommeil, et ces données sont plus de nature à me réconcilier avec lui que mes a priori, ce qui est toujours une bonne chose.

J'ai l'impression de ne pas avoir extrait tout ce que je pouvais de mon jeu de données, tout en ayant la conviction qu'on pourrait faire beaucoup mieux en le recoupant avec d'autres données que je n'ai pas (encore ?). Je suis un peu réticente à publier ces données, mais si vous avez des idées de choses à essayer avec, je suis toute ouïe.

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  • Publié le 30 janvier 2023 à 20h58
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