Farseer Trilogy (1 à 3), de Robin Hobb

Farseer Trilogy est une trilogie de livres fantastiques écrite par Robin Hobb, qui suit les aventures de FitzChivalry Farseer.

Assassin's Apprentice (T. 1)

Ma première relecture

Il est plutôt rare que je relise un livre que j'ai déjà lu. J'ai essayé quelques fois, mais même après plusieurs années, mon souvenir est tellement détaillé que je m'ennuie en lisant. Évidemment, je ne me souviens pas exactement de tout, mais il me manque tellement peu, et j'avance tellement lentement, que ça ne m'intéresse pas et j'arrête rapidement.

Je m'attendais plus ou moins à ce que la même chose arrive avec Assassin's Apprentice de Robin Hobb (que j'ai lu en version original, sa traduction française chez Pygmalion est L'apprenti assassin).

Cependant ma première lecture, en 2009, a lieu pendant une période assez particulière de ma vie. J'étais au plus mal après une rupture terrible, et juste après la perte du seul appui local qu'il me restait, et avant que je recommence à prendre pied. Pendant ce moment terrible, il y a eu en plus une semaine de congés forcés, où je n'avais même plus le travail comme prétexte pour maintenir une façade. Je suis loin d'en être fière, mais pendant cette grosse semaine, je n'ai fait que pleurer, dormir, me saouler et lire. Et j'ai lu ce livre. Un livre en une semaine, c'est un record personnel.

Ce livre fait partie des histoires auxquelles j'accroche tellement que je n'arrive pas à rassembler toute seule assez de volonté pour revenir à la réalité. Et quand un élément extérieur y parviens, je reste pendant assez longtemps dans un état zombi, sortie du livre mais sans avoir vraiment réintégré la réalité. Du coup sachant ça, je fais en sorte de n'en sortir que pour dormir, pour pouvoir réintégrer sereinement la réalité au réveil.

Malgré la barrière linguistique de la version originale, ce livre a donc été une évasion parfaite pour une période très sombre de ma vie. Mais l'intensité de la lecture, et peut-être aussi les autres évasions auxquelles je m'adonnais alors, ont privé ma mémoire de pans entiers de l'histoire.

Il me semble donc que c'est que la première fois que je réussis à relire entièrement un roman. Et je ne sais pas trop dans quelle mesure ce haut-fait peut être réitéré.

Pendant cette lecture, il m'est plusieurs fois arrivé de me souvenir de conséquences de la résolution de la scène en cours, sans arriver à retrouver quoi que ce soit quant à la résolution elle-même. Ça ajoute une forme de suspense inattendu mais aussi assez agréable que du suspense traditionnel.

Sur la fin, ça a pris un tour encore plus intense, quand je n'arrivais plus à retrouver les conséquences de la situation que je venais de lire, et je n'arrivais même pas à déterminer si j'avais oublié ces conséquences ou si elle ne faisaient pas partie du livre.

J'ai ainsi connu des moments d'impatience tels que je sautais un paragraphe pour voir la suite, et me rendre compte que je n'arrivais pas à faire le lien avec ce que j'avais lu juste avant. Je revenais donc en arrière pour lire le paragraphe sauté. Et parfois avant même d'avoir fini ce paragraphe sauté je ne pouvais m'empêcher de sauter encore plus loin, mais encore sans réussir à « raccrocher les wagons », et livrer une bataille à moi-même pour revenir en arrière et vraiment tout lire.

Ce que j'ai adoré

J'imagine qu'il y a une multitude de résumés disponibles sur le web, et probablement plusieurs qui sont beaucoup mieux que tout ce que je serais capable de faire.

Dans le principe, sans spoiler, c'est l'histoire d'un bâtard royal qui échange sa survie contre un service inconditionnel au roi, en tant qu'assassin, mais aussi espion et autres black ops. Ce livre part de ses premiers souvenirs, et se termine à la fin de sa première grosse mission, en se focalisant surtout sur son apprentissage et toutes les intrigues de la cour vues par un gamin (dès le début du tome suivant, il ne sera plus considéré comme un gamin in par la cour ni par lui-même).

Comme je l'ai déjà écrit plusieurs fois dans mes critiques, j'aime beaucoup les histoires « tranches de vie », où tout ce qui arrive à un personnage est décrit (avec plus ou moins de détail) de façon tellement complète que l'on pourrait dresser son emploi du temps sans laisser de trous. Et ce par oppositions aux histoires que je trouve plus simplistes, où n'est décrit que les évènements pertinents pour l'intrigue principale.

Il me semble avoir déjà aussi écrit que j'aime beaucoup avoir l'impression que le monde est bien plus vaste et détaillé que ce qui est décrit dans l'histoire. C'est le cas ici, et de façon aussi flagrante que possible : des évènements politiques majeurs se produisent, avec des conséquences énormes pour tout le royaume, mais ce n'est qu'une trame de fond, et les petits évènements du quotidien du narrateur et les petites intrigues qui le concernent on largement le dessus.

Un autre point qui participe probablement à mon aspiration dans cette histoire est la facilité de projection dans la situation du personnage principal. Comme la section 9 de Ghost in the Shell (que j'adore également), le personnage principal est formé pour faire partie d'un groupe d'élite, ou plus exactement en l'occurrence, être à lui tout seul tout le service black ops du roi. Et je dois avouer que ça me chatouille agréablement, parce que c'est ce que j'adorerais vivre. Je sens qu'en m'y mettant à fond je pourrais faire partie d'un tel groupe, et je pourrais m'y épanouir en repoussant mes limites. Et c'est exactement ce qui me manque le plus cruellement dans ma situation professionnelle, que je fuyais justement dans cette histoire.

Enfin il y a un autre élément majeur qui me plaît beaucoup, mais j'ai un peu de mal à le formuler. Je crois que c'est la façon dont est décrit le tissu humain qu'est la cour, ou plutôt les gens interagissent avec le personnage principal. Ou peut-être est-ce que tvtropes décrit comme des « thèmes politques ». Enfin c'est quelque chose qui a à voir avec les mécanismes de certaines relations humaines et la façon dont ils sont décrits et expliqués. Ou quelque chose comme ça.

Je ne sais pas si ça a un rapport avec mon intérêt plutôt récent pour la chose vie politique (du monde réel), ou pour ma soif de compréhension des relations humains qui m'échappent encore beaucoup trop à mon goût. Dans les deux cas, je doute que cette histoire m'apporte quoi que ce soit.

Conclusion

Je n'ai pas fait de partie « Ce que je n'ai pas aimé », parce que je n'ai rien trouvé à y mettre.

J'ai éprouvé beaucoup de sentiments négatifs en lisant ce livre, mais c'était à chaque fois la répercussion d'actions odieuses envers ma projection dans le personnage principal, ou parfois dans un personnage secondaire. Et ça c'est exactement ce que j'attends d'une histoire tellement prenante, donc je le compte comme un sentiment positif vis-à-vis de la lecture elle-même.

J'imagine qu'il y a un seuil de saturation pour ce genre de sentiments négatifs projetés, seuil que j'ai atteint en regardant les premiers épisodes de la série The Wire. Ce livre est largement en dessous de ce seuil.

Avec tellement de points largement positif, et mon incapacité à lui trouver du négatif, ce livre ne peut que rentrer dans le panthéon des histoires pour lesquelles j'ai une adoration ultime.

Royal Assassin (T. 2)

Royal Assassin est le deuxième tome de ce qui est en version originale the Farseer Trilogy. Si j'ai bien compris, sa traduction a été coupée en deux, l'Assassin du roi et la Nef du crépuscule, pour mieux surfer sur le succès commercial de l'histoire.

Ce deuxième tome est la continuation du premier, Assassin's Apprentice, non seulement par l'histoire mais aussi par le style et l'ambiance que j'ai adorés. Si je devais faire une critique complètement indépendante, je me retrouverais à répéter beaucoup choses que j'ai déjà écrites dans ma critique du premier tome. Je ne vais donc pas le refaire ici, et je vais surtout détailler les différences.

Dans le premier tome j'ai pu facilement esquisser le début et la fin de l'histoire sans spoiler, ça ne m'a pas vraiment l'air possible ici. Le découpage des trois tomes est portant matérialisé de façon très logique. Comme le titre le spoile déjà, le premier tome porte surtout sur la jeunesse et la formation du personnage principal, alors que dans l'intégralité du deuxième tome il est considéré comme un adulte, avec des tâches d'adulte (dont la finalité n'est pas la formation) à accomplir.

D'ailleurs dans la période de sa vie couverte par ce tome, son côté « assassin » me semble nettement moins présent que dans le premier. Et les bateaux, qui semblent être un thème très cher à l'auteure, au point d'écrire un cycle là dessus malgré un succès commercial moindre, y occupent une place nettement plus importante. Ça m'embête un petit peu, parce que je préfère largement le premier thème au second, mais heureusement les intrigues politiques et le format « tranche de vie » (avec tout ce qui ne relève ni des black ops ni des bateaux) l'emportent largement sur ce petit inconvénient.

Un autre point dans ce tome que j'ai beaucoup aimé, ce sont certains petits détails, noyés dans la masse de petits détails qui composent cette « tranche de vie », qui deviennent des indices capitaux à la fin. Un peu comme un roman policier, où dans les dernières pages tout à coup plein de petites choses s'assemblent pour former une image nouvelle. Et comme dans les romans policiers, j'ai été complètement incapable de remarquer ces détails au moment où ils sont survenus, ou même de remarquer qu'ils sont plus louches que tous les détails authentiquement anodins qu'ils côtoient.

Je trouve aussi que ce tome renforce encore le côté « tranche de vie » par le fait que l'Histoire du royaume avance en même temps, mais elle avance complètement en arrière plan. On ne quitte pas le point du vue du personnage principal, et les évènements secondaires de sa petite vie sont beaucoup plus forts que les grands évènements historiques dont il n'est pas directement témoin.

Autrement, j'ai subi le même genre de lecture frénétique pendant les 60 dernières pages de ce tome qu'à la fin du précédent. Je l'avais attribué au fait de connaître déjà partiellement la fin, mais ne plus souvenir si j'avais oublié ou jamais su les réponses qui me manquaient ; mais comme je n'avais jamais lu le deuxième tome, cette explication ne peut pas s'appliquer. Du coup je ne sais pas trop à quoi c'est dû ; peut-être la conscience qu'il ne reste plus beaucoup de pages pour produire une conclusion à une situation apparemment inextricable.

Et bizarrement, le fait que tout parte en latte, aussi bien dans sa petite vie que dans l'Histoire, avec juste ce qu'il faut de réussites et de victoires pour ne pas se laisser aller au pessimisme, m'a beaucoup plu. C'est noir, mais c'est l'ordre des choses. C'est la crise, quoi.

Je crois que finalement la seule chose qui m'ait dérangée dans ce livre, c'est la jonction entre le tout début et la fin du premier tome : en fait le deuxième tome commence avant la fin du premier, et détaille beaucoup plus la partie commune. Ce qui était plus particulièrement pénible, c'était que le tout tout début est en contradiction avec la fin du premier. Une décision apparemment définitive du personnage principal, annoncée dans le tout tout début du deuxième tome, qui est à l'opposé de ce que le premier tome a raconté comme réalisé. Le malaise a perduré jusqu'au changement d'avis du personnage principal, qui réconcilie du coup les deux tomes, mais ça aurait quand même beaucoup plus facile si le premier tome avait au moins évoqué la décision inverse et le changement d'avis, même en une seule phrase, histoire de pouvoir recoller les morceaux.

Bref, j'adore cette histoire, j'adore ce livre, autant que le premier tome, et j'ai tout de suite enchaîné avec le troisième tome.

Et maintenant, je commence à me demander, avec une certaine angoisse, qu'est-ce que je vais pouvoir trouver comme histoire pour succéder à ce cycle pour assouvir mes besoins de high littéraire.

Assassin's Quest (T. 3)

Assassin's Quest est le dernier tome du premier cycle de l'Assassin Royal (Farseer Trilogy). Comme pour Royal Assassin, la traduction française a été découpée en le Poison de la vengeance, la Voie magique et la Reine solitaire.

La jonction entre le tome précédent et celui-ci est plutôt cataclysmique, et pourtant, malgré tous les changements dans le fond de l'histoire, je trouve beaucoup de continuité du premier tome au deuxième puis au troisième et dernier. Ça reste de la tranche de vie du héros, fortement empreinte de politique, avec l'ambiance plutôt noire et le style que j'aime beaucoup.

Il y a également une continuité dans les évolutions négatives : au fur et à mesure de la série, j'accroche de moins en moins au héros. Si sa situation initiale le met sur une trajectoire qui est exactement ce que j'aime, ses choix personnels l'en éloigne énormément.

Du coup ce troisième tome n'est plus vraiment giga-trop-super-bien dans lequel je suis complètement projetée, mais « seulement » bien. J'ai beaucoup aimé, mais sans la fusion avec le narrateur personnage principal que j'avais au début. Surtout dans le premier tiers.

À tel point que dans ce premier tiers, j'ai « déraillé ». Je ne sais pas trop comment désigner autrement ce phénomène, lorsque je suis une histoire, et puis plus ou moins brutalement je la mets en pause involontairement pour une durée indéterminée. Un peu comme si je n'arrivais plus à me battre pour la suivre. C'est ce qui est arrivé à pas mal de webcomics que j'ai suivi par le passé.

Et donc quelque part en automne 2012, j'ai mis cette histoire en pause, et je ne l'ai reprise que lors de ma frénésie de lecture de mars 2013. Coïncidemment c'était à peu près le moment dans l'histoire où il arrête de ressasser quelques choix complètement à l'opposé de ce que j'aurais fait, et le temps de me remettre dans l'histoire j'ai bien accroché jusqu'à la fin.

De la même façon, au cours de la trilogie le personnage principal est de moins en moins assassin, et quelque part de moins en moins politique. En fait dans une grosse deuxième moitié, la magie et l'univers qui y est associé remplacent les intrigues de cour des tomes précédents. J'aime autant, mais c'est différent.

Avec tout ça, même si j'ai quand même passé un très bon moment dans ce livre, je ne suis pas sûre que continuer dans des histoires de Robin Hobb suffise à assouvir mes besoins de high littéraire, que ce soit avec le cycle des Aventiers de la mer (Liveship traders), parce que l'univers maritime ce n'est pas spécialement mon truc, ou en sautant directement au cycle de l'Homme fauve (Tawny man trilogy). Je les lirai probablement à l'occasion, mais pour la fuite loin de la réalité, je suis plutôt partie dans les Night Huntress de Jeaniene Frost.

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